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lundi 17 août 2015

Le carnage de la prison iranienne reste indicible, d’après un ancien prisonnier politique - Videéo

CNRI- L’ancien prisonnier politique Mostafa Naderi, dans une interview avec Al Arabiya Television, a décrit son expérience dans les sordides prisons des mollahs. M. Naderi qui, au total, a passé 10 ans dans les chambres de torture et les goulags pendant les années 80, a été placé en isolement pour une durée combinée de cinq ans. Il a été arrêté à seulement 17 ans pour avoir soutenu le principal groupe d’opposition l’Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran (OMPI).
Pendant son temps en prison, il a subi les plus graves tortures physiques et psychologiques. 
Al Arabiya a diffusé l’interview de M. Naderi le 7 août 2015. Ce qui suit est la traduction anglaise du reportage. 
Al-Arabiya TV, 7 août 2015 : Avant l’interview, M. Mostafa Naderi était calme et tempéré, affirmant qu’il voulait seulement parler de ce que cela signifiait d’être un prisonnier dont la vie n’est rien d’autre que la prison. 
Mostafa Naderi : Je m’appelle Mostafa Naderi et j’ai été arrêté au nord de Téhéran, lors de ma dernière année de lycée. Je vendais le journal de l’Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran (OMPI), et nous avions aussi un stand duquel nous distribuions de la nourriture aux pauvres à prix réduits. 
Le jour de mon arrestation, je suis descendu du bus au nord de Téhéran. Ce jour-là, ils ont arrêté tous les jeunes qui se trouvaient dans le bus, dans la rue, et dans le quartier. Ils m’ont emmené au comité mixte à Baharestan Square. Nous étions environ 700-800 a avoir été arrêtés au même moment. 
Ils nous ont emmené pour nous interroger. Ils m’ont fouetté et m’ont demandé ce que je faisais sur la place. Je leur ai dit que je me rendais chez mon ami. Mais ils ont continué à me battre et m’ont dit que je devais avouer mon lien avec l’OMPI, avec les Fedayin [un groupe marxiste iranien] et les groupes de gauche. Je réalisai qu’ils n’avaient aucune information sur moi et qu’ils m’avaient seulement arrêté. 
Nous étions seulement accusés d’avoir l’air suspects. Beaucoup de jeunes gens étaient là. Il y avait un jeune homme avec des lunettes dont ils disaient que c’était un intellectuel. Ou ils ont arrêté ceux qui avaient des livres. Ils m’ont également arrêté parce qu’ils pensaient que j’avais l’air suspect. Ils voulaient mon adresse. Je leur en ai donné une fausse. Ils sont allés vérifier. Alors ils sont revenus et m’ont fouetté. Ils ont découvert que je vendais un journal et distribuais de la nourriture pour le compte de l’OMPI. 
Ils m’ont transféré à la prison d’Evin. Quand je suis entré dans la prison, il y avait un arbre – il y avait plusieurs arbres – auxquels ils avaient pendu des gens, ce qu’ils m’ont montré. Ils m’avaient bandé les yeux ; puis demandé de soulever mon bandeau. Alors que je le soulevai, j’ai vu plusieurs personnes pendues. Ils m’ont dit que c’était ça, la prison d’Evin. Tu entres à la verticale, mais ressors à l’horizontale. Ils voulaient me faire peur. 
J’ai été emmené au bureau du procureur d’Evin, qui était bondé. Tous les détenus avaient les yeux bandés et étaient accroupis dans le corridor en attendant d’être interrogés. Je ne pouvais pas voir, mais j’entendais le bruit du fouet, les cris et j’ai compris qu’ils torturaient beaucoup de monde. Je suis resté là deux jour avec mon bandeau sur les yeux. 
Finalement, ils m’ont pris pour m’interroger et ont commencé à me battre. Il y avait un lit bas aux côtés duquel ils ont attaché mes mains, ils ont soulevé mes pieds alors que j’étais allongé sur le ventre, et ont commencé à me fouetter. Au bout de 60-70 coups de fouets, mes pieds se sont engourdis. Plus tard, mes cloques se sont sont infectées. Ils m’ont sorti du lit, m’ont ordonné de marcher pour que mes pieds désenflent afin qu’ils puissent recommencer à me fouetter. 
