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mercredi 1 février 2023

Iran : Il faut annuler les condamnations à mort de jeunes manifestants soumis à des actes de torture horribles

 Amnesty International – Les autorités iraniennes doivent immédiatement annuler les jugements iniques et les condamnations à mort de trois jeunes manifestants soumis à des actes de torture horribles. Ils ont notamment été flagellés, soumis à des décharges électriques, suspendus par les pieds et menacés de mort avec une arme, a déclaré Amnesty International le 27 janvier 2023. Elle a appris que les pasdaran (gardiens de la révolution) ont violé l’un d’entre eux et infligé des sévices sexuels à un deuxième en plaçant de la glace sur ses testicules pendant deux jours.

Arshia Takdastan, 18 ans, Mehdi Mohammadifard, 19 ans, et Javad Rouhi, 31 ans, ont chacun été condamnés deux fois à la peine de mort en décembre 2022 pour « inimitié à l’égard de Dieu » (mohareb) et « corruption sur terre » (ifsad fil Arz). Le tribunal a déclaré que ces jeunes hommes avaient « incité […] à commettre des actes d’incendies et de vandalisme généralisés » au motif qu’ils ont dansé, applaudi, scandé des slogans ou jeté des voiles dans des feux de joie lors de manifestations à Noshahr, dans la province du Mazandéran, dans le nord du pays, le 21 septembre 2022. Javad Rouhi a été condamné à mort une troisième fois pour « apostasie » : il a « avoué » sous la torture avoir brûlé un exemplaire du Coran lors des manifestations. Tous trois ont fait appel devant la Cour suprême.

« Le fait qu’Arshia Takdastan, Mehdi Mohammadifard et Javad Rouhi et leurs proches vivent sous la menace de cette exécution, tandis que les gardiens de la révolution et les fonctionnaires du ministère public raisonnablement soupçonnés d’être responsables ou complices des sévices sexuels et d’autres formes de torture bénéficient d’une impunité absolue, met en évidence le caractère cruel et inhumain du système judiciaire iranien, a déclaré Diana Eltahawy, directrice adjointe pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International.

« Les autorités iraniennes doivent annuler immédiatement les déclarations de culpabilité et les condamnations à mort de ces jeunes hommes et abandonner toutes les accusations liées à leur participation pacifique aux manifestations. Elles doivent ordonner une enquête rapide, transparente et impartiale afin de traduire en justice, dans le cadre de procès équitables, toutes les personnes raisonnablement soupçonnées d’être responsables de ces actes de torture. »

Torturés pendant des semaines

Javad Rouhi a été arrêté le 22 septembre 2022 et détenu à l’isolement pendant plus de 40 jours dans un centre de détention géré par les pasdaran (gardiens de la révolution), appelé Shahid Kazemi et situé dans l’enceinte de la prison de Tir Kola, à Sari, capitale de la province du Mazandéran. D’après les informations obtenues par Amnesty International, au cours de cette période, il a été soumis à de violents passages à tabac et à des flagellations alors qu’il était attaché à un poteau, y compris sur la plante des pieds, il a reçu des décharges de pistolets incapacitants à aiguillons, a été exposé à des températures glaciales et a subi des sévices sexuels consistant à lui mettre de la glace sur les testicules. Les pasdarans ont à plusieurs reprises pointé une arme sur sa tête et menacé de tirer s’il ne passait pas aux « aveux ». Conséquence de ces tortures, Javad Rouhi a souffert de blessures aux épaules et dans les muscles, d’incontinence urinaire, de complications digestives et de troubles de la mobilité et de la parole. Il ressent toujours de fortes douleurs au dos et aux hanches et un engourdissement de la jambe droite, qui nécessitent des soins médicaux spécialisés qui ne sont pas dispensés en prison.

Alors que la majorité des États du monde relèguent les condamnations à mort aux oubliettes de l’histoire, les autorités iraniennes l’imposent de plus en plus pour des infractions telles que l’incendie volontaire ou le vandalisme, en violation flagrante du droit international, a déclaré Diana Eltahawy, Amnesty International

Selon des sources bien informées, au cours de son arrestation par les pasdarans le 2 octobre 2022, Mehdi Mohammadifard a été roué de coups et poussé à terre, et il a eu le nez cassé. Après son arrestation, il a été détenu pendant une semaine à l’isolement dans une cellule infestée de souris et de cafards. Au cours de cette période, il a été soumis à des passages à tabac, suspendu la tête en bas et violé, ce qui a entraîné des blessures anales et des saignements rectaux qui ont nécessité une hospitalisation.

Arshia Takdastan a été arrêté le 24 septembre 2022 et détenu à l’isolement au centre de Shahid Kazemi pendant 28 jours. D’après les recherches d’Amnesty International, il a été soumis à des coups et à des menaces de mort, notamment avec une arme à feu pointée sur la tempe, afin qu’il « avoue » devant une caméra. Les pasdarans ont également menacé d’arrêter et de torturer son père. En conséquence de ces violences, il a eu un orteil cassé et des pertes de mémoire.

Violations flagrantes des droits à un procès équitable

Les trois hommes n’ont pas été autorités à consulter un avocat pendant la phase d’investigation ni à consulter l’avocat de leur choix pendant le procès, qui s’est résumé à une seule audience de moins d’une heure pour chacun.

D’après les jugements rendus par le tribunal révolutionnaire de Sari, qu’Amnesty International a pu examiner, les jeunes hommes avaient « incité […] à des actes d’incendies et de vandalisme généralisés » en dansant, applaudissant, scandant des slogans ou brûlant des voiles. Dans le cas de Javad Rouhi et Arshia Takdastan, l’accusation n’a fourni aucune preuve de leur implication dans de tels actes. Le tribunal ne s’est appuyé que sur leurs « aveux » extorqués sous la torture : Javad Rouhi serait entré par effraction et aurait lancé des objets depuis une guérite de la police de la route, tandis qu’Arshia Takdastan aurait jeté des pierres et une bouteille en verre sur un véhicule de police et aurait bloqué une route. Le tribunal a également invoqué le fait que Javad Rouhi avait « avoué » avoir déconseillé à d’autres manifestant·e·s d’entrer dans le bureau du gouverneur, ce qui prouvait son « leadership ». Javad Rouhi a assuré lors de l’audience que sa participation aux manifestations était pacifique.

Dans le cas de Mehdi Mohammadifard, le ministère public a également cité ses « aveux » concernant l’incendie de bâtiments officiels et une vidéo le montrant soi-disant en train de lancer des cocktails Molotov dans la guérite de police. Son avocat a fait valoir au tribunal que la vidéo ne prouve pas qu’il ait provoqué un incendie volontaire généralisé ou y ait participé, et que ses « aveux » avaient été obtenus sous la contrainte.

« Alors que la majorité des États du monde relèguent les condamnations à mort aux oubliettes de l’histoire, les autorités iraniennes l’imposent de plus en plus pour des infractions telles que l’incendie volontaire ou le vandalisme, en violation flagrante du droit international. Nous exhortons la communauté internationale à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire pression sur les autorités iraniennes afin qu’elles cessent de piétiner le droit à la vie. Nous engageons tous les États à exercer leur compétence universelle à l’égard de tous les responsables iraniens raisonnablement soupçonnés d’être impliqués dans des crimes relevant du droit international et d’autres graves violations des droits humains », a déclaré Diana Eltahawy.

Amnesty International s’oppose catégoriquement, en toutes circonstances et sans exception aux condamnations à mort, le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.

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