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mardi 29 décembre 2020

Rapport de la commission judiciaire du Conseil national de la Résistance iranienne (N° 2)

CNRI- • Témoignage d’habitants d’Achraf-3 sur le bourreau Hamid Nouri
• Des témoins du massacre de 1988 et les familles de martyrs interrogés pendant 10 jours par le bureau du procureur suédois sous la supervision du bureau du procureur albanais
• Mise en garde contre le chantage et toute pression ou machination politique du régime clérical à l’encontre de la Suède

Le bureau du procureur suédois, sous la supervision du bureau du procureur albanais, a interrogé les témoins du massacre de 1988 et les familles des victimes à Achraf-3, en Albanie, pendant dix jours à partir du 7 novembre 2020. Cette démarche fait suite à la déclaration de la commission de sécurité et du contreterrorisme du CNRI (15 novembre 2009 sur l’affaire du bourreau Hamid Nouri arrêté en Suède). Elle fait également suite au rapport de la commission judiciaire du 3 juillet 2020 sur le témoignage et la fourniture de documents à ce sujet. Elle intervient aussi après les mesures nationales et internationales mentionnées dans ce rapport.

Les procureurs ont écouté leurs témoignages et posé des questions. Les témoins ont raconté des scènes, rapporté des observations et des expériences personnelles choquantes liées à ce bourreau et aux crimes de la dictature religieuse en Iran. Tout a été transcris et enregistrés. Ce qui suit en est un résumé à l’attention de nos compatriotes :

1- Les 22 et 25 novembre et le 1er décembre 2019, plusieurs listes contenant des noms de prisonniers témoins des crimes de Hamid Nouri (Abbasi), ainsi des noms de personnes dont les proches ont été exécutés pendant le massacre des prisonniers affiliés à la principale organisation d’opposition, l’Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI/MEK) en 1988, ont été soumises aux autorités judiciaires compétentes. Ces personnes résident aujourd’hui en Europe, aux Etats-Unis et au Canada, ou sont dans les rangs de l’OMPI à Achraf-3 en Albanie. Il a aussi été annoncé qu’environ 900 prisonniers politiques ayant été libérés et se trouvant à Achraf-3 étaient prêts à témoigner des crimes du régime dans ses prisons. Parallèlement, des témoins ont envoyé aux parties concernées des témoignages écrits et précis, indiquant des dates et des noms, concernant Hamid Abbasi et son rôle dans la torture, l’exécution et la répression des prisonniers. Ils ont joint des livres, des articles et des rapports qu’ils ont écrits à ce sujet ces trente dernières années. Les témoins du massacre sont également des plaignants.

2. Malgré les restrictions imposées par la pandémie COVID-19, qui ont rendu les voyages très difficiles voire impossibles, un nombre important de prisonniers libérés résidant dans des pays européens ont été entendus en personne ou par vidéoconférence par les autorités judiciaires suédoises dès le mois de janvier et jusqu’en décembre 2020. Certains ont été mentionnés dans la déclaration du 3 juillet 2020 et publiés par la commission judiciaire du CNRI. Parmi les témoins figurent des sympathisants de l’OMPI qui ont survécu à la prison, notamment Nasrollah Marandi, Reza Shemirani, Ali Zolfaghari, Mehrdad Kavousi, Akbar Bandali, Ramezan Fathi, Ahmad Ebrahimi, Mohsen Zadshir, Reza Fallah, Mohammad Khodabandeh-Loui et Hamid Khalaghdoost.

3. En juillet 2020, le bureau du procureur albanais a informé les conseillers juridiques d’Achraf-3 que le bureau du procureur suédois avait l’intention d’interroger les témoins du massacre ou ceux dont les proches avaient été exécutés, et a de nouveau demandé la liste des victimes. Par la suite, les entretiens ont commencé le 7 novembre et se sont poursuivis pendant 10 jours. Certains témoins et plaignants de l’OMPI, dont les noms sont indiqués ci-dessous, ont été entendus à deux reprises en raison de l’importance de leurs informations. Un certain nombre d’autres témoins ayant passé du temps à la prison de Gohardacht pendant le massacre et ayant assisté aux crimes de Hamid Nouri, notamment Mojtaba Akhgar, Azad Ali Hajiloui, Haidar Yousefli et Mohammad Sarkhili, ont soumis des témoignages écrits.

4- Asghar Mehdizadeh, prisonnier politique de 1981 à 1994, a témoigné avoir vu Hamid Nouri pour la première fois à la prison de Gohardacht en 1986. Il a déclaré :
« À l’époque, j’avais demandé à être transféré à la prison de Racht. Hamid Nouri m’a dit : il n’y aura pas de transfert tant que tu ne coopéreras pas, parce qu’en ce moment tu admets être un partisan de l’organisation (OMPI) et tu insistes sur cette appartenance.
En guise de punition pour avoir effectué des exercices physiques en groupe, à deux reprises, nous avons été emmenés dans une pièce appelée “chambre à gaz”, qui n’avait pas d’ouvertures. Au bout d’une heure ou deux, nous transpirions tellement que nos pieds étaient mouillés et qu’il y avait des flaques d’eau sous nos pieds. Ils ouvraient la porte après nos protestations et nos cris et martèlements continus sur la porte. Ensuite, les bourreaux s’alignaient des deux côtés (formant un “tunnel”). Nasserian, Abbasi et Lashkari se tenaient le plus près. Ils nous interrogeaient sur nos chefs d’accusations. Dès que nous disions que nous étions des partisans de l’OMPI, ils nous frappaient à coups de câbles et de bâtons pendant qu’ils nous poussaient vers les prochains gardes ou bourreaux.
De plus, en raison de la pratique de sports de groupe, en avril 1987, douze partisans de l’OMPI ont été emmenés à Evine pour un nouveau procès et condamnés au fouet et à être battus par câbles. Leur peine a été exécutée à Gohardacht par Nasserian, Lashkari, Abbasi et d’autres tortionnaires.

Au printemps 1988, Nasserian et Abbasi sont venus nous voir et nous ont dit : « quiconque se réfère à son accusation comme étant “Modjahed” (OMPI) doit attendre jusqu’à ce qu’on détermine son sort. »

Le 30 juillet, à 12h20, j’ai vu par une petite fenêtre que Lashkari et Abbasi ont bandé les yeux de prisonniers et les ont emmenés à l’entrée de la cour, puis dans un hangar. J’ai appris plus tard qu’ils avaient été emmenés pour être exécutés.

