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vendredi 21 septembre 2018

Il est temps pour l'ONU d'enquêtre sur le massacre de 1988 en Iran


logo onuCSDHI - Cinq ONG ont rédigé une déclaration lors de la 39e session du Conseil des droits de l'homme de l'ONU appelant les Nations Unies à ouvrir une enquête sur le terrible massacre qui a fauché la vie de 30.000 prisonniers politiques, hommes, femmes, durant l'été 1988 en Iran.
Il s'agit de Nonviolent Radical Party, Transnational and Transparty, Women's Human Rights International Association, Edmund Rice International Limited, France Libertes : Fondation Danielle Mitterrand, International Educational Development, et le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples.
Voici le texte :


Trente ans après le massacre de prisonniers politiques de 1988 en République islamique d'Iran, il est temps pour le monde
d'apaiser la blessure d'une nation et de traduire en justice les auteurs de ce crime contre l'humanité, dont beaucoup occupent aujourd'hui des postes gouvernementaux importants et n'ont jamais été tenus responsables.
En été 1988, le gouvernement iranien a massacré 30 000 prisonniers politiques. Les exécutions ont été menées sur ordre d'une fatwa par le guide suprême l’ayatollah Khomeiny. Des commissions de trois membres – "les commissions de la mort"– ont été formées dans tout l'Iran, condamnant à mort les prisonniers politiques qui refusaient d'abandonner leurs
croyances.
Le décret de Khomeiny appelait à exécuter tous les prisonniers politiques affiliés au principal groupe d'opposition, l'Organisation des Moudjahidine du peuple d'Iran (OMPI), qui restaient fidèles à l'organisation. Les prisonniers politiques d'autres groupes ont été exécutés lors d'une deuxième vague environ un mois après le début des meurtres. Les victimes ont été enterrées dans des fosses communes secrètes.
Les auteurs continuent de jouir de l'impunité
Une enquête menée par Justice for the Victims of the 1988 Massacre in Iran (JVMI), ONG basée à Londres, publiée en octobre 2017, a révélé l'identité de 87 membres des "commissions de la mort". Beaucoup occupent encore des postes dirigeants au sein de l'appareil judiciaire ou du gouvernement iranien, comme l'actuel ministre de la Justice.
A ce jour, aucun responsable iranien n'a été poursuivi pour son rôle dans le massacre. Pire, les autorités iraniennes ont tenté au fil des ans d'effacer les preuves en détruisant les fosses communes. Le rapport énumère également 59 fosses communes en Iran du massacre de 1988. Les conclusions sont fondées sur des rapports de témoins oculaires, des renseignements fournis par des familles de victimes et des preuves documentaires et photographiques provenant de sites.
En avril 2018, Amnesty International et Justice For Iran ont publié un rapport conjoint soulignant la profanation et la destruction délibérées par les autorités iraniennes de fosses communes du massacre de 1988.
Le rapport de 31 pages, intitulé "Criminal cover-up : Iran destroying mass graves of victims of 1988 killings", révèle que les autorités iraniennes détruisent au bulldozer, construisent des bâtiments et des routes, déversent des ordures ou construisent de nouveaux cimetières sur des sites de fosses communes. Ces tactiques suppriment des preuves clés pouvant être utilisées pour établir la vérité sur l'ampleur des crimes et obtenir justice et réparation pour les victimes et leurs familles. Ces sites sont constamment surveillés par des organes de sécurité, ce qui suggère que les organes judiciaires, de renseignement et de sécurité sont impliqués dans les processus décisionnels des profanations et destructions.
En juillet 2018, les familles des victimes du massacre de 1988 à Ahwaz qui s'étaient rendues sur les tombes de leurs proches, ont découvert qu’elles avaient été rasées à la hâte.
Depuis 30 ans, les autorités iraniennes tentent de dissimuler la vérité sur le massacre. Les proches des victimes qui cherchent publiquement à obtenir justice sont victimes de harcèlement, y compris d’emprisonnement et de torture.
