CNRI Femmes – Vingt-quatre jours après l’assassinat de Romina Ashrafi, 14 ans, le président du régime clérical a hâtivement ordonné la mise en œuvre d’un projet de loi intitulé “Protection, dignité et sécurité des femmes” (Agence IRNA – 13 juin 2020).
Un projet de loi portant un titre similaire circule entre les différents organes du régime depuis mai 2009. Ce projet de loi contenait 92 articles, dont 17 ont été supprimés car différentes institutions y ont apporté des changements. D’autres articles du projet de loi ont été rendus incomplets et inefficaces.
Enfin, le 17 septembre 2019, le projet de loi a été renvoyé au gouvernement après avoir été examiné par le pouvoir judiciaire. Cependant, 15 mois plus tard, il n’a pas été adopté par les “enquêtes gouvernementales” et n’est pas entré au Majlis du régime, ou parlement, pour adoption.
Bien sûr, ce n’est pas un secret pour les femmes iraniennes que même si ce projet de loi est adopté et mis en œuvre, il n’existe aucune perspective de voir la sécurité des femmes assurée.
Parvaneh Salahshouri, ancienne membre du parlement du régime, a admis : “Si ce projet de loi est adopté, la situation des femmes sera bien pire. Le projet de loi actuel supprime le terme “violence contre les femmes”, et les articles sur la sécurité des femmes sont soit omis, soit modifiés d’une manière ou d’une autre. En conséquence, l’intention du projet de loi est perdue. Dans ce projet de loi, ils ont manipulé les mots” (Khabaronline.ir – 16 décembre 2019).
Qui est chargé d’assurer la sécurité des femmes ?
Le Comité national pour la protection, la dignité et la sécurité des femmes est composés de 22 hauts responsables bien connus du régime, tous des hommes, à l’exception de Massoumeh Ebtekar, qui seconde Rohani en matière d’affaires féminines et familiales.
En plus des 22 officiels, y siège deux professeurs du séminaire religieux de Qom, représentant le spectre le plus réactionnaire et misogyne de la dictature religieuse.
Une loi pour ou contre les femmes?
Gholamhossein Mohseni Eje’i, porte-parole du pouvoir judiciaire et premier vice-ministre de la Justice, avait précédemment exprimé sa crainte que le projet de loi sur la sécurité des femmes n’ “ébranle les fondations de la famille” (Agence IRNA – 17 février 2019).
Ashraf Gueramizadegan, conseillère juridique pour les affaires féminines et familiales, a traduit l’expression “ébranler les fondements de la famille” dans la culture des mollahs par “saper l’autorité des hommes” dans la famille (Agence ILNA – 18 septembre 2018).
L’une des corrections les plus importantes apportées par le pouvoir judiciaire dans le projet de loi est le remplacement du mot “femmes” par “Mesdames” (qui ne se réfère qu’aux femmes mariées), excluant ainsi un large éventail de femmes de son champ d’application.
Laissant de côté le discours général et la division du travail, plutôt que de défendre les femmes opprimées de la société iranienne contre la violence, le projet de loi aborde la coercition apparemment morale et culturelle, qui est pratiquement en défense du régime religieux misogyne.
Les dispositions relatives aux sanctions dissuasives envisagées dans ce projet de loi ne font que répéter les dispositions qui existaient dans le code pénal et la procédure pénale du régime. Indépendamment du fait que ces sanctions encouragent la violence dans la société, il convient de noter que les femmes qui cherchent un recours dans le cadre du régime culturel et judiciaire en vigueur sont exposées à un danger, et que le processus de preuve d’un crime est onéreux.
Dans de nombreux cas, si une femme se plaint de violence, en particulier de violence sexuelle, elle devient l’accusée principale. Après un procès inéquitable, elle est généralement condamnée à un sort inhumain.
En examinant le projet de loi, il apparaît que son contenu ne ressemble même pas aux textes législatifs standard. Par exemple, contrairement à de nombreuses lois qui stipulent généralement à la fin du texte que “toute loi contraire à la présente loi est obsolète”, il n’y a pas de phrase dans ce contexte. Cela annule en soi sa garantie d’application.
Sedigheh Rabii, directrice générale des affaires féminines et familiales dans la ville de Qazvine, admet : “Il n’y a pas de clarté détaillée et précise dans les articles du projet de loi”.
“Par exemple, dans la section sur l’interdiction de forcer une femme à se marier, il n’est pas possible de savoir exactement à quel âge une fille ne peut pas se marier“, dit-elle.
Soudabeh Khosropour, sociologue, déclare à ce sujet : “L’exploitation sexuelle, la création de maisons closes et le trafic sexuel organisé sont autant de manifestations de la violence moderne contre les femmes que ce projet de loi doit aborder”.
Alireza Mafi, un avocat, souligne que “ce projet de loi ne peut pas éliminer la violence contre les femmes, parce que le texte ne croit pas à la violence et qu’il accorde plus d’attention au crime, alors que l’ampleur de la violence est beaucoup plus importante que la victimisation”.
Il souligne que le projet de loi ne devrait pas se concentrer sur les femmes qui vivent dans la dignité, mais plutôt sur les femmes qui ont été la cible de la violence dans la société.
“Le nouveau projet de loi légalise la ségrégation des sexes, mais il ne signifie pas seulement l’élimination de la violence ; la ségrégation elle-même est un acte de violence contre les femmes”, a-t-il déclaré (L’agence de presse officielle IRNA – 4 janvier 2020).
Une loi pour la façade
Tout en déclarant qu’un projet de loi visant à assurer la sécurité des femmes contre la violence n’a pas encore été approuvé, Sedigheh Rabi’i reconnaît que “la violence contre les femmes augmente chaque année, et les statistiques officielles ne montrent que des violences manifestes”.
Elle ajoute : “Un examen des statistiques médico-légales sur la violence, ainsi que les orientations et les contacts avec le système d’urgence sociale 123, montrent la tendance à la hausse de cette violence. Si ce projet de loi ne définit pas la garantie d’application adéquate, cette question ne sera pas résolue”.
Rabi’i admet ensuite que “le projet de loi ne fournit pas le soutien nécessaire aux femmes victimes de violence, et ces femmes sont obligées de continuer à vivre passivement dans les circonstances actuelles” (L’agence de presse officielle IRNA – 4 janvier 2020).
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