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jeudi 25 juillet 2024

Le juriste Juan Garcés : L’ingérence étrangère a entravé l’enquête de la justice espagnole sur les crimes contre les résistants iraniens

 Le 1er juillet, lors du Sommet mondial pour un Iran libre 2024 à Paris, le Dr Juan Garcés, éminent juriste international et conseiller politique du défunt président chilien Salvador Allende, est intervenu les problèmes persistants en matière de droits de l’homme en Iran.

Le Dr Garcés a évoqué les conférences internationales historiques, telles que la Conférence de Téhéran de 1943, qui garantissaient l’indépendance et la souveraineté de l’Iran. Il a également rendu hommage au défunt Premier ministre iranien, le Dr Mossadegh, soulignant l’impact à long terme des interventions étrangères sur l’histoire et la situation actuelle de l’Iran.

Dans son discours, le Dr Juan Garcés a évoqué son implication dans les enquêtes menées par un tribunal espagnol sur les crimes commis contre les réfugiés iraniens en Irak. Ces crimes, qui ont eu lieu entre 2009 et 2011, impliquaient de graves allégations, notamment de meurtre, de blessures graves, de détention illégale et de torture. Le tribunal espagnol, conformément aux principes de compétence universelle, a accepté l’affaire et a rassemblé des preuves substantielles et des témoignages confirmant ces crimes de guerre, qui constituaient une violation directe de la Quatrième Convention de Genève. Les conclusions de la Cour ont mis en évidence le ciblage systématique des civils protégés du camp d’Achraf par les forces irakiennes, entraînant de nombreuses victimes et détentions illégales.

Cependant, le Dr Garcés a révélé que la progression de ces enquêtes avait été contrecarrée par l’intervention de gouvernements étrangers. La pression exercée par trois puissances étrangères non précisées a conduit le gouvernement et le parlement espagnols à modifier la loi sur la compétence universelle du pays, qui permettait auparavant aux tribunaux espagnols de poursuivre les crimes internationaux quel que soit le lieu où ils ont été commis ou la nationalité des auteurs. La loi modifiée limite désormais la compétence du tribunal aux cas où les auteurs présumés étaient présents sur le sol espagnol, mettant ainsi fin à l’enquête sur les crimes contre les réfugiés iraniens, car les auteurs étaient basés en Irak. Ce changement législatif, influencé par les pressions politiques internationales, a mis en évidence les défis liés au maintien de l’indépendance judiciaire face aux intérêts géopolitiques.

L’intervention du Dr Juan Garcés :

Je suis ému par ce rassemblement où m’ont précédé des orateurs très brillants, mais je voudrais aborder deux points du discours d’hier de Mme Radjavi. Lorsqu’on discute aujourd’hui du droit international, il est impossible de ne pas mentionner la communauté internationale qui est à l’origine de ces lois, en particulier le droit international actuel, qui trouve ses racines dans la Seconde Guerre mondiale.

L’un de ses moments charnières a eu lieu à Téhéran en 1943, lorsque les chefs d’État des États-Unis, de la Russie et de la Grande-Bretagne se sont rencontrés à Téhéran et ont conclu de nombreux accords qui ont ensuite été développés lors d’autres conférences internationales. Ces accords constituent le fondement du travail mondial et international d’aujourd’hui. L’un des accords de Téhéran de 1943 prévoyait la garantie par les trois puissances de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Iran.

Hier, nous avons parlé du Dr Mossadegh et je veux lui rendre hommage aujourd’hui. Dix ans après la réunion de Téhéran, une intervention a changé l’histoire de l’Iran. Ce qui s’est passé en Iran trouve son origine dans cette ingérence dans ses affaires intérieures. Nous ne savons pas quel aurait été l’avenir de l’Iran si cette intervention n’avait pas eu lieu, mais elle a bel et bien eu lieu, et ses conséquences longues et profondes sont encore présentes aujourd’hui dans la réalité iranienne.

Je ferai également référence à une autre conférence internationale à Téhéran, la Conférence des Nations Unies sur les droits de l’homme de 1968. Si vous lisez les actes de cette conférence, vous découvrirez les racines du plan en dix points qui ont été élaborés et présentés hier par Mme Radjavi et encore aujourd’hui. Ces dix points trouvent leur origine dans la conférence de Téhéran de 1968. Votre génération était alors très jeune, mais c’est cette génération qui s’est soulevée quelques années plus tard, en 1979, contre le régime dictatorial en vigueur en Iran. L’histoire est bien connue et nous devons considérer les conséquences de cette évolution sur les droits de l’homme en Iran.

J’ai eu le plaisir et la satisfaction de chercher une cour de justice, car les principes sont là : les principes du procès de Nuremberg, les conventions internationales des droits de l’homme, la convention contre le génocide et les accords contre les crimes de guerre. Mais où existe-t-il un tribunal où ces droits puissent être invoqués et appliqués aux contrevenants ? normes internationales ?

Eh bien, j’ai eu l’opportunité et le plaisir de trouver une cour de justice qui a mené des recherches sur les crimes commis contre les réfugiés iraniens en Irak, crimes commis par une puissance non iranienne, à savoir les autorités irakiennes, dans les années 2009, 2010 et 2011. Le tribunal espagnol, en vertu des principes de compétence universelle alors en vigueur en Espagne, a accueilli cette plainte.

