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mercredi 25 octobre 2023

Les femmes et les jeunes filles iraniennes sont confrontées à de nouvelles violations de leurs droits en vertu du projet de loi sur le port obligatoire du voile

 (Par Pegah Sadeghi, assistante de recherche sur l’Iran à Amnesty International)

Amnesty International – Armita Garawand, une lycéenne de seize ans, sans voile, est toujours dans le coma après avoir perdu connaissance le 1er octobre 2023 dans le métro de Téhéran. Selon certaines informations, elle a été hospitalisée à la suite d’une confrontation avec une personne chargée de faire appliquer la loi iranienne sur le port obligatoire du voile, qui est dégradante et discriminatoire. Son hospitalisation s’inscrit dans le contexte de l’intensification de l’oppression des femmes et des jeunes filles par les autorités iraniennes au cours des derniers mois.

Si j’étais encore en Iran, je devrais faire un choix en sortant de chez moi tous les jours : mon autonomie corporelle et ma liberté, ou le risque de harcèlement, de violence, d’amendes et d’emprisonnement. Si je quittais la maison sans être voilée, je craindrais aussi de perdre ma voiture, mon travail et ma liberté.

C’est donc avec admiration que j’observe les femmes et les jeunes filles en Iran qui continuent à défier courageusement et quotidiennement les lois iraniennes sur le port obligatoire du voile. Elles continuent à le faire malgré la répression intensifiée des autorités iraniennes contre les droits des femmes, qui comprend l’introduction de peines draconiennes plus sévères pour punir davantage le fait de ne pas être voilée et faire taire les dissident (e)s.

Il y a un peu plus d’un an, Mahsa/Zhina Amini, 22 ans, est morte en détention quelques jours après son arrestation par la police dite « de la moralité », alors que des informations crédibles faisaient état de tortures. Elle avait été arrêtée pour ne pas s’être conformée aux lois discriminatoires de l’Iran sur le port obligatoire du voile. Sa mort a déclenché un soulèvement populaire sans précédent dans tout l’Iran, au cours duquel les manifestants ont scandé « Femme Vie Liberté ». Des dizaines de milliers de personnes ont également défilé dans le monde entier, y compris en Europe, en solidarité avec les femmes et les jeunes filles d’Iran. Les dirigeants européens ont exprimé avec force leur solidarité avec les Iraniens, condamnant la répression exercée par les autorités iraniennes. En voyant les déclarations de solidarité et de soutien affluer d’Europe et d’ailleurs, les Iraniens se sont sentis enhardis.

Depuis la mort de Mahsa/Zhina Amini en détention, les autorités iraniennes ont fait preuve d’une cruauté indicible en infligeant des violences à la population iranienne afin d’étouffer les manifestations et d’écraser la dissidence. Les autorités ont commis en toute impunité une litanie de crimes relevant du droit international, notamment des centaines d’exécutions illégales, l’exécution arbitraire de sept personnes en relation avec les manifestations, des dizaines de milliers d’arrestations arbitraires et des actes de torture systématiques, y compris des viols et d’autres violences sexuelles, à l’encontre des détenus, ainsi que le harcèlement généralisé des familles des victimes.

Malgré cela, les femmes et les jeunes filles en Iran ont continué à défier courageusement les lois discriminatoires et dégradantes de la République islamique sur le port obligatoire du voile. Pour avoir osé le faire, elles ont subi de graves sanctions et des violations de leurs droits humains. D’innombrables femmes ont été suspendues ou exclues des universités et se sont vu refuser l’accès aux services bancaires. Des femmes ont également été poursuivies et condamnées à des peines d’emprisonnement et à des châtiments dégradants, tels que le lavage de cadavres.

À ce jour, aucun responsable iranien n’a été tenu pour responsable d’avoir ordonné, planifié et commis des violations généralisées et systématiques des droits de l’homme à l’encontre des femmes et des jeunes filles dans le cadre de la mise en œuvre du port obligatoire du voile.

Les autorités iraniennes, encouragées par l’impunité, ont écrasé sans pitié les manifestations et pris pour cible ceux qui tentaient de marquer l’anniversaire du soulèvement.

J’ai été heureuse de voir les dirigeants européens réaffirmer leur soutien aux femmes et aux jeunes filles iraniennes face à la répression des autorités iraniennes. Toutefois, le « projet de loi visant à soutenir la culture de la chasteté et du hijab » met sérieusement à l’épreuve l’engagement qu’ils ont pris.

Ce projet de loi, qui en est à sa dernière étape procédurale avant l’approbation finale, codifie davantage les méthodes oppressives des autorités iraniennes pour contrôler les femmes et les jeunes filles et punir celles qui osent défendre leurs droits. Si elle est approuvée par le Conseil des gardiens de l’Iran, cette loi imposera un large éventail de sanctions pour violation grave des droits des femmes et des jeunes filles et renforcera la violence et la discrimination à leur égard. Elle assimile également le dévoilement à la « nudité » et prévoit des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à dix ans pour quiconque défie les lois sur le port obligatoire du voile. Il élargirait également les pouvoirs et les capacités des services de renseignement et de sécurité, notamment des gardiens de la révolution, des forces paramilitaires du Bassidj et de la police, ce qui leur permettrait de surveiller et d’opprimer davantage les femmes et les jeunes filles. L’application de ce projet de loi par les différents organes politiques, sécuritaires et administratifs de la République islamique constituerait une nouvelle violation de toute une série de droits sociaux, économiques, culturels, civils et politiques, et intensifierait le type de violence qui a entraîné la mort en détention de Mahsa/Zhina Amini.

Je sais que l’Union européenne n’est pas le parfait défenseur des droits des femmes. En fait, certains États membres, comme la France, sont coupables de contrôler ce que les femmes peuvent porter. Depuis le mois de septembre, les enfants français ne peuvent plus aller à l’école s’ils portent des abayas ou des qamis, des vêtements amples traditionnellement portés dans les pays du Maghreb et du Golfe, ainsi qu’en Afrique de l’Ouest. Les pays de l’UE doivent faire mieux en matière de droits des femmes et des jeunes filles et défendre leur droit à l’autonomie corporelle, quel que soit l’endroit où les violations se produisent. Les experts de l’ONU se sont inquiétés du fait que le nouveau projet de loi iranien sur le port obligatoire du voile pourrait constituer un « apartheid des sexes », car « les autorités semblent gouverner par le biais d’une discrimination systémique dans l’intention de contraindre les femmes et les jeunes filles à une soumission totale ».

Les dirigeants de l’UE doivent demander d’urgence aux autorités iraniennes d’abroger le « projet de loi visant à soutenir la culture de la chasteté et du hijab » avant qu’il n’entre en vigueur et d’abolir toutes les lois et réglementations dégradantes et discriminatoires relatives au port obligatoire du voile. Ils doivent également les exhorter à annuler toutes les condamnations prononcées à l’encontre de femmes et de jeunes filles pour avoir défié le port obligatoire du voile, à abandonner les poursuites à l’encontre de celles qui sont poursuivies et à libérer sans condition toutes celles qui sont en détention. L’UE doit également veiller à ce que les droits de l’homme soient publiquement et clairement énoncés dans son engagement avec l’Iran, y compris dans le mandat du nouveau représentant spécial de l’UE pour le Golfe.

Les États membres de l’UE doivent également poursuivre les voies juridiques au niveau international afin de tenir les responsables iraniens responsables d’avoir ordonné, planifié et commis des violations aussi généralisées et systématiques des droits des femmes et des jeunes filles.

Ce texte a été publié à l’origine en tant qu’article d’opinion sur l’EU Observer.

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