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lundi 24 janvier 2022

La kleptocratie iranienne et le népotisme systématique

 La corruption économique est un problème international depuis des siècles. Mais lorsqu’il s’agit de l’Iran, le mot « corruption » ne décrit pas la véritable dimension des détournements de fonds publics par la théocratie au pouvoir. Avec son népotisme endémique et ses innombrables cas de détournement de fonds très médiatisés, le régime clérical est la véritable définition d’une kleptocratie.

L’indice de perception de la corruption en 2020 par Transparency International, classe l’Iran au 145e rang des régime les plus corrompus sur 180 pays. La monarchie (le régime du Shah) qui dirigeait l’Iran avant les mollahs était bien connue pour son népotisme et la corruption de l’État, ce qui lui a valu le surnom de « Les mille familles » (Hezar Famil). Mais le régime des mollahs, qui a détourné la révolution anti-monarchique de 1979, a largement dépassé les méfaits économiques du Shah. Recourant à des tromperies sans bornes et sans vergogne, sous prétexte de « lutter contre la corruption », les responsables du régime ont instauré un népotisme systématique.

Les progrès technologiques et un accès plus large à l’éducation au 21e siècle ont permis à davantage de citoyens d’être élus à des fonctions politiques, renforçant progressivement la méritocratie. Mais ce n’est pas le cas en Iran sous le régime des mollahs.

Le quotidien iranien Jahan-e Sanat s’est moqué du népotisme du régime dans un article daté du 17 janvier : « Ils viennent en bus et occupent des postes élevés, et la seule chose qui n’a pas d’importance est le mérite. On ne peut pas trouver de critères tels que l’éducation et les diplômes connexes, les antécédents et l’expérience. Au lieu de cela, on nous parle simplement de leurs postes et de leurs titres de direction. »

Nommer les proches à des postes clés
Depuis qu’Ebrahim Raisi est devenu président du régime l’année dernière, la tendance déjà démesurée à nommer les proches et les membres de la famille des responsables à des postes importants s’est intensifiée. De nombreux observateurs considèrent que la distribution d’argent et de postes à des personnes proches du guide suprême Ali Khamenei fait partie de sa politique de resserrement des rangs pour son régime de plus en plus fragile.

Quelques cas notables de népotisme ces derniers mois sont listés ci-dessous. Bien que ceux-ci aient été reconnus même par les propres médias du régime, le 16 novembre, Raïssi a affirmé sans vergogne : « La nomination est basée sur la compétence et le mérite. La camaraderie, la parenté et la pression médiatique n’affectent pas mon choix. »

Rights body calls on UN to investigate death of Baktash Abtin, Iranian political prisonerhttps://youtu.be/TvuNzKPm2vI

Quelques jours après les fausses prétentions de Raïssi, une lettre classifiée du ministre du Pétrole, Javad Owji, a été divulguée, dans laquelle il ordonnait au département des ressources humaines du ministère d’embaucher Nafiseh Sangdovini, la fille de Ramazan Ali Sangdovini, un député proche de Raïssi.

Le ministre de la Santé, Bahram Einollahi, a nommé son gendre comme conseiller, même s’il n’a absolument aucune expérience ou expertise dans le domaine pour lequel il est censé transmettre son savoir.

Selon Al-Monitor, « le ministre du Travail Hojjatullah Abdul Maleki a nommé le frère de sa femme comme son propre conseiller spécial. Zanib Kadkhoda, un cousin de Raïssi, a récemment été nommé doyen de la faculté de médecine dentaire de l’université de Téhéran. De plus, Meysam Nili, le frère du gendre de Raïssi, a récemment embauché à l’agence de presse officielle IRNA en tant que membre de son conseil de direction.

« Le dernier cas [de népotisme] est celui de Mehdi Rahimi, un proche de Farid Haddad Adel. Rahimi est devenu directeur des relations publiques au bureau du président, même s’il n’a qu’un diplôme d’études secondaires. C’est la règle qu’un Maddah [chanteur religieux] devienne l’adjoint du maire de Téhéran pour la promotion de l’alphabétisation », écrit le quotidien Jahan-e Sanat le 17 janvier.

Raisi lui-même est devenu président avec une éducation de seulement six ans et aucune expérience dans l’exécutif. En réalité, Raïssi, pendant l’horrible génocide de 1988 en Iran, a été membre des « commissions de la mort», qui ont envoyé des milliers de prisonniers innocents à la potence pour avoir défendu la liberté et la démocratie. Pour la kleptocratie au pouvoir en Iran, l’implication dans des crimes contre l’humanité et la fidélité totale au guide suprême des mollahs sont au-dessus de tous les autres critères, y compris la compétence.

Dans une autre affaire, Alireza Zakani, l’actuel maire de Téhéran, a nommé son gendre, Hossain Heydari, comme son conseiller spécial. En raison d’une condamnation publique intense, cependant, il a été contraint de revenir sur la décision.

La Résistance iranienne, dans un rapport exclusif sur le projet de loi du régime sur la censure d’Internet, a révélé comment la fille de Zakani et son mari profiteront considérablement du plan du régime visant à forcer les plateformes internationales de médias sociaux à quitter l’Iran.

