Le CSDHI a apporté son soutien à cet exposé présenté par cinq ONG dotées d’un statut consultatif au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, sur le massacre des prisonniers politiques en Iran en 1988 :
Une commission d'enquête de l’ONU nécessaire pour mettre fin à l'impunité sur le massacre des prisonniers politiques de 1988 en Iran
Une commission d'enquête de l’ONU nécessaire pour mettre fin à l'impunité sur le massacre des prisonniers politiques de 1988 en Iran
Il est urgent de mettre fin à l'impunité en République islamique d'Iran pour l'exécution massive de milliers de prisonniers politiques en 1988.
Le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, dans son rapport du 13 mars 2017 (A / HRC / 34/40) au Conseil des droits de l'homme de l'ONU sur la situation des droits humains en République islamique d'Iran, a mentionné que le HCDH a reçu les copies de dizaines de lettres de plainte adressées au Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme et au procureur de la Cour pénale internationale des familles de personnes tuées lors des exécutions massives de 1988 en Iran.
En février 2017, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les droits humains, Zeid Ra'ad Al Hussein, a déclaré à juste titre que l'impunité nourrit de nouvelles violations des droits humains. Cette affirmation est particulièrement vraie en Iran où le massacre de quelque 30 000 prisonniers politiques en 1988 n'a jamais été officiellement reconnu ou poursuivi en justice.
Selon l'ONG londonienne Justice pour les victimes du massacre de 1988 en Iran (JVMI), qui a publié en février 2017 les conclusions de son enquête sur le massacre, les meurtres ont eu lieu à la fin de la guerre Iran-Irak quand le guide suprême de l’Iran l’ayatollah Khomeiny a émis une fatwa (décret) ordonnant l'exécution de tous les prisonniers politiques soutenant le principal groupe d'opposition iranien connu sous le nom de l'Organisation des Moudjahidine du peuple de l'Iran (OMPI). Sur la base de la fatwa de Khomeiny, des «commissions de la mort» à travers le pays ont fait exécuter les prisonniers politiques qui refusaient de renoncer à leurs opinions politiques.
Des responsables iraniens agissant en toute impunité
Le rapport de la JVMI souligne que l'inaction et l'insensibilité de la communauté internationale vis-à-vis de ce crime ont permis au pouvoir iranien de se sentir libre de continuer à violer le droit international et les droits humains.
L'échec jusqu'à présent de la communauté internationale à enquêter sur ce «crime contre l'humanité» et à en juger les auteurs a alimenté une culture d'impunité pour les autorités iraniennes au point que les responsables qui siégeaient à la «commission de la mort» de 1988 à Téhéran sont aujourd'hui les mêmes qui se présentent à l'élection présidentielle en Iran.
L'échec jusqu'à présent de la communauté internationale à enquêter sur ce «crime contre l'humanité» et à en juger les auteurs a alimenté une culture d'impunité pour les autorités iraniennes au point que les responsables qui siégeaient à la «commission de la mort» de 1988 à Téhéran sont aujourd'hui les mêmes qui se présentent à l'élection présidentielle en Iran.
Le processus électoral de l'Iran est incompatible avec les normes internationales reconnues pour les élections démocratiques, et selon la Constitution, les candidats doivent prouver leur allégeance en paroles et en actes au Guide suprême. Les candidats sont examinés de manière rigoureuse par un Conseil des gardiens dont les membres sont nommés par le Guide suprême. L'un de ces six candidats qualifiés était Ebrahim Raïssi, qui a siégé à la commission de la mort de Téhéran en 1988 comme procureur adjoint, envoyant des milliers de prisonniers politiques à la mort. Il se présente contre le président actuel Hassan Rohani qui a un bilan aussi sinistre des droits de l'homme, avec plus de 3000 exécutions sous son premier mandat présidentiel. Le ministre de la Justice de Rohani, Mostafa Pour-Mohammadi, a également siégé à la commission de la mort de Téhéran comme représentant du ministère du Renseignement.
Sans les efforts internationaux visant à définir les responsabilités du massacre de 1988, il existe une véritable menace d'une détérioration drastique de la situation déjà atroce des droits humains en Iran, quel que soit celui qui assumera la présidence cet été.
