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samedi 18 mars 2023

Une arme aveuglante (7) : Le père de deux enfants tué par les tirs de balles dans les yeux

– Comme IranWire l’a rapporté, des centaines d’Iraniens ont subi de graves blessures résultant de tirs de balles dans les yeux. Ils ont été touchés par des plombs, des bombes lacrymogènes, des balles de paintball ou d’autres projectiles utilisés par les forces de sécurité dans le cadre d’une répression sanglante de manifestations essentiellement pacifiques. Les médecins affirment qu’à l’heure actuelle, au moins 580 manifestants ont perdu un œil ou les deux, rien qu’à Téhéran et au Kurdistan. Mais les chiffres réels sont bien plus élevés dans l’ensemble du pays. Le rapport conclut que de telles actions des forces de sécurité pourraient constituer un « crime contre l’humanité », tel que défini par l’article 7 du Statut de Rome.

IranWire a approfondi cette question dans un entretien avec le professeur Payam Akhavan, éminent avocat spécialisé dans les droits de l’homme, conseiller spécial du procureur de la Cour pénale internationale et ancien membre du bureau du procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.

IranWire a connaissance de plus de 50 graves blessures dues aux tirs de balles dans les yeux subies par des manifestants et des passants au cours des cinq derniers mois. Avec l’aide d’ophtalmologues indépendants, nous avons examiné les dossiers médicaux d’une douzaine de personnes et compilé un rapport médical complet.

Dans la série de rapports « Blinding As A Weapon », IranWire présente les histoires des victimes racontées avec leurs propres mots. Certaines ont publié leur histoire, avec leur nom et leur photo, sur les réseaux sociaux. D’autres, dont les noms réels ne seront pas divulgués pour protéger leur sécurité, ont raconté leur histoire à IranWire, qui peut mettre leur identité et leur dossier médical à la disposition des autorités judiciaires internationales.

C’est l’histoire de Seyed Javad Mousavi, père de deux jeunes enfants, qui a reçu une balle dans les yeux et a été tué pendant les cérémonies de deuil organisées en l’honneur d’un autre manifestant assassiné par les forces de sécurité. Après avoir tué Mousavi, les forces de sécurité ont jeté son corps près d’un canal d’eau et ont ri en conduisant leurs motos à proximité.

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Un corps sans vie sur le sol, les bras tendus et les yeux fermés : c’est la seule image de Mousavi que nous ayons après qu’il a été abattu. Dans une courte vidéo de la scène, on peut entendre les rires des forces de sécurité circulant à moto à proximité.

Cela s’est passé dans la ville centrale d’Ispahan le 17 novembre 2022, lors des cérémonies de deuil marquant le 40e jour après que le manifestant Ahmad Shokrollahi a été tué par les forces paramilitaires du Bassidj.

Avant d’aller travailler à l’usine de tubes d’acier Sepahan, où il était directeur, M. Mousavi s’est rendu sur Instagram pour appeler les manifestants à assister aux cérémonies en l’honneur de M. Shokrollahi.

M. Mousavi a quitté l’usine plus tôt que prévu pour rejoindre les personnes en deuil dans le hall de la congrégation où se sont déroulées les cérémonies. Une grande foule de manifestants s’est ensuite dirigée vers le lieu de repos de M. Shokrollahi, en scandant des slogans anti-gouvernementaux.

« N’ayez pas peur… je le connais »

Les forces de sécurité ont lancé des gaz lacrymogènes sur la foule avant que des agents à moto ne poursuivent les manifestants dans les ruelles. Mousavi et ses amis se sont réfugiés dans la maison d’une femme âgée qui avait laissé la porte de son jardin ouverte pour les manifestants en fuite.

Mousavi était encore dans la cour lorsqu’un membre des forces de sécurité a grimpé sur la porte et lui a tiré des balles dans les yeux. Selon un témoin oculaire, M. Mousavi connaissait l’assaillant et lui a dit : « N’ayez pas peur. C’est [le nom]. Je le connais. » Mais le tireur a appuyé sur la gâchette, sans hésiter.

Les manifestants ont réussi à s’enfuir, tandis que d’autres forces de sécurité arrivaient et emportaient le corps de Mousavi.

Né en 1983, M. Mousavi était le père d’un garçon et d’une fille âgés respectivement de neuf et cinq ans.

Selon ses proches, il a commencé à militer contre la République islamique dans les années 2000. Lors des vastes manifestations qui ont suivi l’élection présidentielle contestée de 2009, il a été détenu pendant deux jours.

Le jeune homme était une personne bien connue dans le quartier de Khvorasgan à Ispahan. Il discutait souvent avec des membres des forces du Bassidj et des pasdarans pour tenter de leur faire comprendre la vérité sur le régime. Il a fini par être abattu par l’un d’entre eux, de balles dans les yeux.

Enterrement sous le regard des agents de sécurité

Pendant trois jours, les autorités ont menti à la famille et aux amis de Mousavi sur ce qui lui était arrivé. Une fois, elles ont dit que Mousavi avait reçu une balle dans la jambe ; une autre fois, elles ont dit qu’il avait été hospitalisé.

Enfin, le 17 novembre, Moussavi a été enterré avec une forte présence d’agents de sécurité et d’hommes en civil, mais sa famille n’a pas été autorisée à l’enterrer dans le cimetière de son choix. La mère de Mousavi a insisté pour voir le visage du corps avant l’enterrement, car elle craignait qu’il ne s’agisse pas de son fils.

Promesses et rumeurs

Le certificat de décès de M. Mousavi indique qu’il a été touché par un « projectile dur » qui a endommagé le tissu cérébral. On ne sait toujours pas quel type d’arme a tiré ce projectile non spécifié.

Selon un ami, après l’enterrement, des agents des services de sécurité et du renseignement ont offert de l’argent aux proches de Mousavi et leur ont promis de subvenir aux besoins de ses enfants à condition qu’ils gardent le silence sur les circonstances de la mort de l’homme.

La famille a rejeté ces offres et les forces de sécurité ont fait circuler dans le quartier une rumeur selon laquelle Mousavi avait été un agent de renseignement pour Israël et que lui et ses amis avaient prévu de poser des bombes la nuit où il a été abattu. Elles ont également prétendu que l’un des conspirateurs avait tué Mousavi parce qu’il n’avait pas partagé l’argent équitablement entre les conspirateurs.

Source : Iran Wire/ CSDHI 

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