Je leur ai demandé pourquoi ils m’avaient arrêté. Ils ont répondu que je n’avais pas besoin de dire quoi que ce soit, qu’ils savaient tout ce qu’il y avait à savoir, et que j’étais seulement ici pour être passé à tabac. Ils m’ont jeté dehors. Plus tard, vers la tombée de la nuit, ils m’ont fait venir à nouveau pour que je révèle mes relations avec l’OMPI. Je leur ai dit que je ne travaillais pas avec l’OMPI. 
Cette fois-ci, ils ont lié mes mains derrière mon dos et m’ont pendu ainsi au plafond. C’était extrêmement douloureux pour mes épaules, qui étaient sous pression. Alors que j’étais pendu au plafond les yeux bandés, j’ai pu apercevoir qu’ils avaient amené une femme en tchador. Ils ont commencé à la torturer et voulaient savoir son nom, mais elle refusait de leur dire. 
À cause de la douleur dans mes épaules, je me suis évanoui. Lorsque j’ai repris connaissance, j’ai vu que tous ses habits étaient en lambeaux à cause du fouet, et chaque coup déchirait sa peau. L’interrogateur m’a frappé avec un cable pour me retourner, pour que je ne puisse pas voir. 
Partie II – Mémoire 
Mostafa Naderi : Alors que nous traversions un couloir ils nous ont frappé la tête avec un cable. Ils nous harcelaient constamment dans la salle où nous étions réunis. Ils faisaient irruption dans la salle pour frapper des gens ou en emmener avec eux. Ils nous ont dit que nous ne devrions pas considérer que notre interrogatoire était terminé.
Ils voulaient que je fasse une confession forcée devant des caméras de télévision pour condamner l’OMPI et dire que j’avais fait une erreur [dans mes activités politiques]. J’ai refusé. Alors, ils m’ont transféré avec 65 autres prisonniers dans un endroit qu’ils appellent la « fosse aux vaches ». C’était dans un sous-sol. Il y avait deux trous en guise de robinet et de toilette. Ils m’ont laissé ici deux mois et demi. Ils m’ont seulement donné deux cuillères de riz à midi.
J’ai perdu 30 kilos là-bas et pesais 35 kilos quand je suis sorti. Beaucoup s’évanouissaient à cause de la faim. Dans ces cas-là, on frappait à la porte et on leur disait que quelqu’un s’était évanoui. Ils nous disaient de le mettre derrière la porte. Nous mettions la personne derrière la porte pour qu’il soit mené à l’infirmerie, voir un médecin, mais ils le battaient et nous disaient qu’ils l’avaient emmené voir le médecin.
Ils nous ont rappelé après deux mois et demi. Ils m’ont demandé si j’étais prêt à me confesser. Je leur ai dit que je n’allais rien confesser puisque je n’avais rien fait.
Ils nous ont tous mis, les 65 personnes, à l’arrière d’un camion à viande qui avait une petite ouverture au sommet pour respirer. Nous étions entassés, dos-à-dos et face-à-face. Nous étions debout, la tête penchée en arrière pour chercher de l’air et pouvoir respirer.
Il y avait un petit mec qui s’appelait Davoud (je ne me souviens pas de son nom de famille). Quand nous sommes arrivés à la prison de Gohardasht (Rajai Shahr) et que les gardes nous ont dit de remettre nos bandeaux, Davoud s’est effondré. Il s’était asphyxié parce qu’il n’avait pas pu respirer en chemin. Les prisonniers l’ont sorti.
Nous sommes allés au Hall 11 de Gohardast. J’y suis resté trois ans. Là-bas, ils ont confisqué tout ce qui m’appartenait, ma montre, mes lunettes ; tout sauf mon pyjama et mes sous-vêtements. Ils nous ont dit que lorsque nous irions prendre une douche nous pourrions récupérer nos affaires, mais que nous devrions les rendre ensuite. Il n’y avait rien là-bas pour nous occuper.
À la fin de l’interview, Mostafa a dit qu’il voulait ajouter quelque chose, alors nous avons rallumé la caméra.
Mostafa Naderi : Ce qui m’a le plus affecté, c’est le simulacre d’exécution que j’ai subi.
En réprimant difficilement ses larmes, il a affirmé qu’après ce simulacre d’exécution il avait perdu le goût de toutes choses.

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