Dans un rapport (A / HRC / 34/65) au HRC le 17 mars 2017, Mme Asma Jahangir, rapporteuse spéciale de l'ONU sur la situation des droits humains en Iran, a souligné le cas de Mme Maryam Akbari Monfared, prisonnière politique qui se voit refuser un traitement médical en Iran après avoir publié une lettre demandant justice pour ses frères et soeurs qui ont été exécutés en 1988. Mme Akbari Monfared purge une peine de 15 ans de prison en relation avec son affiliation à l'OMPI.
Le fichier audio de Montazeri
La rapporteuse spéciale Asma Jahangir a également souligné :
« En novembre 2016, Ahmad Montazeri, un religieux et fils de l'ayatollah Hossein Ali Montazeri, l'un des pères fondateurs de la République islamique, a été condamné à plusieurs années de prison après avoir révélé une cassette audio de plusieurs décennies dans laquelle son père dénonce l'exécution massive de prisonniers politiques pendant l'été 1988. Ahmad Montazeri a été arrêté pour «atteinte à la sécurité nationale», «communiquer un fichier audio classé» et «propagande contre le système». Le père d'Ahmad Montazeri a été l'un des rares dirigeants iraniens à exprimer une opposition à l'exécution signalée de milliers de dissidents politiques en 1988, qui avaient déjà été jugés et condamnés à des peines dans des centres de détention dans tout le pays. »
Dans le fichier audio confidentiel, les membres du judiciaire et du ministère du Renseignement de l'Iran qui figuraient parmi les auteurs du massacre, comme Raïssi et Pour-Mohammadi, confirment les exécutions de leur propre voix. On entend l'ayatollah Montazeri dire aux membres de la Commission de la mort : « Des filles de 15 ans et des femmes enceintes se trouvaient parmi les personnes tuées. Dans la jurisprudence chiite, même si une femme est «Mohareb» (en guerre contre Dieu), elle ne doit pas être exécutée. Je l'ai dit à Khomeiny, mais il a dit non, exécutez les femmes aussi. »
Réaction de la société civile iranienne
Depuis l'été 2016, la société civile iranienne défie le gouvernement en violant le tabou. Elle discute ouvertement du massacre de 1988 et demande justice.
Le clip vidéo d'un discours du 22 avril 2017 par un élève de l'université de Tabriz condamnant le massacre de 1988 en Iran a été largement diffusé dans les médias sociaux. S'adressant à Hassan Abbasi, ancien officier supérieur des gardiens de la révolution, qui se trouvait sur la scène, l'étudiant iranien déclare : « Votre théorie et vos discussions défendent les massacres horribles, inhumains, illégaux et irréligieux de 1988. Nous ne pardonnerons ni n’oublierons vos trahisons et vos crimes. Notre peuple vengera la douleur des mères [des martyrs] de notre nation. »
Le Dr Mohammad Maleki, le premier doyen de l’université de Téhéran après la révolution de 1979 et opposant majeur en Iran, a souligné dans une interview accordée à Dorr TV le 14 aout 2016 que Reza Malek, qui s’occupait des documents et des archives du ministère du Renseignement, avait affirmé que plus de 30.400 des prisonniers exécutés appartenaient à l’OMPI et 2000-3000 étaient de gauche et marxistes.
Auparavant, Reza Malek, ancien haut fonctionnaire du ministère du Renseignement devenu un lanceur d’alerte et qui a passé 12 années en prison, avait envoyé secrètement un clip vidéo à Ban Ki-moon depuis sa prison révélant que 33.700 avaient été exécutées lors du massacre de 1988.
Dans un récent article sur le Rwanda, Mohammad Nourizad, un proche collaborateur de l'ayatollah Ali Khamenei avant la répression de l'insurrection de 2009 à Téhéran, écrit :
« Ici, en l’espace de 2 ou 3 mois, 33.000 hommes, femmes, jeunes et vieux ont été emprisonnés, torturés et exécutés. Leurs corps ont été emportés au cimetière de Khavaran et dans des terrains vagues en camions et enterrés dans des fosses communes, satisfaits de ce qu’ils avaient fait. »
« Ici, en l’espace de 2 ou 3 mois, 33.000 hommes, femmes, jeunes et vieux ont été emprisonnés, torturés et exécutés. Leurs corps ont été emportés au cimetière de Khavaran et dans des terrains vagues en camions et enterrés dans des fosses communes, satisfaits de ce qu’ils avaient fait. »
Les procédures des «Commissions de la mort» et les fosses communes
Selon de nombreux rapports, la procédure des commissions de la mort était très simple. La première question était : «Quelle est votre appartenance politique?» Ceux qui répondaient «Moudjahidine» étaient envoyés à la potence. La réponse «correcte» était «Monafeghine» (hypocrites, terme péjoratif utilisé par le pouvoir pour qualifier l'OMPI). Selon Montazeri dans certaines villes, cette réponse n'a pas suffi et les détenus ont été testés pour savoir s'ils étaient prêts à exécuter d'autres membres de l'OMPI ou à donner des interviews télévisées condamnant le groupe. Une réponse négative signifiait l’exécution.
