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mardi 6 février 2024

En Iran, un manifestant torturé risque fort d’être exécuté : Abbas Deris

 AMNESTY INTERNATIONAL – Abbas Deris, un manifestant victime d’actes de torture, risque fort d’être exécuté après que la Cour suprême a rejeté sa demande de révision judiciaire en janvier 2024. Il a été condamné à mort à l’issue d’un procès manifestement inique en relation avec les manifestations de novembre 2019 à travers l’Iran. Ses avocats ont déposé un recours spécial, dans une tentative désespérée d’empêcher sa mise à mort, alors que les exécutions se multiplient en Iran.

Le manifestant Abbas Deris, 51 ans, détenu à la prison de Mahshahr, dans la province du Khuzestan, risque d’être exécuté après que la Cour suprême d’Iran a rejeté la demande de réexamen judiciaire de son cas en janvier 2024, en dépit de violations flagrantes de ses droits à un procès équitable. Ses avocats ont déposé un recours en appel spécial fondé sur l’article 477 du Code iranien de procédure pénale, en vertu duquel le responsable du pouvoir judiciaire peut renvoyer un jugement qu’il considère comme contraire à la charia devant une branche spéciale de la Cour suprême pour qu’elle se prononce de manière définitive. Cet appel est en cours. Abbas Deris a été condamné à mort par un tribunal révolutionnaire le 19 octobre 2022 pour « inimitié à l’égard de Dieu » (moharebeh) en relation avec une manifestation organisée à Mahshahr le 18 novembre 2019 ayant été violemment réprimée par les forces de sécurité, qui ont tué des dizaines de manifestant·e·s et au cours de laquelle un commandant des forces spéciales iraniennes de lutte contre le terrorisme (NOPO) a également trouvé la mort. Les autorités ont accusé Abbas Deris d’être impliqué dans la mort du commandant, ce qu’il a nié à plusieurs reprises. En novembre 2023, un tribunal pénal l’a condamné à une peine distincte de 14 ans de prison pour les mêmes infractions présumées. Un recours dans cette affaire est par ailleurs en instance devant la Cour suprême.

Ces deux procès – devant la première branche du tribunal révolutionnaire de Mahshahr et la première cour pénale de la province du Khouzistan – ont manqué de manière flagrante aux normes d’équité en la matière.
Selon une source bien informée, après l’arrestation d’Abbas Deris le 8 décembre 2019, des pasdaran (gardiens de la révolution) l’ont empêché de s’entretenir avec un avocat pendant plusieurs mois au cours de la phase d’enquête, y compris pendant les interrogatoires, durant lesquels il a été contraint de s’incriminer sous la torture et d’autres mauvais traitements. Selon des informations obtenues par Amnesty International, il a été frappé, placé à l’isolement prolongé pendant deux mois, et on a menacé d’exécuter son frère et son neveu et de faire subir violences sexuelles à sa femme. Ses « aveux » forcés ont été diffusés à la télévision d’État, quelques semaines seulement après son arrestation et avant son procès, ce qui constitue une violation de son droit à la présomption d’innocence, et de ses droits de ne pas être forcé de témoigner contre soi-même et de garder le silence. Ses avocats se sont publiquement élevés contre sa condamnation à mort et ont plaidé son innocence, invoquant de graves lacunes dans l’enquête sur son cas et affirmant que les décisions prononcées par les deux tribunaux se sont appuyées sur des comptes-rendus émanant de pasdaran et sur les « aveux » forcés d’Abbas Deris obtenus par ces agents alors qu’il était détenu à l’isolement. Ses avocats ont également déclaré publiquement que les autorités n’avaient pas produit de preuves contre Abbas Deris et qu‘en confirmant sa condamnation à mort, la Cour suprême avait fait fi de tous les éléments de preuve présentés par la défense.

Je vous exhorte à annuler sans délai la déclaration de culpabilité et la condamnation à mort d’Abbas Deris et à le libérer, à moins qu’il ne soit inculpé d’une infraction pénale internationalement reconnue et qu’il ne bénéficie d’un nouveau procès équitable, sans recours à la peine de mort, et excluant les « aveux » entachés de torture. En attendant sa libération, accordez-lui un accès régulier à sa famille et à l’avocat de son choix, ainsi qu’à des soins de santé adéquats, et protégez-le contre la torture et les autres formes de mauvais traitements, en enquêtant sur toutes les allégations de torture et en traduisant en justice dans le cadre de procès équitables les responsable présumés. Enfin, je vous demande d’autoriser des observateurs et observatrices indépendants à assister aux procès en relation avec les manifestations dans lesquelles les personnes accusées encourent la peine capitale, et d’instaurer immédiatement un moratoire officiel sur les exécutions, en vue de l’abolition de la peine de mort.
Veuillez agréer, Monsieur le Responsable du pouvoir judiciaire, l’expression de ma haute considération.