Le matin du 1er août, Abbasi est venu ouvrir les portes des cellules et a dit à tout le monde de se bander les yeux et de se mettre au milieu du couloir. Puis il nous a alignés et nous a amenés dans le couloir principal, où Davoud Lashkari était assis derrière une petite table pour interroger les gens. La principale question portait sur l’accusation. Quiconque disait qu’il était un “partisan” ou qu’il “soutenait l’OMPI” était remis à Hamid Abbasi qui l’emmenait dans le couloir de la mort. Ce jour-là, il y a eu de l’agitation dans le couloir, et la foule augmentait d’heure en heure. Ce jour-là, 15 groupes de personnes ont été exécutés, des groupes composés de 10 ou 15 individus.

Le lundi 8 août, j’ai été envoyé dans le quartier 7, qui d’un côté surplombait les cellules d’isolement. J’ai communiqué avec la première cellule et j’ai réalisé qu’il s’agissait du [martyr] Hadi Mohammad-Nejad. Il m’a dit qu’ils l’avaient emmené dans la salle de la mort aujourd’hui et lui avaient demandé de coopérer et de recueillir des renseignements. « Comme je n’ai pas accepté, ils m’emmèneront pour m’exécuter », a-t-il ajouté. Il était le cinquième membre de sa famille à être exécuté.

J’ai été emmené dans le couloir de la mort mardi, qui était rempli de prisonniers aux yeux bandés. Au bout de quelques minutes, le gardien m’a dit: “pends des petites douceurs”. J’ai découvert plus tard qu’il parlait des personnes dans le couloir de la mort. Lorsque douze personnes ont été sélectionnées et sont passées devant la porte, plusieurs autres se sont précipitées pour leur passer devant en scandant « ô Hossein ! Vive la liberté ! Vive Radjavi et à bas Khomeiny ! » Un garde a dit : « Mais pourquoi vous courez pour être exécutés avant les autres ? » Un des prisonniers dans le fond a répondu à voix haute : « Vous ne comprendrez pas tant que vous ne serez pas à notre place et vous ne le serez jamais. » Puis ils ont emmené deux ou trois autres groupes pour les exécuter.

C’est au quatrième tour qu’un garde est venu me chercher et m’a emmené dans le couloir de la mort. J’ai vu de dessous le bandeau que près de la scène, c’était pratiquement plein de cadavres. Lorsqu’ils ont amené la quatrième série, les prisonniers ont scandé « A bas Khomeiny, Vive Radjavi, Vive la liberté ». Le garde a enlevé mon bandeau. Les gardes étaient sans voix et figés en regardant ces scènes et en entendant les slogans des prisonniers. Nasserian les a interrompus et a dit aux gardes : « Pourquoi vous restez silencieux ? Ces gens sont mauvais. » Nasserian, Abbasi et Lashkari sont allés voir les prisonniers et ont enlevé le tabouret de sous leurs pieds (en les pendant). Mais avant d’arriver à la quatrième personne, les prisonniers ont commencé à repousser les tabourets eux-mêmes après avoir scandé les slogans « Vive les Moudjahidine, Vive Radjavi » et « A bas Khomeiny ». Ils ont eux-mêmes repoussé les tabourets de sous leurs pieds. Je n’ai pas pu le supporter et je me suis évanoui. Au bout d’un moment, un garde m’a jeté de l’eau sur le visage et j’ai repris conscience, et ils m’ont emmené à l’endroit précédent.

Après les exécutions, Nasserian est venu dans la salle 13 avec Abbasi et a emmené tout le monde au Hosseiniyeh, où ils nous ont menacés de ne pas penser que les exécutions étaient terminées. Ils ont dit que celui commencerait à former un groupe retournerait à la potence. « Nous savons tout. Nous avons des taupes parmi vous. »

5- Mahmoud Royaei, incarcéré dans les prisons d’Evine, de Ghezel-Hessar et de Gohardacht de 1981 à 1991, a déclaré dans son témoignage :

« Mon procès a été mené par un religieux en colère en moins de dix minutes, sans avocat ni formalités légales. Il a lu l’acte d’accusation, mais dès que j’ai voulu me défendre, il m’a dit de ne pas parler. « « es-tu prêt à passer une interview télévisée ou non ? » J’ai répondu que je n’avais rien fait et que je n’avais rien à dire. Quand il a vu que je n’acceptais pas l’interview, il m’a jeté dehors et a dit que ma peine serait l’exécution. Après les efforts inlassables de mon père avec des dépenses considérables, trois mois plus tard, j’ai été condamné à dix ans de prison.

J’ai été transféré d’Evine à Ghezel-Hessar en décembre 1981. À l’arrivée, ils m’ont rasé les cheveux et les sourcils et m’ont forcé à manger mes cheveux tout en me battant et en me menaçant. Ensuite, ils m’ont mis dans une cellule de 1,5 x 2,5 mètres, avec 45 autres personnes.

Le 6 avril 1986, nous avons été transférés de Ghezel-Hessar au quartier 2 de Gohardacht.

Le harcèlement a commencé dès le début. Nous avons également protesté en n’acceptant pas la nourriture ou en n’allant pas prendre l’air. J’ai vu Hamid Abbasi avec Nasserian pour la première fois dans le quartier 2 de la prison de Gohardacht.

Le 3 juillet 1987, Davoud Lashkari est entré dans la prison et a déclaré : « Je vais ouvrir la cour pour l’air frais, mais quiconque sort pour faire de l’exercice, nous lui briserons les côtes, les pieds et les mains. Ils ont ouvert la cour et nous avons commencé à faire des exercices. À la fin des exercices, les gardiens de la révolution ont écrit nos noms et nous ont appelés un par un. Les gardes ont formé deux rangs et nous ont battus à l’aide de divers moyens comme des bâtons, des barres de fer et des câbles lorsque nous avons traversé ce tunnel humain. On entendait bien la voix de Hamid Abbasi parmi les gardiens de la révolution. Après avoir traversé ce tunnel, et après avoir transpiré à cause de l’exercice, ils nous ont fait passer devant un très grand climatiseur. Puis ils nous ont emmenés dans une pièce sans ventilation ni air frais. Nous avons appelé cet endroit la chambre à gaz parce qu’il n’y avait pas d’air frais du tout.

