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vendredi 28 janvier 2022

RSF saisit l’ONU après la mort de l’écrivain et journaliste iranien Baktash Abtin

 Reporters sans Frontières – A la suite du décès de Baktash Abtin pour défaut de soin, Reporters sans frontières (RSF) demande à l’ONU une enquête internationale pour faire toute la lumière sur la mort du journaliste et écrivain.

Décédé par manque de soin

L’écrivain et journaliste Baktash Abtin, membre de l’association des écrivains iraniens, est mort le 8 janvier 2022 des suites de la Covid-19 – qu’il avait contracté dans la prison d’Evin à Téhéran – après avoir été tardivement pris en charge par les autorités iraniennes, alors même que les autorités pénitentiaires avaient été alertées de la dégradation de son état de santé, comme a pu le confirmer son avocat auprès de RSF.

“La privation de soin est une méthode délibérément utilisée par les autorités iraniennes pour éliminer les dissidents en prison, dénonce le responsable du bureau Iran-Afghanistan de RSF, Reza Moini. RSF appelle les rapporteurs de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en Iran,sur les exécutions extrajudiciaires et sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, à faire toute la lumière sur les circonstances de la mort de Baktash Abtin. Il faut mettre un terme à ces comportements criminels qui relèvent de l’assassinat d’Etat. »

La privation de soins médicaux est une violation de l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains et dégradant. Cette pratique va à l’encontre des lois que les autorités iraniennes se sont elles-mêmes engagées à respecter, des règles qu’elles ont édictées* ainsi que des normes internationales** qui figurent dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont l’Iran est signataire.

Des autorités alertées en vain

 Le 27 novembre 2021, l’avocat de Baktash Abtin, Me Naser Zarafshan, également membre de l’Association des écrivains iraniens, avait alerté les responsables de la prison d’une dégradation de l’état de santé de Baktash Abtin, qui présentait de la fièvre, des courbatures et de la toux. Il ne sera transféré à l’hôpital public de Taleghani à Téhéran que huit jours plus tard, le 5 décembre. “Durant six jours, ni la famille, ni les proches du journaliste qui était enchaîné à son lit, n’ont su ce qu’il avait réellement. Les gardiens refusaient même que sa famille lui apporte un jus de fruit”, a expliqué Me Zarafshan à RSF.

Il faudra attendre le 5 décembre pour que l’écrivain soit transféré dans un hôpital public, alors qu’il avait développé une forme sévère de Covid-19 et que plus de 78% de ses poumons étaient atteints par l’infection. “C’était trop tard”, déplore son avocat auprès de RSF. L’état de santé de Baktash Abtin était pourtant déjà préoccupant : en avril 2021, le journaliste avait été infecté une première fois par le coronavirus et avait aussi été tardivement pris en charge. Les appels de plusieurs médecins demandant sa libération, estimant que son état de santé était incompatible avec son maintien en détention, étaient depuis restés sans réponse.

Inquiétude pour d’autres journalistes emprisonnés

Le sort d’autres journalistes malades inspire la plus grande inquiétude. L’un des plus vieux journalistes emprisonnés du monde, Kayvan Samimi Behbahani (73 ans) est maintenu en détention, malgré une attestation des médecins affirmant que son état de santé est incompatible avec la prison. Sa situation pourrait rapidement empirer après la publication d’une lettre dans laquelle il accuse les responsables de la justice iranienne d’être responsables de la mort de son co-détenu Baktash Abtin. Le rédacteur en chef du mensuel Iran Farda pourrait ainsi être transféré dans une autre prison, mettant sa vie en danger.

Par ailleurs, de nombreux autres journalistes de l’Association des écrivains iraniens, la plus ancienne organisation de la société civile du pays, sont emprisonnés, dont Reza Khandan Mahabadi, Kayvan Bagen et Khosro Sadeghi Borjeni. Ses activités ont toujours été interdites, que ce soit sous le régime du shah ou de la révolution islamique. Deux de ses responsables, les écrivains et journalistes Mohamad Makhtari et Mohammad Jafar Pouyandeh, ont été assassinés en 1998.

Morts en prison

 Ce n’est pas la première fois qu’un journaliste iranien décède en prison. Le 10 juillet 2003, Zahra Kazemi, journaliste irano-canadienne de 54 ans, a succombé après avoir subi des actes de torture en détention. Le blogueur Omidreza Mirsayafi, arrêté le 7 février 2009, est décédé le 18 mars 2009 dans des circonstances troubles. Hoda Saber, journaliste d’Iran-e-Farda, 52 ans, emprisonné en août 2010, est décédé l’année suivante d’une crise cardiaque. Le 3 novembre 2012, le blogueur Sattar Beheshti a lui aussi été tué en détention, dans un centre de la cyberpolice iranienne (la FTA). Les auteurs et les commanditaires de ces crimes toujours n’ont pas été  traduits en justice.

La république islamique d’Iran figure à la 174e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.

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