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dimanche 28 novembre 2021

En procès en Suède, un ancien responsable iranien incarne toujours la culture de l’impunité

 Des militants de la Résistance iranienne organisent un rassemblement à Stockholm

Cette semaine, l’ancien responsable pénitentiaire iranien Hamid Noury a commencé à présenter sa défense devant un tribunal suédois, dans le cadre d’un procès qui a débuté en août suite à son inculpation pour crimes de guerre et meurtres de masse. Noury a été arrêté en 2019 sur la base de la compétence universelle, qui permet à la justice de tout pays de poursuivre les violations graves du droit international. Il est accusé d’avoir participé au massacre de 30 000 prisonniers politiques au cours de l’été 1988, et plus de 20 survivants de ce massacre ont fourni des témoignages sur les mauvais traitements systématiques qu’il infligeait aux prisonniers et sur son rôle dans leur conduite vers le « couloir de la mort », où les détenus étaient interrogés sur leurs affiliations politiques, puis promptement pendus.

Face à l’avalanche de preuves contre lui, la défense de Noury est apparue désespérée et inefficace. Elle va de l’affirmation selon laquelle il était en congé au moment du massacre à la négation de l’existence d’un tel massacre. À un moment donné, Noury a même déclaré : « Il n’y a pas de prison appelée Gohardacht », en référence à l’établissement où des témoins se souviennent avoir subi des abus de sa part. Il est difficile d’imaginer que ses perspectives d’acquittement ou de peine légère s’améliorent du fait de son déni de la réalité, mais à ce stade, on peut imaginer que Noury n’a aucun espoir d’éviter la prison et qu’il cherche davantage à sauver la face du régime iranien.

Cela se reflète dans le fait que Noury a passé son temps au tribunal pour faire l’éloge de ce régime et de ses responsables. Il a condamné un témoin pour avoir décrit avec précision Qassem Soleimani, le chef de la force Qods affiiée aux Corps des gardiens de la révolution islamique (pasdaran), tué lors d’une frappe aérienne américaine en 2020, comme un criminel. Et il a tenté de renforcer l’illusion d’un processus démocratique en République islamique en qualifiant Ebrahim RaÏssi de « président populaire ». En fait, Raïssi a été « élu » président en juin après que tous les autres candidats viables ont été exclus du scrutin et que la grande majorité de l’électorat a boycotté le vote en signe de protestation.

Notamment, ce boycott a été motivé non seulement par le manque de choix dans l’élection de juin, ou dans les élections en général, mais aussi par les antécédents particulièrement onéreux du vainqueur présumé dans cette course. En faisant l’éloge de Raïssi au procès, Noury faisait l’éloge d’un autre auteur du massacre de 1988, à savoir l’un des quatre responsables qui ont siégé à la « commission de la mort » qui a supervisé les exécutions dans les prisons de Gohardacht et d’Evin.

Plusieurs témoins du procès de Noury se souviennent également d’interactions avec Raïssi et le décrivent comme particulièrement attaché à l’application la plus large possible de la fatwa du Guide Suprême de l’époque, Ruhollah Khomeini, concernant l’opposition organisée au régime théocratique. Cet édit désignait le principal groupe d’opposition pro-démocratique, l’Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran, et déclarait que tous ses militants étaient coupables d' »inimitié envers Dieu » et donc passibles de la peine de mort. Khomeini a donné suite à cette fatwa en ordonnant aux autorités d' »anéantir immédiatement les ennemis de l’Islam », et des juristes se sont récemment emparés de ce langage pour suggérer que le massacre de 1988 pouvait être qualifié de génocide contre les communautés religieuses qui représentaient un défi à l’intégrisme théocratique du régime.

En juillet, l’avocat britannique spécialisé dans les droits de l’homme, Geoffrey Robertson, a pris la parole lors d’une conférence organisée par le Conseil national de la Résistance afin de discuter de l’investiture imminente de Raïssi et de la réponse internationale appropriée. Robertson a souligné que la Convention sur le génocide oblige toutes les nations qui l’ont ratifiée à prendre des mesures dans les situations où un tel crime contre l’humanité est en train de se produire ou s’avère être resté impuni dans le passé. D’autres intervenants ont fait remarquer que l’inculpation de Hamid Noury était un test de la compétence universelle appliquée au massacre de 1988, et ils ont conclu qu’il n’y aurait aucun obstacle juridique à l’arrestation de Raïssi sur la base du même principe, s’il devait se rendre dans un pays occidental en tant que président.

Malheureusement, aucun gouvernement n’a encore fait savoir qu’il avait l’intention de demander des comptes sur le massacre. Mais si l’on considère que Raïssi a refusé de participer à l’Assemblée générale des Nations unies et à la conférence COP26 à Glasgow, il semble que la confiance du régime dans sa propre impunité soit en train de s’estomper. En effet, la décision de Raïssi d’éviter le Royaume-Uni a peut-être été influencée par le fait que certains législateurs ont lancé des appels officiels à son arrestation et ont soumis un dossier sur le massacre de 1988 aux autorités anglaises et écossaises.

Ces législateurs ont exprimé l’espoir que les enquêtes locales sur cette question ouvrent la voie à une commission d’enquête aux Nations unies. Le CNRI plaide depuis longtemps en faveur de cette mesure, et il a été rejoint ces dernières années par Amnesty International et plusieurs rapporteurs spéciaux des Nations unies. Chacun d’entre eux a reconnu que la commission d’enquête était devenue plus impérative à la suite de la nomination de Raïssi à la présidence, ce qu’Amnesty a qualifié de « sinistre rappel que l’impunité règne en maître en Iran ».

Même si cette impunité est aujourd’hui remise en cause par les poursuites engagées contre Noury, il est important de rappeler qu’après 33 ans, il est la seule personne à subir des conséquences juridiques pour sa participation au plus grand crime contre l’humanité commis par le régime iranien. De plus, son commentaire provocateur devant le tribunal suédois trahit le fait que Téhéran a toujours plus de raisons d’attendre une conciliation que de rendre des comptes de la part des gouvernements occidentaux. Il faudra des poursuites plus agressives, à un niveau bien plus élevé, pour convaincre le régime que le monde 

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