« En forçant les plateformes internationales de médias sociaux à quitter l’Iran, des entreprises comme Sharif Amid Computer Company prendront le contrôle du marché. Cette société est dirigée par Maryam Zakani, fille du maire de Téhéran Alireza Zakani, et son mari Hossain Heydari. Heydari travaille également dans Arsh Ideographer Company, une autre société de développement d’applications, dont l’application la plus importante est « Rubika » », lit-on dans le rapport.

« Par arrêté du ministre des Sciences, Mohammad Hadi Zahedi, le fils de Mohammad Mehdi Zahedi, l’ancien ministre des Sciences et actuel député, a été nommé directeur général des statistiques, des technologies de l’information et de la sécurité du cyberespace au ministère des Sciences », a écrit l’agence de presse Mehr, le 11 janvier.

Parviz Fattah, le chef de la Fondation Mostazafan, a nommé Heshmatollah Ghanbari, un propagandiste clé de l’organisation de la Radio-Télévision du régime (IRIB), à la tête du Holding Parsian Tourism and Recreation Centers. Ghanbari a également été directeur adjoint du développement des ressources.

Iranians are selling their kidneys in Iraqhttps://youtu.be/22Tt-3eNDvA

« Heshmatollah Ghanbari a été nommé directeur général d’une holding touristique sans même une seule journée d’expérience en gestion. Partout où vous regardez dans le pays, nous voyons de telles nominations », a reconnu le 12 janvier le quotidien public Aftab-e Yazd.

Abdul Ali Asgari, ancien directeur de la télévision publique et proche collaborateur de Khamenei, a été nommé PDG de la plus grande entreprise pétrochimique du pays. La nomination a provoqué un émois même au sein du régime.

Le népotisme ne se limite pas à la faction dirigeante du régime
« Ceux qui, par le biais d’un lobby occulte, ont nommé Asgari au poste de directeur de la télévision d’Etat, l’ont maintenant amené à la Persian Gulf Petrochemical Holding. Je suis sûr que [Khamenei] a du mal avec ça », a reconnu Hamid Rasaei, un ancien député de la faction de Khamenei.

Le site Internet officiel Dideban a rapporté le 11 janvier que Pir Hossein Kolivand, le chef de la Société du Croissant-Rouge du régime, a nommé un commandant du CGRI, Yaghoub Soleimani, au poste de secrétaire général du Croissant-Rouge iranien. Raïssi avait lui-même nommé Kolivand en novembre 2021.

« Yaghoub Soleimani remplace Mohammad Hassan Qousian Moghaddam, même s’il n’a aucune expérience liée au Croissant-Rouge dans son dossier », a reconnu Dideban.

Le népotisme ne se limite pas à la faction dirigeante du régime. Par exemple, l’ancien président autoproclamé « réformiste » du régime, Hassan Rohani, avait nommé son gendre à la tête de la commission géologique iranienne. Rohani avait également nommé son frère comme son « conseiller spécial ». Le frère a ensuite été arrêté par la faction rivale, mais jouit maintenant d’une vie confortable en prison et part fréquemment en congé. Pendant ce temps, de nombreux prisonniers politiques iraniens sont privés des soins médicaux les plus élémentaires et perdent la vie en conséquence.

« Les messieurs des deux factions parlent de compétence et de méritocratie avant les élections, mais lorsqu’ils sont au pouvoir, ils remplacent la compétence par des relations familiales », écrivait le quotidien officiel Jomhouri-e Eslami en novembre 2021.

La liste des postes de direction occupés par des personnes incompétentes est vraiment sans fin, et les exemples mentionnés ne sont que la pointe de l’iceberg. Que peut-on attendre d’autre d’un régime qui a un « Guide suprême » meurtrier, corrompu et incompétent comme Khamenei, qui, selon un rapport de Reuters en 2013, contrôle un vaste empire financier d’une valeur de 95 milliards de dollars ?

Alors que la plupart des Iraniens ne peuvent même pas gagner leur vie décemment et sont privés de denrées de base comme le pain tout en étant contraints de passer la nuit à dormir dans des bus ou des tombes vides, la kleptocratie au pouvoir continue de piller les fonds publics. Depuis sa fondation, le régime des mollahs s’est fermement appuyé sur une corruption systématique et un népotisme époustouflant.

Mohammad Bagher Ghalibaf, l’actuel président du Parlement du régime, a reconnu en 2016 que « seulement 4 % de la société » a une vie décente en Iran. Ce sont les responsables du régime et leurs proches.

Pendant ce temps, de plus en plus d’Iraniens sont contraints de se rendre en Irak pour vendre leurs reins, selon Hossein Biglari, directeur d’une institution de soutien aux patients rénaux à Kermanshah. « Beaucoup de gens vont à Téhéran pour vendre leurs reins parce que les courtiers là-bas les aident à obtenir des prix plus élevés. Mais la réglementation interdit d’acheter un organe à des personnes qui ne résident pas dans la même ville », a déclaré Biglari le 15 janvier.

Khamenei est parfaitement conscient que le recours au népotisme pour l’aider à traverser de multiples crises dans son pays et à l’étranger est vain. Mais les 43 années de régime autoritaire lui ont appris que la peur lui est plus utile que le respect. Le fait qu’il ait installé à la présidence un inculte comme Ebrahim Raïssi est une indication parfaite d’un mépris total pour un système de gouvernance fondé sur le mérite.

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