Le peuple iranien, en particulier les proches des victimes, attend des Nations Unies qu'elles mènent une enquête indépendante sur le massacre.
Position du Rapporteur spécial de l'ONU sur le massacre de 1988 en Iran
Le précédent Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran, feue Asma Jahangir, a déclaré dans un rapport (A/72/322) à l'Assemblée générale des Nations Unies :
« 73. Entre juillet et août 1988, des milliers de prisonniers politiques, hommes, femmes et adolescents, auraient été exécutés en vertu d'une fatwa émise par le Guide suprême de l'époque, l'ayatollah Khomeiny. Une commission de trois hommes aurait été créée en vue de déterminer qui devrait être exécuté. Les corps des victimes auraient été enterrés dans des tombes non marquées et leurs familles n'ont jamais été informées de l'endroit où elles se trouvaient. Ces événements, connus sous le nom de massacres de 1988, n'ont jamais été officiellement reconnus. En janvier 1989, le Représentant
spécial de la Commission des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran, Reynaldo Galindo Pohl, s'est dit préoccupé par le "déni global" des exécutions et a demandé aux autorités iraniennes de mener une enquête. Une telle enquête n'a pas encore été entreprise.
« 74. En août 2016, un enregistrement audio d'une réunion tenue en 1988 entre de hauts fonctionnaires de l'État et des religieux a été publié. L'enregistrement a révélé les noms des responsables qui avaient exécuté et défendu les exécutions, y compris l'actuel ministre de la Justice, un juge de la Haute Cour, et le chef de l'une des plus grandes fondations religieuses du pays et candidat à l’élection présidentielle de mai. Après la publication de l'enregistrement audio, certaines
autorités cléricales et le chef de l'appareil judiciaire ont admis que les exécutions avaient eu lieu et, dans certains cas, les ont défendues. »
Le rapport de la RS-Iran conclut :
« 109. Au fil des ans, un grand nombre de rapports ont été publiés sur les massacres de 1988. Si le nombre de personnes disparues et exécutées peut être contesté, des preuves accablantes montrent que des milliers de personnes ont été sommairement tuées. Récemment, ces meurtres ont été reconnus par certains au plus haut niveau de l'Etat. Les familles des victimes ont le droit de connaître la vérité sur ces événements et le sort de leurs proches sans risquer de représailles.
Ils ont droit à un recours, qui comprend le droit à une enquête efficace sur les faits et à la divulgation publique de la vérité, ainsi que le droit à la réparation. La Rapporteuse spéciale demande donc au Gouvernement de veiller à ce que ces événements fassent l'objet d'une enquête approfondie et indépendante. »
Rapport du Secrétaire général de l'ONU
Un rapport du Secrétaire général António Guterres au Conseil des droits de l'homme (A/HRC/37/24) sur la « Situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran », daté du 26 février 2018, déclare :
« 44. Le HCDH a continué de recevoir des lettres des familles des victimes qui ont été sommairement exécutées ou ont disparu de force au cours des événements de 1988. Ils demandent l'intervention du HCDH pour mettre fin au harcèlement, à l'intimidation et aux poursuites contre les défenseurs des droits de l'homme qui cherchent la vérité et la justice au nom
des victimes et de leurs familles. Le Secrétaire général demeure préoccupé par les difficultés rencontrées par les familles pour obtenir des informations sur les événements de 1988 et par le harcèlement de ceux qui continuent de réclamer des informations complémentaires sur ces événements. »
Lettre des procédures spéciales
Le 14 juin 2017, les autorités iraniennes ont reçu une lettre relative au massacre de 1988, émanant des mandats du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran, du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression et du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, la justice, la réparation et les garanties de non-récurrence. Leur lettre disait :
« Ces événements, connus sous le nom de massacre de 1988, n'ont jamais été officiellement reconnus par le gouvernement iranien et, par conséquent, aucune enquête officielle n'a jamais été menée pour clarifier la nature des crimes, pour identifier les auteurs et les tenir responsables de leurs actes, et pour offrir réparation aux familles des victimes. Les corps des victimes ont été enterrés dans des tombes non marquées et leurs familles n'ont jamais été informées de leur sort. »
« Donnez des informations sur les mesures prises pour enquêter sur les exécutions extrajudiciaires de 1988 et traduire les auteurs en justice. Si aucune enquête n'a eu lieu, veuillez expliquer pourquoi.