COMPLÉMENT D’INFORMATION

Fin décembre 2019, quelques semaines à peine après son arrestation, les « aveux » forcés d’Abbas Deris, dans
lesquels il affirmait avoir tiré avec un fusil en direction des forces de sécurité lors de manifestations à Mahshahr, ont été diffusés dans une vidéo de propagande sur la chaîne de télévision d’État, la Radio-télévision de la
République islamique d’Iran. Durant son procès devant le tribunal révolutionnaire, la première audience devait
avoir lieu par vidéoconférence le 26 février 2022 du fait de la pandémie de Covid-19, mais elle avait été annulée en raison de problèmes de connexion. L’audience suivante, qui devait également se dérouler par vidéoconférence, a été annulée après que ses avocats se sont opposés à ce que le procès se déroule à distance
et qu’Abbas Deris a demandé à comparaître devant le tribunal. Deux ans et demi après son arrestation, son
procès s’est finalement ouvert devant la première chambre du tribunal révolutionnaire de Mahshahr, et a consisté
en deux audiences, qui se sont tenues à la prison de Mahshahr en mai et septembre 2022. Le 19 octobre 2022, le
tribunal révolutionnaire l’a condamné à mort pour « inimitié à l’égard de Dieu » (moharebeh). Vers juillet 2023, la
39e branche de la Cour suprême a confirmé cette déclaration de culpabilité et cette peine. Ses avocats ont déposé une demande de révision judiciaire, qui a été rejetée par la première chambre de la Cour suprême en janvier 2024. Ses avocats ont ensuite déposé une demande d’appel spécial en vertu de l’article 477 du Code de procédure pénale, qui peut être invoqué lorsque les autres voies de recours ont été épuisées.

Dans la deuxième affaire d’Abbas Deris, qui découle des mêmes allégations d’implication dans la mort du
commandant lors des manifestations de novembre 2019, il a été jugé devant la première cour pénale de la
province du Khuzestan pour meurtre présumé et détention d’une arme. Le 19 novembre 2023, le tribunal l’a
reconnu coupable de ces deux chefs d’accusation et l’a condamné à 14 ans d’emprisonnement. Selon les
déclarations publiques de ses avocats, la famille du commandant décédé a déclaré qu’elle n’avait pas porté
plainte contre Abbas Deris auprès des autorités. Dans une vidéo mise en ligne le 16 novembre 2023, la famille du
commandant a également annoncé qu’elle ne demandait ni qesas (rétribution en nature) ni le paiement du « prix
du sang » (diyah) à Abbas Deris. C’est pourquoi le tribunal pénal n’a pas condamné Abbas Deris à la peine de
mort pour meurtre, car le principe de la rétribution en nature n’était pas applicable après que la famille a déclaré
que sa position était inconditionnelle et sans équivoque. Un recours contre cette décision est toujours en instance devant la Cour suprême.

Le frère d’Abbas Deris, Mohsen Deris, a également été arrêté le 8 décembre 2019 et accusé d’être complice du
meurtre du commandant à Mahshahr le 18 novembre 2019. Les médias d’État iraniens ont également diffusé ses
« aveux » forcés dans la même vidéo de propagande qu’Abbas. Les autorités l’ont jugé aux côtés de son frère
mais, dans son cas, le tribunal révolutionnaire l’a acquitté de l’accusation d’« inimitié à l’égard de Dieu »
(moharebeh), tandis que le premier tribunal pénal l’a condamné à deux ans d’emprisonnement. Il a été remis en
liberté en octobre 2023. Avant sa libération, ses avocats, qui représentent également Abbas Deris, ont déclaré
publiquement que les autorités le maintenaient illégalement en prison alors qu’il avait déjà purgé sa peine de deux ans de prison.

En novembre 2022, les autorités ont brusquement transféré Abbas Deris et Mohsen Deris de la prison de
Mahshahr à la prison de Sepidar, dans la province du Khuzestan, sans prévenir leurs proches ni les autoriser à
prendre leurs effets personnels, faisant craindre l’exécution imminente d’Abbas Deris. En novembre 2023, Abbas
Deris a été transféré de la prison de Sepidar à celle de Mahshahr. L’épouse d’Abbas Deris a succombé à un
accident vasculaire cérébral après qu’il a été condamné à mort. Dans une vidéo émouvante diffusée en ligne en
juillet 2023, les trois jeunes enfants d’Abbas Deris, qui se sont retrouvés sans parent après la mort de leur mère,
ont demandé le soutien de la communauté internationale pour sauver la vie de leur père.

Depuis 2018, les autorités iraniennes utilisent de plus en plus la peine de mort comme outil de répression
politique, condamnant à mort et exécutant de nombreux manifestant·e·s afin de répandre la peur au sein de la
population et de la terroriser pour qu’il soit mis fin aux manifestations pacifiques ou à d’autres formes d’opposition.

Amnesty International a recensé les exécutions de 14 manifestants depuis 2018, dont deux en relation avec les
manifestations nationales de novembre 2019 et neuf en lien avec le soulèvement « Femme. Vie. Liberté.», alors
que le nombre d’exécutions de manifestant·e·s et d’opposant·e·s est en forte hausse ces derniers mois. Amnesty
International a également recueilli des informations sur la pratique des autorités iraniennes consistant à extorquer des « aveux » sous la torture et d’autres formes de mauvais traitements, notamment dans le cas de
manifestant·e·s condamnés à mort et exécutés, et sur le fait que les juges s’appuient sur ces « aveux » pour
déclarer des personnes coupables et les condamner à la peine de mort.

Amnesty International s’oppose catégoriquement à la peine capitale, en toutes circonstances. La peine capitale est une violation du droit à la vie tel qu’il est proclamé par la Déclaration universelle des droits de l’homme, et constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. Amnesty International ne cesse d’appeler tous les pays où elle est encore en vigueur, dont l’Iran, à instaurer un moratoire officiel sur les exécutions, en vue de l’abolition totale de la peine capitale.

Source: CSDHI 


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