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mardi 12 mars 2019

« Amnesty a su apporter de nouvelles preuves du massacre de 1988 en Iran »


henrik hermanss ONU massacre 1988 iranCSDHI - Le 7 mars, en marge de la 40e session du Conseil des droits de l'homme de l'ONU à Genève, s'est tenue une réunion parallèle portant sur la situation des droits de l'homme en Iran et le massacre de 1988 des prisonniers politiques.

Dans une intervention, Henrik Hermansson, expert suédois en sciences politiques et défenseur des droits de l'homme a proposé une analyse sur le rapport de 200 pages d'Amnesty International sur ce crime contre l'humanité :
Je suis honoré de faire partie de ce groupe. On m'a demandé de passer en revue les nombreuses preuves recueillies au fil des années concernant le massacre des prisonniers politiques en Iran en 1988. Et je crois que je vais devoir le faire assez rapidement.
Historiquement, avant ce nouveau rapport d’Amnesty International, j’aimerais souligner qu’il y a eu au moins trois grandes enquêtes menées par des ONG sur ce sujet.
Le premier est le rapport sur le massacre des prisonniers politiques en Iran en 1988, rédigé par Geoffrey Robertson. Il était membre du Conseil interne de la justice de l’ONU et demeure un juge extrêmement respecté.
Deuxièmement, le rapport de la FIDH, « Vingt-cinq ans plus tard et toujours pas de justice : les exécutions en prison en 1988 restent impunies ».
Troisièmement, les deux excellents rapports de JVMI et de M. Boumedra.
Ce que nous savons de ces travaux est assez complet et ils se confirment indépendamment, en utilisant différentes sources, s’appuyant sur les meilleures pratiques méthodologiques. Nous avons le témoignage de centaines de témoins ; des documents importants sur l'ordre de tuer ; des aveux publics et divulgués par les auteurs, et notamment grâce au travail de JVMI, nous disposons d’une liste très bien étayée et très complète des suspects, ainsi que de l’emplacement d’un grand nombre de chaniers.
Et puis, en décembre, Amnesty International a publié un nouveau rapport intitulé « Des secrets imprégnés de sang. Pourquoi les massacres dans une prison d’Iran en 1988 constituent des crimes contre l’humanité ». Le rapport lui-même est un compte-rendu complet de toutes les informations originales rassemblées au fil des années par Amnesty, notamment de nouveaux témoignages de 41 survivants, de 54 membres de leur famille, de 11 anciens prisonniers et de 10 autres témoins. Le rapport compte plus de 200 pages et je vous invite à le lire intégralement.
Il y a certains aspects du rapport qui sont vraiment nouveaux, en dépit du fait que nous ayons toutes ces preuves d’avant. Il présente de nouveaux témoins, des photographies et des documentations qui corroborent les premières études. Il présente également les similitudes géographiques et les différences dans les processus décisionnels qui ont mené à ces exécutions. Et ce que fait le rapport, selon mon analyse, c’est de montrer que les différences entre les témoignages sont le résultat de la façon dont différentes juridictions ont appliqué ce qui était, bien sûr, une ordonnance de meurtre extrajudiciaire. On ne pouvait pas s’attendre à ce qu'il soit identique partout. Et cela en soi corrobore les témoins.
Amnesty a également pu comparer différentes compilations des victimes avec les registres funéraires officiels, ce qui montre qu'environ 98 % des victimes ont été enterrées dans des sépultures secrètes et non marquées.
Enfin, le rapport analyse en détail les réponses de l’Iran aux titulaires de mandat de l’ONU et expose ainsi bon nombre des mensonges qu’ils ont racontés au fil des années.
Une œuvre intéressante est celle de photographies de personnes que le régime iranien prétend qu’elles n’ont jamais existé, des photos de tombes de personnes que le régime iranien prétendait qu’elles étaient en vie et en bonne santé. Ce genre de choses.
A la lecture de cette partie du rapport, la question qui me frappe tout de suite est la suivante : qu’est-ce que cela signifie pour la crédibilité de l’ONU et des mécanismes des droits humains quand ils ne réagissent pas à des mensonges aussi flagrants d’un État membre concernant un crime de cette ampleur ? De quelle manière pensez-vous que la crédibilité du CDH est affectée ?
Amnesty International tire la conclusion qui s’impose, et je cite : « L’inaction des Nations Unies a enhardi davantage les autorités de persévérer dans leur désaveu de la vérité ».
Ce que nous avons constaté de l'ONU, c'est un cas d'amnésie en série. Le crime était bien connu des titulaires de mandat des Nations Unies en 1988. Ils ont écrit à ce sujet, passé des appels à ce sujet et exprimé leur grave préoccupation. Mais ils ont laissé tomber. Grâce aux efforts considérables et courageux des familles des victimes, avec l'aide de la communauté des ONG, ce crime récurrent est à nouveau à l'ordre du jour. L'ancienne Rapporteuse spéciale sur la situation des droits humains en Iran a demandé l'ouverture d'une enquête internationale indépendante sur cette affaire et y a consacré une partie importante de son rapport. Mais le nouveau titulaire du mandat ne le mentionne même pas. Cela me montre que cette mémoire institutionnelle de l’ONU est profondément dysfonctionnelle et que cela nuit non seulement à cette affaire, mais à beaucoup d’autres également. Et c’est un problème auquel l’ONU doit répondre de toute urgence.

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