Selon de nombreux rapports, la procédure des commissions de la mort était très simple. La première question était : «Quelle est votre appartenance politique?» Ceux qui répondaient «Moudjahidine» étaient envoyés à la potence. La réponse «correcte» était «Monafeghine» (hypocrites, terme péjoratif utilisé par le pouvoir pour qualifier l'OMPI). Selon Montazeri dans certaines villes, cette réponse n'a pas suffi et les détenus ont été testés pour savoir s'ils étaient prêts à exécuter d'autres membres de l'OMPI ou à donner des interviews télévisées condamnant le groupe. Une réponse négative signifiait l’exécution.
Peu après le massacre des Moudjahidine a commencé, des prisonniers affiliés avec d’autres groupes politiques ont aussi été exécutés.
Ceux qui ont été exécutés à Téhéran et dans d'autres villes ont été enterrés dans des fosses communes. Les dirigeants iraniens ont tenté d'en effacer toutes les traces. À la fin de 2008 et au début de 2009, des bulldozers ont aplati le site des charniers dans le cimetière de Khavaran à l'est de Téhéran. Dans une déclaration du 20 janvier 2009, Amnesty International a insisté pour que ces cimetières soient conservés intacts pour les enquêtes.
Le Rapporteur sur les exécutions arbitraires de la Commission des droits de l'homme de l'ONU déclarait dans son rapport de 1989 : « Les 14, 15 et 16 août 1988, 860 corps ont été transférés de la prison d'Evine [de Téhéran] au cimetière de Behecht-e-Zahra. » Cependant, la majorité des morts ont été enterrés dans des charniers du cimetière de Khavaran.
Le massacre de 1988 en Iran constitue un crime contre l’humanité
Dans un communiqué commun le 8 mars 2017, une vingtaine de groupes de droits humains, dont Amnesty international et Human Rights Watch, ont appelé les autorités iranienne à cesser le harcèlement et la poursuite des défenseurs des droits humains qui recherchent la vérité et la justice pour ceux qui ont été exécutés en 1988.
Dans un communiqué commun le 8 mars 2017, une vingtaine de groupes de droits humains, dont Amnesty international et Human Rights Watch, ont appelé les autorités iranienne à cesser le harcèlement et la poursuite des défenseurs des droits humains qui recherchent la vérité et la justice pour ceux qui ont été exécutés en 1988.
Le 2 novembre 2007, pour marquer l'anniversaire de ce massacre, Amnesty International avait publié une déclaration qualifiant ce jour de «massacre des prisonniers», avant d'ajouter qu’ «Amnesty International pense qu'il s'agit d'un crime contre l'humanité.» Dans le rapport du 25 décembre 2005 de Human Rights Watch, ces homicides sont également qualifiés de «crimes contre l'humanité».
Le 20 septembre 2013, la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) a qualifié les événements de 1988 d'exécutions extrajudiciaires et arbitraires et de crimes contre l'humanité.
