Le mercredi 10 décembre 2025, Téhéran et plusieurs grandes villes ont été le théâtre d'une rare convergence de manifestations ouvrières qui allaient bien au-delà des revendications sectorielles.
Ce qui s'est déroulé ensuite fut une explosion concentrée de colère longtemps réprimée, enracinée dans un dysfonctionnement économique structurel, une paralysie du processus législatif et un fossé grandissant entre le régime iranien et la société.
Les manifestations simultanées des travailleurs du secteur de l'énergie, des employés du secteur social et des importateurs de biens de première nécessité ont révélé non seulement une crise des moyens de subsistance, mais aussi un effondrement plus général de la confiance dans les institutions officielles.
Au cœur des manifestations de la journée se trouvait le rassemblement de près de 1 000 travailleurs contractuels des secteurs pétrolier et électrique devant le Parlement iranien. Ces travailleurs exigeaient la suppression du système d'emploi par sous-traitance et la mise en œuvre du « plan de conversion du statut d'emploi » promis de longue date.
Leurs slogans traduisaient un profond sentiment de trahison : les lois votées sur le papier, affirmaient-ils, sont devenues des outils pour repousser indéfiniment la justice plutôt que pour la rendre.
Un slogan – « L’injustice dont nous sommes victimes est flagrante ; pourquoi la loi est-elle abandonnée ? » – résumait le vécu d’une main-d’œuvre prise entre les promesses légales et la réalité vécue.
Un autre slogan, plus mordant – « Balles, chars, feux d’artifice ; les entrepreneurs le méritent » – servait de métaphore à une guerre des classes cachée dans laquelle les travailleurs contractuels sont exploités pour protéger les profits des intermédiaires.
Lorsque les manifestants ont crié : « Assez d'oppression ; nos tables sont vides », la pauvreté elle-même s'est transformée en langage politique.
Parallèlement à ces manifestations, les protestations des employés de l'Organisation nationale de protection sociale ont révélé une dimension différente, mais tout aussi alarmante, de la crise.
Les travailleurs chargés de prendre soin des groupes les plus vulnérables de la société ont révélé qu'ils vivent eux-mêmes désormais sous une forte pression financière.
Un employé du secteur social, titulaire d'une maîtrise et fort de 15 ans d'expérience, a déclaré gagner environ 17 millions de tomans, alors que son salaire officiel s'élève à seulement 13 millions de tomans.
Ces chiffres mettent en évidence l'appauvrissement rapide de la classe instruite et professionnelle iranienne — des individus dont l'expertise ne garantit même plus une sécurité économique de base.
À Shiraz, les employés des usines de télécommunications ont soulevé une question cruciale : « Comment sommes-nous censés vivre ? » Ils ont décrit des mois de revendications restées sans réponse, auxquelles n’ont répondu non pas des solutions, mais des menaces.
Leur expérience reflète une tendance plus générale selon laquelle les griefs des travailleurs sont systématiquement ignorés ou réprimés plutôt que pris en compte.
Les manifestations du 10 décembre ont dépassé le cadre des seuls employés du secteur public. Des importateurs de riz se sont rassemblés devant le ministère de l'Agriculture pour protester contre un retard de onze mois dans la réception des devises étrangères allouées par le gouvernement et nécessaires à l'importation de produits alimentaires de première nécessité.
Cette paralysie prolongée souligne que la crise des moyens de subsistance en Iran n'est pas simplement un problème de salaires, mais le résultat de défaillances structurelles de la gouvernance économique — des défaillances qui pénalisent simultanément les travailleurs et perturbent l'approvisionnement en biens de première nécessité.

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