Le mercredi 3 août 1988, j’ai vu Hamid Abbasi à plusieurs reprises dans le couloir de la mort. Une quarantaine de personnes de différents quartiers ont été amenées dans le couloir. Une demi-heure après l’arrivée dans le couloir, j’ai vu Hamid Abbasi lire une liste d’environ 15 noms et ils les ont fait passer par une porte en bois au milieu du couloir. Après quoi, Hamid Abbasi a lu deux autres fois des noms de prisonniers et les a dirigés dans la même direction. Je ne savais pas qu’à ce moment ils les exécutaient.
Le même jour, une autre personne et moi-même avons été transférés dans la salle n° 4 du quartier 2. Là, j’ai vu le martyr Modjahed Siamak Touba’i qui a dit que tous les prisonniers avaient été tués. Le 30 juillet, une sœur dans une cellule d’isolement près du quartier a informé Siamak en morse que les prisonniers étaient emmenés devant une délégation et ensuite exécutés. Le 31 juillet, dans un autre quartier, ils avaient entendu des ambulances faire des allers et retours et déplacer des corps.
Dans les derniers jours de septembre, Nasserian et Hamid Abbasi sont venus au quartier et Nasserian nous a menacés en disant : « Ne pensez pas que les exécutions sont terminées.»

Mahmoud Royaei a déclaré au représentant du bureau du procureur suédois que la publication du fichier audio de Nasserian et Razini par le Conseil national de la Résistance iranienne le 15 novembre 2019 ne laissait aucun doute sur le fait que la personne arrêtée en Suède était Hamid Abbasi (Nouri), l’un des auteurs du massacre. Pour mémoire, M. Royaei a présenté un exemplaire de son livre en cinq volumes, intitulé “Aftabkaran”, détaillant la torture, les exécutions et le massacre.
Concernant la situation des familles des martyrs du massacre et les circonstances de certains d’entre eux à l’époque, il a déclaré :
« Après ma libération, nous nous sommes rendus à la maison du Modjahed Hamid Lajevardi avec le membre de l’OMPI Azad-Ali Hajiloui. La mère de Hamid a appelé les enfants de Hamid et leur a dit : « Venez voir vos oncles. » Les enfants nous ont emmenés, Azad-Ali et moi, dans la chambre de leur grand-père. Dès que je l’ai salué, le père m’a regardé et m’a dit : « Hamid, pourquoi t’ont-ils tué ? » La mère a dit que ce n’était pas Hamid, c’était Mahmoud, l’ami de Hamid. Mais le père n’a pas abandonné. Il a demandé à plusieurs reprises : « Pourquoi t’ont-ils tué ? As-tu escaladé le mur d’une maison qui ne t’appartient pas ? As-tu volé ? Est-ce que tout le monde dans ton quartier ne t’aimait pas? Pourquoi vous ont-ils tué? »

6- Hossein Farsi, emprisonné de 1981 à 1993, a expliqué en détail avoir été battu et blessé par Hamid Nouri, ainsi que les événements dans le couloir de la mort. Il a déclaré :
« J’ai été transféré d’Evine à Gohardacht en février 1988 avec 180 à 190 autres prisonniers. À notre arrivée, les gardes avaient formé un “tunnel” humain, et à notre passage, ils ont commencé à nous battre avec des câbles, des bâtons et des barres de fer. Il faisait très froid lorsque nous avons été emmenés dans le quartier. Ils nous ont forcés à nous déshabiller, puis ils ont recommencé à nous battre avec des câbles, des fouets, des bâtons, des coups de poings et de pied, blessant tout le monde au passage. Hamid Abbasi était également présent et battait tout le monde avec un câble. Quelques jours plus tard, nous avons été conduits au bureau de Davoud Lashkari, le directeur adjoint de la prison. Il nous a interrogés sur notre chef d’accusation et lorsque nous avons dit soutenir les Moudjahidine, ils ont commencé à nous battre intensément en nous demandant de retirer nos paroles et d’utiliser plutôt le terme de « Monafeqine (mot péjoratif du régime pour les Moudjahidine du peuple). Nous avons été battus pour avoir prié en groupe et certains ont été mis à l’isolement. Nasserian, le directeur de la prison, Lashkari, le directeur adjoint, un garde nommé Bayat, le chef de la clinique de la prison, et Hamid Abbasi, le directeur du bureau de Nasserian, étaient là. Parmi les gardiens de salle se trouvaient Faraj, Tabrizi et Shirazi.

Le 30 juillet 1988, à 7 heures du matin, nous avons été conduits dans une salle d’audience. J’étais assis par terre. J’avais frotté mon bandeau pour le rendre un peu plus fin afin de pouvoir voir l’environnement et les gens par dessous. J’ai vu deux gardes avec des fusils Uzi assis devant la porte du tribunal. Je me suis rendu compte que la situation était inhabituelle car il était interdit d’introduire des armes dans la prison.
Le vendredi 12 août, Hamid Abbasi a appelé les noms d’une vingtaine de personnes et les a emmenées pour être exécutées. Hamid Abbasi a ri et a dit « Venez, c’est l’Ashoura des Moudjahidine, l’Ashoura non-stop des Moudjahidine. »
Le 13 août, à 21 heures, Nasserian a lu les noms d’un autre groupe de prisonniers et Abbasi les a emmenés se faire exécuter.

Hossein Farsi a rappelé dans ses remarques :
« Mon frère Hassan Farsi a été exécuté à Evine le 29 juillet (1988). J’ai moi-même été blessé lors de l’explosion terroriste opérée par le régime à la base Habib en Irak en novembre 1999 et j’ai perdu un oeil. En juillet 2009, nous avons été attaqués par des mercenaires de la Force Qods à Achraf (en Irak), et j’ai été pris en otage avec 35 autres personnes. Nous avons fait une grève de la faim de 72 jours, et nous avons failli mourir. Mais rien de tout cela n’a été aussi difficile qu’au moment où j’ai réalisé que beaucoup de mes amis avaient été exécutés et que j’étais toujours en vie. »

7- Mohammad Zand, qui était en prison de 1981 à 1992, a été gravement blessé lors de l’attaque à la roquette sur le camp Liberty [En Irak] le 29 octobre 2015, qui a entraîné le martyre de 24 membres de l’OMPI. Il a d’abord expliqué qu’il devait fréquemment quitter l’interview pendant quelques minutes et qu’il ne voulait pas que cela soit mal compris. Dans son témoignage, il a décrit en détail les motifs du massacre et a expliqué que les prisonniers avaient été longtemps divisés en trois catégories : blanc, jaune et rouge. Fin 1987, ils avaient transféré les prisonniers condamnés à perpétuité à Evine. Ils avaient dit de diverses manières que le régime allait bientôt déterminer le sort de chacun. Mohammad Zand a déclaré :