« Veuillez fournir des informations sur les mesures prises par le Gouvernement de votre Excellence pour garantir le droit à la vérité, à la justice et à la réparation aux familles des personnes exécutées extrajudiciairement au cours de l'été 1988. »
En réponse à la demande officielle des procédures spéciales, le gouvernement iranien a répondu par une lettre, le 11 août 2017, sans aucune référence au massacre de 1988, ni même de la responsabilité des auteurs.
Allocution du Haut-commissaire Zeid
Le Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al Hussein, a répondu aux questions sur le massacre de 1988 lors d'une session avec les ONG le 9 mars 2018 :
« Le massacre de 88, les allégations de massacres en 88, les exécutions sommaires et les disparitions forcées de milliers de prisonniers politiques - hommes, femmes et enfants - nous avons reçu beaucoup d'informations de votre part, tout comme notre chère amie qui nous a quittés, Asma Jahangir (... ) Nous avons reçu 150 communications au sujet de 1988, et cela se reflète dans le rapport présenté au Conseil. Et les recommandations ont été faites aux autorités nationales pour qu'elles enquêtent de manière indépendante et impartiale bien sûr, compte tenu de toute l'attention accordée à cette question par les familles des victimes. Je dois dire que je suis tout à fait d'accord avec tout point de vue selon lequel nous devons examiner les injustices historiques et nous devons le faire sous l'angle de l'enquête. »
Audition de la société civile 
Une audition de la société civile s'est tenue à Genève le 1er février 2018 sur les mesures nécessaires pour mettre fin à l'impunité des auteurs de ces actes. Elle a entendu des témoins et des experts juridiques et a proposé un jugement sur le massacre de 1988. Il s'agissait de la première audition de ce type organisée par des ONG à Genève ; elle a exhorté l’ONU à agir immédiatement pour faire face à la vague d'arrestations massives et d'assassinats dans les prisons iraniennes en 2018, à la suite des récentes manifestations antigouvernementales. La société civile internationale et les ONG ont exhorté le Haut-commissaire aux droits de l'homme à former une mission d'enquête sur le massacre de 1988. Au cours de l'audience de Genève, d'anciens juges de l'ONU, de hauts responsables des droits humains, des experts et défenseurs des droits humains ont souligné qu'une telle enquête, attendue depuis longtemps, est désormais cruciale à la lumière de l'arrestation de milliers de manifestants pacifiques au tournant de l'année, car de nombreux manifestants sont morts alors qu'ils étaient sous la garde des autorités. Beaucoup d'autres sont menacés d'un sort similaire.
Il est temps d'agir
Au nom de nos ONG respectives, nous demandons au Conseil des droits de l'homme de l’ONU de mettre fin à l'impunité dont jouissent les responsables iraniens depuis 30 ans pour le massacre de 1988.
Trente ans après, nous pensons que tant que la vérité n'aura pas été dévoilée et que les auteurs de ces crimes n'auront pas à répondre de leurs actes, le gouvernement iranien ne sera pas incité à modifier sa politique en matière de droits humains. Nous demandons donc au Conseil des droits de l'homme de l'ONU de créer une commission d'enquête sur le massacre de 1988 et de rendre justice aux victimes de ce crime contre l'humanité. Nous exhortons la nouvelle Haute-commissaire de l’ONU aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, à soutenir le lancement d'une mission d'enquête indépendante sur le massacre de 1988. En outre, nous appelons les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme, en particulier le nouveau Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Iran, Javaid Rehman, et le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, Fabian Salvioli, à enquêter sur le massacre de 1988 en Iran dans le cadre de leurs mandats respectifs. **Hands off cain Association des femmes Iraniennes en France comité de soutien aux droits de l'homme en Iran, une ONG sans statut consultatif, partagent également les opinions exprimées dans cet exposé.

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