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mardi 1 février 2022

L’échec de la stratégie de Téhéran au Yémen

 Le 5 janvier, lors d’une réunion à Téhéran, prétendument appelée Conférence nationale sur l’Iran et ses voisins, le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-

Abdollahian, a prononcé une phrase qui aurait été impensable il y a seulement quatre semaines : « Nous sommes préoccupés par l’escalade de la guerre [au Yémen] et nous
appelons l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis à adopter une approche politique et constructive en mettant un terme au siège et à la guerre et en commençant à s’engager
dans le dialogue yéménite. »

« La poursuite de cette situation n’est pas dans l’intérêt de la région, et elle n’a pas été et ne sera dans l’intérêt de quiconque ni dans celui des pays impliqués dans cette crise », a
ajouté Amir-Abdollahian.

Alors que certains analystes pourraient vouloir interpréter ces propos comme un geste conciliant de Téhéran, ceux qui ont une profonde compréhension du langage du régime et
de l’équilibre des forces dans la région savent parfaitement comment et pourquoi Téhéran est devenu si désespéré.

Depuis deux mois, les Houthites étaient passés à l’offensive et avaient pour objectif de prendre le contrôle du gouvernorat riche en pétrole, dernier bastion du gouvernement
yéménite dans le nord. Mais la coalition dirigée par l’Arabie saoudite est parvenue à mener des frappes militaires importantes contre les rebelles Houthites, qui ont été chassés de
la région géostratégique de Marib après avoir subi un nombre considérable de pertes.

Si la milice soutenue par Téhéran avait réussi à s’emparer de Marib, les responsables du régime auraient tenu un tout autre discours.

Le 17 janvier, les Houthites ont lancé une attaque de drone contre un dépôt de carburant proche de l’aéroport d’Abou Dhabi, qui a tué trois travailleurs étrangers et en a blessé
de nombreux autres. Les Émirats arabes unis sont considérés comme un point de transit mondial pour le commerce et constituent le centre économique le plus important du
Moyen-Orient.

Selon l’agence Reuters, « les rebelles Houthites, qui affrontent une coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite et incluant les Émirats arabes unis, ont déclaré vouloir punir l’État
du Golfe pour avoir soutenu les milices qui les empêchent de s’emparer des régions pétrolières du Yémen. »

En frappant Abou Dhabi, les Houthis semblent avoir surjoué leur rôle. Ces attaques ont suscité la condamnation du monde entier, et notamment des puissances occidentales, qui
s’efforcent de mettre un terme au conflit au Yémen. Afin de contribuer à l’instauration d’un cessez-le-feu dans le pays, le président des États-Unis, Joe Biden, et son
administration ont pris la décision de retirer aux Houthites leur désignation terroriste. Toutefois, à la lumière des récents développements, l’administration américaine serait en train de reconsidérer cette décision.

De nombreux membres du Congrès américain ont également appelé l’administration à inscrire à nouveau les Houthites sur la liste des entités et organisations terroristes, faisant
clairement comprendre à Sanaa et à Téhéran qu’ils étaient allés trop loin.

Le mardi 25 janvier, Al-Sharq al-Awsat a rapporté : « Les « brigades géantes » ont réussi à capturer le centre de la ville de Harb dans la province yéménite de Marib, ce
qui a entraîné l’effondrement des milices houthites affiliées au régime des mollahs. Les rebelles houthites ont fui les lieux vers les flancs ouest d’al-Jawiyah et la partie sud d’al-Abbiyah, et les forces de la coalition [dirigée par l’Arabie saoudite] se sont étendues dans la région. »

Compte tenu des récentes agressions des Houthites, de nombreux experts et médias étrangers pointent du doigt Téhéran pour ces attaques.

Avant ces attaques, Téhéran négociait avec Abou Dhabi et Riyad pour normaliser leurs relations diplomatiques et préciser ses conditions concernant la campagne militaire au
Yémen. Mais les récents développements vont changer radicalement le statu quo.

Les récents revers sur le terrain au Yémen, associés à d’autres pertes politiques à Beyrouth et à Bagdad, ont mis en évidence un régime théocratique plus faible que jamais.

Confronté à des soulèvements constants dans diverses villes du pays et à une élite dirigeante fragmentée qui s’oppose de plus en plus à la manière de gérer les crises socio-
économiques qui s’entremêlent, le Guide Suprême, Ali Khamenei, ne peut pas se permettre un nouveau coup dur régional. Il a tout simplement trop peur, et à juste titre, que les
blocs qui tombent de son domino continuent de se rapprocher de sa patrie.

Le changement de ton d’Amir-Abdollahian pourrait servir de leçon aux puissances mondiales qui tentent de négocier sur le front nucléaire. Ayant plus à perdre qu’à gagner,
l’équipe de négociation du régime des mollahs ne fait que jouer et parier sur une position faible de l’autre côté de la table. Si un changement de ton peut être obtenu par la
fermeté, pourquoi ne pas oser pousser le prochain bloc du domino ?

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