Le juriste britannique Geoffrey Robertson, ancien président du Tribunal spécial des Nations Unies pour la Sierra Leone, a publié en 2010 un rapport approfondi et documenté sur ce massacre, bien qu'il n'ait pas eu accès à toutes les preuves. Dans son livre intitulé «Mullahs without Mercy» [les mollahs sans pitié], il déclare que ces meurtres sont des crimes contre l'humanité et peuvent être qualifiés de génocide. Robertson conclut que l'inaction et l'insensibilité de la communauté internationale à ce crime ont permis au gouvernement iranien de se sentir libre de continuer à violer le droit international et les droits humains. Il conclut :
« En Iran, les massacres des prisons, en vertu de leur cruauté calculée conçue par les dirigeants politiques et judiciaires de l'État, sont plus répréhensibles que leurs comparateurs ... Les deux dirigeants qui ont conseillé et mis en oeuvre les massacres de 1988, Khamenei et Rafsandjani sont respectivement le guide suprême et le président du Conseil de discernement et les juges de la commission de la mort sont toujours dans le judiciaire. Ils méritent d'être jugés devant un tribunal international, de ceux qui ne peuvent être établi que par le Conseil de sécurité. » (Page 104)
L'Assemblée générale a adopté la résolution A / RES / 71/204, le 19 décembre 2016, dans laquelle elle demande à l'Iran «de lancer un processus général d'imputabilité pour tous les cas de violations graves des droits humains et (...) afin de mettre fin à l'impunité pour de telles violations ». L'Iran n'a toutefois pas respecté cet appel.
L'Assemblée générale a adopté la résolution A / RES / 71/204, le 19 décembre 2016, dans laquelle elle demande à l'Iran «de lancer un processus général d'imputabilité pour tous les cas de violations graves des droits humains et (...) afin de mettre fin à l'impunité pour de telles violations ». L'Iran n'a toutefois pas respecté cet appel.
La nécessité d’une commission d’enquête de l’ONU
Ce qui s'est passé dans les prisons iraniennes en 1988 laisse une cicatrice profonde sur le corps et l'âme du peuple iranien. La seule façon d’apaiser cette blessure serait une enquête approfondie pour identifier ceux qui ont abusé de leur pouvoir pour exécuter des milliers d’opposants idéologiques.
Ce qui s'est passé dans les prisons iraniennes en 1988 laisse une cicatrice profonde sur le corps et l'âme du peuple iranien. La seule façon d’apaiser cette blessure serait une enquête approfondie pour identifier ceux qui ont abusé de leur pouvoir pour exécuter des milliers d’opposants idéologiques.
Selon les conventions internationales, il n'y a pas de prescription pour les crimes contre l'humanité. Il incombe à la communauté internationale, y compris au Conseil des droits de l'homme et au Conseil de sécurité, de s'occuper de cette question et de veiller à ce que les responsables rendent des comptes. Ce qui est urgent, c'est que le massacre et le génocide de 1988 ne se sont pas terminés et se poursuivent - par exemple, le Haut-commissaire Zeid Ra'ad Al Hussein a publié une déclaration déplorant les «exécutions de masse» en Iran suite à l'exécution de 25 sunnites le 2 août 2016. De plus, les auteurs du massacre de 1988 occupent toujours des postes clés et pourraient bientôt être à la tête du gouvernement qui continue d'assassiner leurs opposants en toute impunité.
Recommandations
En conclusion, nous recommandons :
En conclusion, nous recommandons :
1) que le Haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme et le Conseil des droits de l'homme de l'ONU inscrivent ce massacre à leur ordre du jour et, dans une première étape, nomment une commission internationale chargée d'enquêter sur ce crime atroce ;
2) que la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits humains en Iran, Asma Jahangir, mène une enquête sur le massacre de 1988 dans le cadre de son mandat ;
2) que la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits humains en Iran, Asma Jahangir, mène une enquête sur le massacre de 1988 dans le cadre de son mandat ;
3) que le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, Pablo de Greiff, mène une enquête sur le massacre de 1988 dans le cadre de son mandat.
Exposé écrit et présenté conjointement par Nonviolent Radical Party, Transnational and Transparty, organisation non gouvernementale dotée du statut consultatif général, Women's Human Rights International Association, France Libertes : Fondation Danielle Mitterrand, organisations non gouvernementales dotées du statut consultatif spécial, International Educational Development, Inc., Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, organisations non gouvernementales inscrites sur la liste.
*Hands Off Cain, le Comité de Soutien au Droits de l'Homme en Iran, Association des Femmes Iraniennes en France, des ONG sans statut consultatif partagent également les opinions exprimées dans cet exposé.
*Hands Off Cain, le Comité de Soutien au Droits de l'Homme en Iran, Association des Femmes Iraniennes en France, des ONG sans statut consultatif partagent également les opinions exprimées dans cet exposé.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire