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lundi 19 septembre 2016

Le massacre de 1988 des prisonniers politiques en Iran constitue un crime contre l'humanité

 Lors de la 33e session du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, cinq ONG ont présenté le 13 septembre un exposé sur le massacre des prisonniers politiques en Iran en 1988, demandant que l'ONU ouvre une enquête et le qualifie de crime contre l'humanité, ce dont il s'agit dans les faits. Un mouvement pour la justice en faveur des victimes en Iran a été lancé dans le but de faire juger les auteurs et les responsables de ce massacre, qui sont toujours au pouvoir.
En voici le texte:

Le 9 août 2016, un document confidentiel enregistré sur cassette audio d'une réunion tenue le 15 août 1988 entre l'ayatollah Hossein-Ali Montazeri, ancien héritier présomptif de l'ayatollah Khomeiny, des membres du ministère de la Justice et du Renseignement iranien, a été rendu public après 28 années de secret. Il montre de nouveaux détails sur la plus grande vague d'exécutions politiques au monde depuis la Seconde guerre mondiale. Dans ce document audio les auteurs du massacre de 1988 confirment eux-mêmes de vive voix ces exécutions.
Les exécutions de masse de prisonniers politiques ont débuté en Iran dès 1981. Après le cessez-le-feu de la guerre Iran-Irak en juillet 1988, l'ayatollah Khomeiny a promulgué une fatwa (un décret) stipulant : "Puisque ces traîtres de Monafeghine (OMPI) ne croient pas dans l'islam, que ce qu'ils disent est du mensonge et de l'hypocrisie, que leurs dirigeants ont admis être des renégats, qu'ils sont en guerre contre Dieu ... il est décrété que ceux qui sont incarcérés dans le pays et qui maintiennent fermement leur soutien aux Monafeghine (OMPI) sont en guerre contre Dieu et sont condamnés à être exécutés. A Téhéran, M. l’hojatoleslam Nayyeri, juge religieux, et M. Eshraqi, procureur de Téhéran, ainsi qu'un représentant du ministère du Renseignement décideront de la sentence à appliquer par vote majoritaire. Dans les prisons situées dans les capitales provinciales, le juge religieux, le procureur de la révolution et un membre du ministère du Renseignement statueront sur la procédure à suivre. Les responsables des procédures judiciaires ne doivent pas se montrer hésitants ou dubitatifs, ils doivent être des plus intransigeants face aux infidèles." Interrogé par le chef du pouvoir judiciaire pour savoir si ce décret devait s'appliquer à ceux qui avaient déjà été condamnés, l'ayatollah Khomeiny déclare : "Dans tous les cas mentionnés ci-dessus, si, à n'importe quel stade ou n'importe quel moment de la procédure, la personne maintient son soutien aux hypocrites (OMPI) la sentence sera l'exécution. Anéantissez immédiatement les ennemis de l'islam. En ce qui concerne ces cas, utilisez n'importe quel critère pour accélérer la mise en application du verdict." Sur la base du décret de l'ayatollah Khomeiny, des commissions similaires ont été créées dans toutes les provinces.
Le titre officiel de ces commissions était la "commission d'amnistie" que les prisonniers ont appelé la "commission de la mort". De nombreuses victimes de cette vague d'exécutions étaient des prisonniers qui avaient été condamnés par les tribunaux de la révolution à plusieurs années d'emprisonnement et qui purgeaient leur peine. Certains d'entre eux l'avaient même terminée mais n'avaient pas été relâchés ou avaient été incarcérés sans motif. D'autres avaient été libérés mais ont été à nouveau arrêtés et exécutés durant le massacre des prisonniers politiques. Dans la cassette audio de la réunion du 15 août 1988, on entend M. Montazeri s'adresser à la commission de la mort. Les personnes présentes étaient Mostafa Pour-Mohammadi, représentant du ministère du Renseignement, Hossein-Ali Nayyeri, juge religieux, Morteza Eshraqi, procureur de Téhéran, et Ebrahim Raïssi, vice-procureur de Téhéran. Pour-Mohammadi est actuellement ministre de la Justice iranienne, Nayyeri est président de la cour suprême de la discipline des juges, et Raïssi préside la fondation Astan Qods-e Razavi, un des plus importants centres politiques et économiques du pays. Raïssi est aussi candidat à la succession de Khamenei.
Au cours de cette réunion, les points suivants ont été soulevés : Montazeri : "Dans certaines villes, ont été commis (par les juges) toutes sortes d'irrégularités (crimes) ... et à Ahwaz, c'était vraiment horrible. Tel juge, tel autre dans cette ville ou dans cette autre, ont condamné des gens à 5, 6, 10 ou 15 ans d'emprisonnement. Exécuter ces personnes alors qu'elles n'ont plus d'activités démontre que le système judiciaire est dans sa totalité défaillant." S'adressant à Pour-Mohammadi, le représentant du ministère du renseignement, Montazeri dit :
"Le renseignement contrôle les exécutions et s'y est investi. Ahmad Khomeini (fils de Khomeini) dit depuis trois-quatre ans que les militants de l'OMPI devraient tous être exécutés, même s'ils n’ont fait que lire leurs journaux, leurs publications ou leurs déclarations." Montazeri : "Des jeunes filles de 15 ans et des femmes enceintes font partie des victimes. Or, dans la jurisprudence chiite, même si une femme est 'Moharreb' (en guerre contre Dieu), elle ne doit pas être exécutée. C'est ce que j'ai dit à Khomeiny, mais il a répondu, non, exécutez aussi les femmes." A la suite de la mise en application du décret dans certains établissements pénitentiaires du pays, dont celui de la prison Dizel Abad à Kermanchah, de la prison Vakil Abad de Machad, de la prison Gachsaran, de la prison de Khoramabad, de la prison de Kerman et de la prison Masjed-Soleyman, pas un seul prisonnier n'a été épargné. Dans d'autres prisons pratiquement tous les militants affiliés à l'Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI) ont été exécutés. Dans un des quartiers de femmes de la prison de Radjaï-Chahr (Gohardacht) de la ville de Karadj, seules quatre des 200 prisonnières ont survécu. Dans une lettre adressée à Khomeiny, datée du 31 juillet 1988, l'ayatollah Montazeri proteste contre les exécutions de masse et révèle "la mort de plusieurs milliers de personnes en quelques jours".
Dans une autre lettre, l'ayatollah Montazeri fait référence aux exécutions en tant que "massacre" et écrit que les Moudjahidine du peuple représentent une idéologie et une école de pensée qui ne sauraient être éliminées par des exécutions. Peu de temps après le début de ce massacre des Moudjahidine du peuple, de nombreux militants d'autres groupes politiques ont aussi été exécutés. Procédures de la "Commission de la mort" Selon de nombreux rapports, la procédure des commissions de la mort était très simple. La première question était : "A quel groupe politique appartenez-vous ?". Ceux qui répondaient 'Moudjahidine' (OMPI) étaient envoyés dans les geôles. La réponse "correcte" était "monafeghine", c'est-à-dire hypocrite, le terme péjoratif utilisé par le gouvernement pour désigner l'OMPI. Selon l'ayatollah Montazeri, dans certaines villes, cette réponse n'était pas suffisante et d'autres questions étaient posées : - Acceptez-vous de venir à la télévision pour condamner les monafeghine ? - Etes-vous prêt à combattre les monafeghine ? - Etes-vous prêt à passer un noeud coulant au cou d'un membre actif des monafeghine ? - Etes-vous prêt à nettoyer les champs de mines pour l'armée de la République islamique ? Une réponse négative à une seule de ces questions signifiait l'exécution. Fosses communes Les personnes exécutées à Téhéran et dans d'autres villes ont été enterrées dans des fosses communes. Dans certains cas, plus d'une centaine de cadavres étaient empilés les uns au-dessus des autres et n'ont jamais fait l'objet de fouilles : les dirigeants iraniens ont essayé d'effacer toute trace de ces charniers.
Mais en 2008 et début 2009, des bulldozers ont aplani le site de fosses communes du cimetière de Khavaran à l'est de Téhéran. Dans une déclaration, Amnesty International a insisté pour que ces cimetières soient gardés intacts en vue d'enquêtes. Le rapporteur de la commission des droits humains de l'ONU chargée des exécutions arbitraires a déclaré dans son rapport de 1989 : "Au cours des journées des 14, 15 et 16 août 1988, 860 cadavres ont été transférés de la prison Evin (Téhéran) au cimetière de Behesht-e Zahra." Ceci en dépit du fait que la majorité des morts avaient été enterrés dans des fosses communes du cimetière de Khavaran." Reza Malek, un ancien haut responsable du ministère du renseignement devenu lanceur d'alerte, a été arrêté et relâché récemment après douze années de prison. Il avait envoyé clandestinement une vidéo à Ban Ki-moon de l'intérieur de la prison révélant qu'en quelques jours 33.700 personnes ont été exécutées pendant les massacres de 1988.
Le Dr Mohammed Maleki, premier recteur de l'université de Téhéran après la révolution de 1979 et dissident notoire a indiqué, au cours d'un entretien télévisuel sur la chaîne Dorr TV le 14 août 2016 que Reza Malek, qui a occupé un poste au ministère du renseignement où il était en charge des documents et des archives, a déclaré que 30.400 des prisonniers exécutés appartenaient à l'OMPI et 2.000 à 3.000 étaient de gauche et marxistes. Rapports indépendants L'avocat britannique Geoffrey Robertson, QC, président de la cour spéciale de l'ONU pour la Sierra Leone, a, en 2010, publié un rapport approfondi et documenté sur ces tueries bien qu'il n'ait pas eu accès à toutes les preuves. Dans son livre intitulé "Mollahs sans pitié", il qualifie clairement ces tueries de 'crime contre l'humanité' qui peuvent être classées en tant que génocide. Le Juge Robertson blâme la communauté internationale de son manque de fermeté face à ce crime. Il conclut que l'inaction et le manque de sensibilité de la communauté internationale envers ce crime permet au gouvernement iranien de se sentir libre de violer les lois internationales et de continuer à violer les droits humains. A la page 104 de son rapport, il conclut : "En Iran, les massacres faits dans les prisons, en vertu de leur cruauté calculée conçue par les dirigeants politiques et judiciaires de l'Etat, sont plus répréhensibles que dans des cas similaires dans d'autres pays ... Les deux dirigeants qui ont conseillé et mis en oeuvre les massacres de 1988, Khamenei et Rafsandjani sont respectivement Guide suprême et chef du Conseil de discernement, et les juges des commissions de la mort occupent des postes dans le système judiciaire. Ils doivent être jugés devant un tribunal international, qui ne peut être établi que par le Conseil de sécurité." Ce qui s'est passé dans les prisons iraniennes en 1988 demeure une blessure profonde dans le corps et l'âme du peuple iranien.
La seule façon de panser cette plaie pour l'aider à se cicatriser, serait de mener une enquête approfondie et d'identifier ceux qui ont abusé de leur pouvoir pour exécuter des milliers de leurs opposants idéologiques.
Le 2 novembre 2007, lors du 20ème anniversaire (selon le calendrier lunaire iranien) de ce massacre, Amnesty International a publié un communiqué s'y référant comme le jour du "massacre des prisonniers". Il ajoutait : "Amnesty International estime qu'il s'agit d'un crime contre l'humanité". Dans son rapport du 25 décembre 2005, Human Rights Watch y fait également référence également en tant que "crimes contre l'humanité". Le 4 février 2001, un article publié dans le journal britannique The Sunday Telegraph mentionne : "Le décret de 1988 a coûté 30.000 vies humaines. En 2004, dans un entretien mené par un journal canadien, The Toronto Star, un témoin de ces massacres sous le pseudonyme de 'Payam' parle également d'un nombre d'exécutions proche de 30.000. En 2010, le chef du bureau de Reporters sans frontières pour l'Iran et l'Afghanistan confirme de chiffre dans le journal français La Croix. Dans un récent article sur le Rwanda, Mohammad Nourizad, un proche de l'ayatollah Ali Khamenei avant la répression du soulèvement de 2009 à Téhéran, écrit : "Là, en l'espace de deux ou trois mois, 33.000 hommes, femmes, jeunes et vieux ont été emprisonnés, torturés et exécutés. Certains de ces cadavres ont été emportés dans des camions et enterrés dans des fosses communes au cimetière de Khavaran et dans des terrains vagues, les transporteurs et fossoyeurs montrant leur satisfaction de ce qui avait été fait ..." Le 20 septembre 2013, lors du 25ème anniversaire iranien de ces atrocités, la fédération internationale des droits humains (FIDH) a déclaré qu'elle et la Ligue internationale des droits et devoirs humains (LDDHI) (vérifier le titre) qualifiaient les évènements de 1988 d'exécutions extrajudiciaires et arbitraires et de crimes contre l'humanité.
Selon les conventions internationales, il n'y a pas de délai d'imprescribilité pour les crimes contre l’humanité. Il est de la responsabilité de la communauté internationale, dont le conseil des droits humains et le conseil de sécurité, de se charger de ce dossier et de déférer leurs auteurs devant la justice. Ce qui constitue une raison d’urgence est que le massacre et le génocide de 1988 ne sont pas terminés et se poursuivent encore de nos jours - l’exécution de 25 sunnites le 2 août 2016 en est un des récents exemples. En outre, les auteurs du massacre de 1988 occupent encore des postes clés au gouvernement et continuent à réprimer et à tuer différents secteurs de la société iranienne. En conclusion, nous recommandons que le Haut-commissaire pour les droits humains de l’ONU, le Conseil des droits humains de l’ONU et l’Assemblée générale de l’ONU mettent ce massacre sur leur ordre du jour et, dans une première étape, établissent une commission internationale chargée d’enquêter sur ce crime horrible pour présenter ce dossier au Conseil de sécurité de l’ONU. Enfin, nous exhortons le Conseil de sécurité de l’ONU d’établir un tribunal international devant lequel seront déférés les auteurs de ces crimes pour y être jugés.
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Exposé écrit* présenté conjointement par Non violent Radical Party, Transnational and Transparty, organisations non gouvernementales dotées du statut consultatif général, Women's Human Rights International Association, France Libertes : Fondation Danielle Mitterrand, organisations non gouvernementales dotées du statut consultatif spécial, International Educational Development, Inc., Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, organisations non gouvernementales inscrites sur la liste
Hands off Cain Edmond Rice Centre Association of Humanitarian Lawyers Association des Femmes Iraniennes en France comité de soutien au droits de l'homme en Iran une/des ONG sans statut consultatif partage(nt) également les opinions exprimées dans cet exposé.
Nations Unies
A/HRC/33/NGO/101
Assemblée générale

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