L’enquête s’est développée et des témoins ont apporté la preuve des crimes commis, des crimes de guerre, car les réfugiés d’Achraf étaient sous la protection de la Quatrième Convention de Genève. Il s’agissait de crimes de guerre en cours. Les preuves ont été rassemblées et le tribunal a conclu qu’il s’agissait de crimes. Le raisonnement juridique de la résolution du 15 juin 2015 affirmait littéralement que les preuves constituaient un crime contre la communauté internationale. Il s’agit de 11 meurtres, 480 blessés graves, 36 cas de détention illégale et de torture et de violations de la Quatrième Convention de Genève relative à la protection des civils pendant la guerre, ratifiée par l’Espagne et l’Irak, ainsi que de son Protocole n°1.

Les événements ayant donné lieu à cette plainte se sont produits le 28 juillet 2009, à partir de 15 heures et les jours suivants, lorsque 2 000 militaires de la 9ème Brigade BAD, les forces spéciales de la Brigade SCORPION de Bagdad, et les 2ème et 3ème bataillons de police et de gendarmerie , la police anti-émeute, dans une action délibérée et planifiée sous le commandement du général al-Assadi, équipée de véhicules blindés, d’armes à feu, de haches, de bâtons en métal et en bois, de chaînes, de gaz poivre, de gaz lacrymogènes, de grenades soniques, de réservoirs d’eau, et d’autres véhicules, ont lancé un assaut contre les résidents civils non armés du camp d’Achraf, tirant sans discernement sur les personnes protégées par la Quatrième Convention de Genève, tuant 11 personnes et en arrêtant 36. La cour d’assises espagnole s’est adressée à la Cour suprême espagnole, demandant l’autorisation de poursuivre l’enquête. les autorités irakiennes n’ayant pas mené d’enquête effective malgré les demandes successives du tribunal espagnol.

Cependant, à ce stade de l’enquête, se demander si les faits et le contexte des années 1980 en Iran constituaient des éléments de génocide compte tenu de la composante nationale différenciée des victimes et de la composante religieuse des groupes de victimes et si le génocide convention appliquée à ces faits, un facteur international est intervenu.

Trois puissances étrangères, que je ne nommerai pas, ont fait pression sur l’exécutif et le parlement espagnols pour qu’ils modifient la loi interne sur la compétence universelle. Cet amendement signifiait que l’Espagne ne pouvait poursuivre ce crime que si l’auteur présumé se trouvait sur le territoire espagnol. Naturellement, l’auteur se trouvait en Irak. Ainsi, à ce moment-là, l’enquête a été provisoirement suspendue tant que l’auteur ne se trouvait pas en Espagne. Cela signifie que si demain il entre en Espagne et que nous en avons connaissance et que nous en informons la Cour, le dossier sera rouvert et l’action judiciaire se poursuivra.

Cet exemple pratique montre comment des normes contraignantes et contrôlantes peuvent être appliquées lorsque les circonstances politiques le permettent ou être suspendues ou non appliquées lorsque les conditions politiques ne le permettent pas. Maintenant, une réflexion optimiste, car il faut toujours, n’est-ce pas, penser que les choses peuvent changer. Nous sommes dans une situation internationale très difficile, tout le monde le sait, mais il existe des éléments positifs qui suggèrent que les crimes commis en Iran, qui continuent à être commis, pourraient un jour trouver un tribunal où les responsables pourraient être jugés, accusés et jugés. 

Je pense particulièrement aux récentes décisions de la Cour pénale internationale, qui a ouvert pour la première fois des enquêtes sur les crimes de guerre commis sur le territoire européen, et la Cour pénale internationale a également ouvert une enquête sur les crimes de guerre commis sur le territoire palestinien.

Il s’agit là de nouveaux faits importants et d’un grand courage pour un tribunal international. Un autre fait positif apparu ces derniers mois est que la Cour internationale de Justice a accepté d’ouvrir une enquête sur les signes de génocide en cours en Palestine. La convention contre le génocide et les normes contre les crimes de guerre se situent aujourd’hui au plus haut niveau de la justice internationale.

Les crimes commis en Iran ont été qualifiés de crimes contre l’humanité. Les rapporteurs de l’ONU évoquent aujourd’hui la possibilité que l’élément constitutif de la convention sur le génocide soit présent dans les événements rapportés. Ces crimes, comme mentionné précédemment, ne sont pas soumis à prescription et c’est donc une question d’État que les conditions nationales ou internationales puissent permettre la réouverture des dossiers pour poursuivre ces crimes.

En attendant, comme cela a été dit, il faut rassembler les preuves et pouvoir les présenter un jour devant un tribunal compétent pour les juger. Cette perspective ouvre des possibilités positives, malheureusement dans le contexte des crimes car le droit pénal international évolue parallèlement aux crimes majeurs. J’espère et je souhaite qu’un jour viendra où les Iraniens trouveront également un tribunal.

Source : CNRI 

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