« J’ai d’abord été interrogé à Evine, puis transféré à Ghezel-Hessar. Au bout de deux ans, j’ai été renvoyé à Evine pour être à nouveau interrogé et torturé. Je suis resté à Evine de novembre 1983 à juin 1985, puis j’ai été transféré à Gohardacht (…)
Le jeudi 28 juillet 1988, nous avons entamé une grève de la faim parce qu’ils avaient interdit les journaux. Nous avons protesté devant le quartier. En conséquence, j’ai été emmené avec dix autres prisonniers et sévèrement battu. Ils m’ont cassé une côte et un orteil. Puis ils nous ont renvoyés dans le quartier.
Le matin du samedi 29 juillet, un gardien a ouvert la porte du quartier et a dit : « les noms que j’appelle doivent sortir rapidement. » Il a lu les noms de 11 personnes, mais au lieu du mien, il a lu celui de mon frère (Reza Zand), ce qui, je pense, n’était dû qu’à la similitude des noms. Je l’ai toujours regretté et j’aurais aimé qu’ils lisent mon nom. Reza m’a dit qu’il ne pensait pas qu’on se reverrait !
Le 3 ou 4 août, nous avons appris en morse de Dariush Hanifeh-Pourziba que le massacre des prisonniers avait commencé. Dariush lui-même a été exécuté pendant cette période. J’ai appris par la suite que Reza et les autres avaient été exécutés le jour-même. Ils avaient tous déclaré être des « Modjahed ». Le nœud du problème se situait au niveau de l’identité (politique) : le mot « Mojahed ». Montazeri, le successeur désigné de Khomeiny à l’époque, a déclaré qu’Ahmad Khomeiny avait dit que même ceux qui lisaient leur journal [de l’OMPI] devaient être exécutés. Quiconque met l’accent sur cette (affiliation politique ou) identité devait être exécuté.
Le 6 août, dans le couloir de la mort, Davoud Lashkari a lu les noms de plusieurs personnes et elles ont été emmenées au Hosseiniyeh, où les exécutions ont eu lieu. Lashkari est ensuite revenu avec Hamid Abbasi, tandis que ce dernier portait un bandeau sur les yeux, appartenant peut-être à l’un des prisonniers qui avaient été exécutés. Au bout d’un moment, Hamid Abbasi a lu une nouvelle liste, et Nasser Mansouri, qui avait le dos cassé et était sur une civière, faisait partie du même groupe qui a été emmené sur le lieu des exécutions.
Les 9 et 13 août, dans le couloir de la mort, j’ai entendu la voix de Hamid Abbasi qui lisait la liste des personnes à exécuter. Le 14 ou le 15 août, Nasserian et Hamid Abbasi ont soudain ouvert la porte de ma cellule et m’ont dit : « Si tu donnes les noms de tes amis qui se sont organisés dans la prison, tu survivras, sinon on va t’exécuter. » J’ai répondu que je ne connaissais personne. À ce moment-là, un gardien ou Nasserian lui-même m’a donné quelques feuilles de papier blanc et un stylo et il est parti. A partir de ce jour, quatre ou cinq gardiens entraient dans ma cellule à l’heure des trois repas pour me battre, puis repartaient. Cela a duré environ deux semaines, puis ils ont abandonné, et bien sûr, je n’ai rien écrit.
En novembre 1988, mon père a été convoqué à la prison d’Evine et on lui a dit de donner la carte d’identité de Reza pour qu’ils puissent lui donner le numéro de tombe de son fils. Mon père a dit qu’il avait la carte d’identité mais qu’il ne la donnerait pas. On lui a dit sous la menace de ne pas organiser de cérémonie, ce que mon père n’a pas accepté. Mon père a été maintenu en prison pendant 2 ou 3 jours et on lui a fait subir un simulacre d’exécution pour l’intimider. En réponse, mon père a dit que « si vous m’exécutez, j’irai voir mon fils » pour ne pas avoir peur de l’exécution. Mon père a été libéré après le simulacre d’exécution, et il est également allé organiser une cérémonie pour Reza.
Fin 1368 (presque février/mars 1989) ou début 1369 (mars/avril 1990), mon frère et ma belle-sœur ont eu droit à une rencontre en personne, qui s’est déroulée au bureau de Nasserian à la prison d’Evine. Là, Nasserian, avec Abbasi assis à côté de lui, a dit à mon frère que s’il n’acceptait pas de révéler l’organisation dans la prison, il serait exécuté. Ils voulaient utiliser mon frère et sa femme pour faire pression sur moi.
Un Mojahed nommé Mojtaba Akhgar m’a dit que Nasserian et Abbasi l’avaient torturé et avait tué Javad Taghavi, après les exécutions. Nasserian leur avait dit que parce qu’ils avaient menti à la commission de la mort, ils avaient été condamnés au fouet. Le premier était Javad Taghavi qui avait été condamné à 160 coups de fouet. Nasserian a infligé 50 à 60 coups de fouet à Javad, puis il a été appelé ailleurs. Nasserian a donné le câble à Hamid Abbasi qui a continué les coups de fouet. Le sang giclait de partout jusqu’à ce que les 160 coups de fouet soient terminés. Puis ce fut le tour de Mojtaba Akhgar. Nasserian a infligé 100 coups de fouet à Mojtaba Akhgar en présence de Hamid Abbasi.

Javad Taghavi a demandé une permission de sortie après les exécutions. A ce moment, il a essayé de reprendre contact avec l’OMPI, mais son contact s’est avéré être un informateur. Il a été arrêté et a disparu et nous n’avons pas obtenu d’autres informations à son sujet. »

8- Majid Saheb Jam, qui a passé dix-sept ans dans les prisons de Khomeiny et Khamenei de 1982 à 1999, a expliqué dans son témoignage que son procès n’avait duré que quelques minutes et qu’il avait été initialement condamné à douze ans de prison. Majid a poursuivi en expliquant comment le régime s’était préparé au massacre et a ajouté :
« Du 30 juillet au 6 août 1988, nous avons progressivement réalisé que les conditions de vie en prison étaient très difficiles. Nous nous sommes souvenus que pendant les premières années de prison, Lajevardi nous disait que « si un jour le régime était sur le point d’être renversé, nous lancerions une grenade dans chaque quartier de la prison ou nous utiliserions des mitraillettes pour tous vous tuer. Ne pensez pas que vous sortirez de prison vivants. »
Le 6 août 1988, les gardiens de la révolution sont venus dans notre quartier et ont appelé mon nom et celui de plusieurs autres personnes. Ils nous ont emmenés dans le couloir de l’ancien bureau du procureur, qui, comme je l’ai découvert plus tard, était appelé le couloir de la mort. Là, j’ai vu que de temps en temps plusieurs prisonniers, dont certains que je connaissais et d’autres que je ne connaissais pas, étaient emmenés à la salle Hosseiniyeh. Hamid Abbasi lisait leurs noms, et ils se tenaient au milieu du couloir. Ils avaient les mains posées sur les épaules du prisonnier de devant et se dirigeaient vers le bout du couloir. Environ une heure plus tard, Hamid Abbasi revenait parfois seul et parfois avec un autre garde. Une fois, il tenait une boîte de bonbons et la distribuait aux autres.
Il a voulu donner un bonbon à l’un des prisonniers assis dans le couloir, mais le prisonnier a rejeté l’offre. J’ai vu l’une des pires scènes de ma vie ce jour-là. Sur une civière de l’autre côté du couloir, un prisonnier nommé Nasser Mansouri a été amené. Il avait la moelle épinière sectionnée. Dans cet état, il a été emmené à la commission de la mort. Il est parti peu après et a été emmené au bout du couloir avec la série de prisonniers suivante. J’ai appris plus tard que tout le monde avait été exécuté. J’ai également été témoin d’une scène plus douloureuse. Un de mes amis, Mohsen Mohammad Baqer, qui est né handicapé, a été exécuté dans les mêmes conditions. Enfant, il avait joué dans un film. Même si je ne savais pas encore exactement ce qui se passait, l’odeur de la mort flottait partout. Une fois, alors que Hamid Abbasi revenait du lieu des exécutions, il nous a montrés du doigt, de façon moqueuse, nous qui étions assis dans le couloir de la mort en disant « la répétition de l’Ashoura des Moudjahidine ».
Le 13 août, j’étais à nouveau dans le couloir de la mort. Il était clair qu’avec le temps, la ruée du régime vers les exécutions s’était intensifiée. C’était comme s’il manquait de temps. Nasserian courait régulièrement dans les couloirs à la hâte. Alors que j’étais dans le couloir de la mort le 13 août, Hamid Abbasi a appelé les noms des prisonniers en groupe et les a emmenés là où ils ont été exécutés.
J’ai vu tout cela se passer par dessous mon bandeau. Dans les premiers jours, le bandeau bloque la vision du prisonnier, mais dans les jours et les années qui suivent, il fait partie de l’uniforme du prisonnier qui constamment avec lui, et progressivement on peut voir par-dessous. Il n’est plus un obstacle majeur à la vision des choses qui vous entourent. J’ai vécu avec un bandeau pendant 17 ans et je m’y suis habitué.
Gholamreza Kiakjouri était l’un de mes amis qui, au départ, n’avait pas revendiqué son soutien (à l’OMPI). Mais quand il a réalisé que l’identité politique des prisonniers et le nom des Moudjahidine étaient en jeu et que le prix à payer était l’exécution, il a dit à la commission de la mort qu’il avait fait une erreur et qu’il est un partisan de l’OMPI. Nayeri (de la commission de la mort) lui a dit : tu avais dit autre chose auparavant. Gholamreza a répondu qu’il avait fait une erreur auparavant et qu’il avait déchiré ses aveux. Dans les minutes où Gholamreza attendait que la nouvelle ligne d’exécution se forme, il a commencé à plaisanter avec ceux qui l’entouraient et ils ont ri à gorge déployée. Hamid Abbasi est arrivé et a donné plusieurs coups de pied à Gholamreza. Gholamreza a protesté en disant : « Pourquoi tu me frappes ? j’i envie de rire. » Il y a trois ans, dans une interview avec Amnesty International, j’ai décrit le jour et les détails de l’exécution de Gholamreza.
Après les exécutions, alors que j’étais condamné à douze ans, une nouvelle plainte a été déposée contre moi. L’accusation était que j’avais contacté un de mes proches et essayé de le convaincre de rejoindre l’OMPI. En 1993, j’ai été condamné à mort sur cette accusation, et j’ai attendu trois ans pour que la sentence de mort soit exécutée. Cette peine a été réduite à la prison à vie en 1996. En 1998, après 16 ans d’emprisonnement, j’ai de nouveau été traduit en justice, et avec une nouvelle condamnation, j’ai finalement été libéré en avril 1999. »
9- Akbar Samadi a été incarcéré dans différentes prisons de 1981 à 1991. En 1986, il a été transféré à la prison de Gohardacht en guise de punition pour avoir affronté les gardiens de la révolution à Ghezel-Hessar. Il a déclaré dans son témoignage :
« Le 30 juillet 1988, alors que nous étions en isolement, nous avons été emmenés dans le couloir de la mort avec plusieurs autres personnes. Lorsque Davoud Lashkari nous a vus, il a commencé à interroger les gardiens sur la raison pour laquelle ils nous avaient amenés là à son insu. Les gardes nous ont ramenés dans le quartier 3, où nous étions déjà allés auparavant. Là, Hassan Ashrafian m’a emmené dans la salle de télévision et m’a dit que Davoud Lashkari et quelques gardes avaient apporté un tas de cordes à la remise et qu’après un certain temps, ils y avaient emmené les prisonniers de la ville de Machad. Puis une ambulance a quitté les lieux. Il semble que ces prisonniers aient été exécutés. Un groupe de prisonniers de l’OMPI avait été transféré de Machad à la prison d’Evine bien avant, puis à Gohardacht en décembre 1987. Ils ont tous été pendus le 30 juillet 1988.
« Le 1er août 1988, Davoud Lashkari est venu dans notre quartier. Il a demandé à toutes les personnes condamnées à 10 ans et plus de sortir. J’ai protesté et lui ai dit que cela faisait seulement deux jours que nous avions été transférés de l’isolement cellulaire ; que se passait-il ? Davoud Lashkari a déclaré : « Ce n’est pas mon ordre, tout le monde doit venir. » Iraj Mesdaghi, qui était assis à ma droite, et moi avons commencé à nous lever. Mais Davoud Lashkari a indiqué à Iraj Mesdaghi : « Tu n’as pas besoin de venir, assieds-toi. » Avant cela aussi, Davoud Lashkari avait essayé de protéger Iraj Mesdaghi. Ensuite, nous, qui étions 60 individus au total, avons été divisés en deux groupes de 30 et envoyés dans une subdivision.
Le 3 août 1988, ils nous ont emmenés dans le couloir de la mort. Il était 15h30. Un des prisonniers qui se trouvait être mon ex-compagnon de cellule était assis à côté de moi. Il avait entendu parler de la nouvelle. Il m’a dit que « le régime a formé une commission de la mort et qu’il mentait quand il l’appelait commission d’amnistie. Tous les prisonniers sont en train d’être exécutés. Ils ont commencé les exécutions le cinquième jour du mois à Evine et ici, à partir du huitième jour du mois. Les prisonniers reçoivent trois formulaires : une procuration, un testament et une lettre à la famille. »
Le Modjahed martyr Mohammad-Reza Shahir-Eftekhari, qui était assis en face de moi, a dit : « La révolution a besoin de sacrifices, et nous devons sacrifier notre sang pour elle. » Le martyr Behzad Fat’h-Zanjani, qui était également présent, a déclaré : « Chaque révolution a eu quelqu’un qui en a porté le poids. Cette fois, ce poids est sur nos épaules. » Ces deux héros ont été pendus ce jour-là … Ce genre d’attitude rendait fous Nasserian, les gardiens de la révolution et le juge de la Charia. Ils étaient accablés par le courage et la bravoure de ces prisonniers. Ils étaient si pressés (d’exécuter) ce jour-là que Hamid Abbasi a exécuté par erreur une personne qui ne figurait pas sur leur liste.
Le 6 août 1988, Nasserian a emmené tout le personnel de la prison de Gohardacht dans la salle d’exécution et s’est assuré que personne n’avait été oublié, y compris les employés de maintenance, le personnel médical et le personnel de cuisine. En fait, il a amené tout le monde dans le couloir de la mort pour les impliquer dans le massacre de l’OMPI. Ils voulaient s’assurer que chacun joue un rôle dans le crime afin de garantir la loyauté et le secret. C’est la même méthode qui avait été utilisée en 1981 pour prouver la loyauté à Khomeiny.
En 1981, j’avais vu Behzad Nabavi, ministre de l’Industrie, Sarhadizadeh, ministre du Travail, et Ahmad Tavakoli dans la prison d’Evine. Ils y avaient été amenés pour participer au peloton d’exécution. Les ministres du régime étaient également impliqués dans les exécutions.
Le 6 août 1988, Abdolreza Akbari-Monfared a été exécuté. C’était un de mes camarades de classe et un adolescent. Il avait été arrêté avant le 20 juin 1981. Il avait été condamné à un an au départ, mais a été détenu jusqu’en 1988 et exécuté le 6 août.
Plusieurs fois, lorsque nous faisions du sport en groupe, une cinquantaine de gardes se tenaient de part et d’autre avec des câbles électriques et formaient un “tunnel” humain. Lorsque nous le traversions, ils nous frappaient avec les câbles et nous emmenaient ensuite dans une pièce sans ventilation. Nous l’avions appelée la chambre à gaz. On y étouffait et on y perdait connaissance. Nous transpirions tellement que cela créait des flaques parterre. Abbasi était l’un de ces gardes notoires qui contrôlaient et dirigeaient la répression et la torture des prisonniers. »

10. Hassan Ashrafian a d’abord expliqué comment il avait été arrêté en 1982 et condamné à douze ans de prison. Il avait été transféré de Ghezel-Hessar à la prison de Gohardacht en 1986. Dans son témoignage, il a déclaré :

« J’ai vu Hamid Abbasi pour la première fois dans le hall 18 du quartier 2 de la prison de Gohardacht en compagnie de Nasserian. Depuis le début de l’année 1987, les prisonniers avaient été classés et déplacés en vue du massacre. Pendant cette période, différents formulaires avaient été placés dans chaque quartier tous les quelques jours, et les prisonniers devaient les remplir et les remettre au gardien de la prison (ce formulaire devait permettre d’identifier les prisonniers). A partir de la fin mai 1988, les journaux et les visites avaient été interdits. Ils avaient également emporté la seule télévision qui se trouvait dans le quartier. Le 30 juillet, en regardant par la fenêtre d’une grande pièce où les sacs et les affaires des prisonniers étaient conservés (nous l’appelions la salle des sacs et le régime l’appelait le Hosseiniyeh, et elle était située au bout du quartier 3, Hall 19), nous avons vu 5 à 6 gardiens de prison qui marchaient avec Davoud Lashkari, avec deux prisonniers afghans en uniforme de prison portant deux brouettes contenant des cordes épaisses. Ils se sont rendus dans un hangar où nous avons appris par la suite que des exécutions avaient eu lieu les 30 et 31 juillet. Deux jours plus tard, nous avons vu deux camions à travers la même fenêtre, dont l’un transportait les corps des prisonniers exécutés. J’ai vu cette scène d’en haut et à une distance maximale de 15 mètres. Après quelques minutes, le camion s’est dirigé vers la porte de sortie de la prison. Un autre camion s’est déplacé vers le lieu de l’exécution pour transporter les corps des autres martyrs.
En janvier 1989, nous étions avec les prisonniers dans la partie inférieure de la prison de Gohardacht. Hamid Abbasi est venu dans notre quartier avec plusieurs gardiens. Les prisonniers ont commencé à se plaindre du manque de produits de première nécessité en prison. Après cette protestation, quand il a vu que nous avions un espace de vie propre et ordonné, il a dit : « Allez et remerciez Dieu que si nous voulions appliquer pleinement la fatwa (décret religieux) de l’imam (Khomeiny), nous aurions exécuté la moitié du peuple iranien. Nous aurions dû exécuter tous ceux qui ont lu un journal de l’OMPI. »

11- Bahman Janat Sadeghi, arrêté le 1er novembre 1980 alors qu’il vendait le journal de l’OMPI à Téhéran et incarcéré à la prison d’Evine, a déclaré dans son témoignage :
« J’ai été condamné à six mois de prison au début du mois de mai 1981. Le procureur était Lajevardi et le juge de la charia, Razini. À ce moment-là, ma peine de six mois de prison était terminée et ils ont dû me libérer. Notez qu’en mai 1981, l’OMPI n’était pas impliquée dans la lutte armée, et mon crime n’était que d’avoir distribué l’hebdomadaire de l’OMPI. Le jour de ma libération, Lajevardi m’a dit : « Engage-toi à ne pas mener d’activité politique, et nous te libérerons ». Mais je n’ai pas pris cet engagement, et j’ai été maintenu en prison pendant six ans jusqu’à la nuit de célébration du Nouvel An persan en 1987. Lajevardi est venu à Gohardacht en décembre 1984 avant de quitter le parquet. Il m’a demandé : « vas-tu faire une interview ? » Je lui ai demandé pourquoi il m’avait gardé en isolement pendant 30 mois ? Il a commencé à m’insulter et m’a dit que même si cela prenait 500 ans, il me briserait et me ferait m’agenouiller.
J’ai entendu le nom d’Abbasi pour la première fois à la prison de Gohardacht lors de l’attaque du quartier des femmes début novembre 1983. Dans la soirée, un groupe de femmes partisanes de l’OMPI, qui avaient été arrêtées avant le 20 juin, ont été attaquées. Comme nous étions situés près de leur quartier, nous avons pu entendre leurs cris pendant trois heures. Au bout de trois jours, j’ai pu parler à l’une des prisonnières, Mahtab, en morse. Elle m’a dit que les gardiens avaient été si violents et ignobles qu’après l’attaque, deux prisonnières s’étaient pendus dans la cellule avec leurs tchadors (voiles). Elle a dit : D’après ce que nous savons jusqu’à présent, Morteza Salehi, dit Sobhi, le directeur de la prison, Majid Halvai, Mostafa Kashani, Majid Qoddousi et Hamid Abbasi, et une tortionnaire nommée Fatemeh Jabbari étaient parmi les agresseurs.
Fin mars 1983, j’ai été transféré de l’isolement à une salle publique avec plusieurs autres prisonniers de l’OMPI. Ils nous ont rassemblés à côté de la salle principale. Un des tortionnaires les plus impitoyables, appelé Fakour, le chef de la branche sept de la prison d’Evine, également connu sous le nom d’Akbar Joujeh Kababi, dont le vrai nom était Ali Akbar Arani, se tenait devant la porte. Il a présenté Abbasi, qui était avec lui, et a dit qu’Abbasi est plus “Fakour” (plus violent) que lui si on insistait sur notre affiliation politique. Abbasi était présent lors de nombreuses visites et harcelait les familles. Une fois, lorsque ma mère est venue me rendre visite, je lui ai parlé dans ma langue maternelle. Abbasi m’a ordonné de parler en farsi. Je lui ai dit que ma mère ne parlait pas bien le farsi. Il m’a insulté et m’a donné un coup de poing au visage. Ma mère s’est évanouie et est tombée par terre de l’autre côté de la vitre. De nombreux prisonniers ont vu Abbasi aux côtés de l’interrogateur qui essayait de faire se repentir les prisonniers.
J’ai été hospitalisé à la clinique médicale de la prison d’Evine en mars 1985. Quatre prisonniers torturés ont été amenés à côté de ma chambre, et j’ai appris par le personnel médical qu’ils étaient dans un état critique. Abbasi était également présent, et bien que les prisonniers étaient dans un état critique, il a continué à les torturer et à les harceler. Il est alors venu me voir et m’a dit : Je vais te faire ressentir ce qu’ils ressentent en ce moment.
Nous avons entamé une grève de la faim début octobre 1986 dans le quartier 3 du centre de formation d’Evine. La quatrième nuit, une équipe dirigée par Majid Halva’i, Ghadirian et Meysam, le directeur de la prison, ainsi que Hamid Abbasi et plusieurs autres, nous ont attaqués avec des câbles et des matraques lourdes. Ils ont exigé la fin à la grève ou les gardiens nous tueraient à coups de câbles. En raison de ma faiblesse physique, ils m’ont cassée une côte et je me suis évanoui. Avant cela, j’avais vu Abbasi frapper les prisonniers à la tête et au corps avec des câbles et des matraques.
La dernière fois que j’ai vu Abbasi, c’était le 14 mars 1989, une semaine avant ma libération, dans la section des empreintes digitales du bureau du procureur de la prison d’Evine. On m’a emmené à la section 13 pour prendre des photos et des empreintes digitales. Abbasi m’a dit : « Ne crois pas que je t’ai oublié. Pour l’instant, quelqu’un d’autre a ordonné ta libération. On ne laissera en vie aucun de ceux qui se maintiennent sur leurs positions. »
12- Gholamreza Jalal a été incarcéré dans diverses prisons de décembre 1980 à 1986. Dans son témoignage, il a expliqué comment des dizaines de prisonniers qui étaient en prison avec lui avaient été arrêtés en 1980. Ils avaient été arrêtés uniquement pour avoir vendu ou distribué des publications de l’OMPI. Ils n’avaient pas été condamnés du tout ou condamnés à un ou deux ans de prison. Ils n’avaient pas été libérés et avaient finalement été exécutés en 1988. Il a présenté une liste de ces martyrs au représentant du procureur. Il a expliqué en détail que le massacre de l’été 1988 avait été planifié de longue date et que les prisonniers avaient été sélectionnés et filtrés au fil du temps.
Gholamreza Jalal a également témoigné en détail sur le sort des prisonniers arrêtés en 1980 et a fourni une liste de leurs noms.
En réponse à la question de Gholamreza Jalal de savoir pourquoi sa demande d’interview avait été retardée d’environ un an, on lui a répondu que la pandémie de coronavirus avait perturbé et ralenti toute la planification, et que le retard était uniquement dû à la pandémie. Il a également reçu des assurances quant à ses préoccupations concernant une éventuelle fuite d’informations. On lui a dit : « Nous comprenons vos préoccupations et les prenons au sérieux. Jusqu’à la fin de l’enquête sur cette affaire, les informations des plaignants et des témoins et de toute personne impliquée dans cette affaire, pour quelque raison que ce soit, resteront confidentielles. »
13- Hossein Seyyed-Ahmadi, dont quatre membres de la famille ont été tués par le régime des mollahs, a déclaré dans son témoignage :
« Mon frère Mohsen Seyyed-Ahmadi, 30 ans, a été arrêté le 29 novembre 1980 avec sept autres sympathisants de l’OMPI pour avoir vendu l’hebdomadaire de l’OMPI à Téhéran et a été condamné à un an de prison. Mais il n’a jamais été libéré et huit ans plus tard, le 30 juillet 1988, il a été exécuté dans l’un des premiers groupes à Gohardacht. Les prisonniers qui, comme Mohsen, avaient été arrêtés en 1980 ont été appelés les “années 80”. Il y avait au moins 100 personnes dans ce groupe qui ont toutes été exécutées sauf une ou deux.
Mon autre frère, Mohammad Seyyed-Ahmadi, 25 ans, a été arrêté en février 1985 et n’a jamais été condamné. En août 1988, il a fait partie d’un des premiers groupes à avoir été exécuté à Evine.
En novembre 1988, ma mère a été informée de se rendre à Evine et a reçu deux sacs contenant les affaires de Mohsen et de Mohammad, qui contenaient plusieurs vêtements qui, bien sûr, n’appartenaient pas à mes frères. Les exécutions avaient été si nombreuses qu’il n’avait même pas été possible de séparer les affaires des prisonniers. Ce n’est pas seulement notre famille qui avait reçu les mauvaises affaires, c’est arrivé à beaucoup d’autres.
Mon frère aîné Ali Seyyed-Ahmadi, qui avait passé trois ans dans les prisons du chah, a également été tué le 1er septembre 2013 lors du massacre d’Achraf avec 51 autres membres de l’OMPI. Les mercenaires du régime ont tiré sur Ali, qui a été blessé et soigné à la clinique d’Achraf. La martyre Fatemeh Abolhassani, l’épouse d’Ali, a été tuée en 1982 lors d’une attaque des gardiens de la révolution contre leur résidence à Téhéran. Ils avaient emmené son jeune fils à la prison d’Evine après la mort de sa mère. Il y est resté quatre ans et il a été atteint de rachitisme. Il a ensuite été envoyé dans un orphelinat. »
14- Seyyed-Jafar Mir-Mohammadi, dont le frère et 5 autres parents ont été tués par le régime des mollahs, a déclaré dans son témoignage :
« Mon frère Aqil Mir-Mohammadi a été arrêté le 1er mars 1982 pour avoir soutenu l’OMPI. Il a été exécuté lors du massacre des prisonniers politiques de l’été 1988. En novembre de cette année-là, ils ont remis à mes parents certains de ses effets personnels, dont une montre-bracelet cassée, ajoutant qu’ils avaient exécuté leur fils sur ordre de Khomeiny. Il avait été condamné à 10 ans de prison, et il en avait purgé sept. En février 1988, après la séparation et le classement des prisonniers, il avait été transféré, avec certains de ses amis, à la prison de Gohardacht à Karadj. À leur arrivée, dans le hall 19, alors qu’il faisait très froid, on leur a retiré leurs vêtements et on les a violemment battus à coups de bâtons en bois et de câbles. Quelques jours plus tard, ils ont été envoyés dans les bâtiments annexes n° 13 et 16.
Selon les témoignages des prisonniers libérés qui avaient été incarcérés avec Aqil, entre les 6 et 8 août 1988, lui et un certain nombre de partisans de l’OMPI ont été conduits à la Commission de la mort par Nasserian et son adjoint, Hamid Abbasi, puis à la salle d’exécution pour être exécutés. Celui qui a appelé en criant les noms des prisonniers dans le couloir de la mort et les a envoyés à l’exécution était Hamid Abbasi. Selon des témoins, il s’agissait d’un groupe d’au moins 25 personnes qui ont été exécutées ensemble.
Le martyr Modjahed Karimollah Moghimi et son frère Kia Moghimi, exécutés lors du massacre de 1988, étaient de ma famille du côté paternel. Les martyres de l’OMPI Roya Rahimi, 16 ans, et son amie Fatemeh Noghreh-Khaja, ont été abattues dans les rues de Ghaemshahr par des gardiens de la révolution en mai 1981 alors qu’elles distribuaient l’hebdomadaire de l’OMPI. Hossein-Ali Hajian, qui a été arrêté à Téhéran en novembre 1982 et torturé à mort, et Yar Ali Hajian, qui a été abattu par les patrouilles de Komiteh à Téhéran, étaient des frères et de ma famille du côté maternel. »

15- Mme Mahnaz Meymanat, dont la mère, le mari et les deux frères ont été tués et dont le troisième frère a disparu après avoir passé quatre ans en prison, a témoigné de l’exécution de son frère Mahmoud Meymanat lors du massacre de 1988. Elle a déclaré :
« Avant Mahmoud, mon frère cadet Massoud Meymanat, qui était étudiant, avait été arrêté à l’âge de 17 ans et exécuté en 1982 après de nombreuses tortures. Mahmoud étudiait l’architecture à l’université Meli et il était connu et populaire parmi les étudiants. Il avait été arrêté en 1982 et libéré en 1986 à l’issue de sa peine. Mais peu de temps après, peut-être un mois ou deux, il a été arrêté à nouveau et exécuté lors du massacre de 1988. J’ai entendu les récits de mon père, de mon frère cadet et de ses compagnons de cellule. Mon père était juge et il avait démissionné après la prise du pouvoir par le régime. Il était devenu avocat. »

Mon père a dit qu’il n’avait pas entendu parler de l’exécution de mon frère Mahmoud pendant le massacre avant septembre 1988. Je l’ai appelé pour avoir des nouvelles. Il m’a dit que les conditions de détention étaient chaotiques et que les familles disaient que leurs enfants avaient été tués. Après cet appel, mon père a suivi la situation de Mahmoud par l’intermédiaire d’Eshraghi, qui était également avocat et connaissait mon père. Il a également mentionné Nayyeri et enfin un gardien de la révolution nommé Hamid Abbasi, qui était impliqué dans les exécutions. Enfin, en octobre 1988, après une longue quête, mon père a été informé que son fils avait été exécuté, mais nous n’avons jamais su où il était enterré. Ils n’ont donné à mon père qu’un petit sac et quelques vêtements en prétendant qu’ils appartenaient à Mahmoud.
En 2009, mon père et mon jeune frère Manouchehr sont venus en France avec beaucoup de difficultés et m’ont rencontrée en privé. Peu après leur retour en Iran, mon frère a été arrêté et a passé plusieurs mois en isolement dans le quartier 209 de la prison d’Evine. Il a été transféré après dans le quartier 350. Le juge Moghiseh l’a ensuite condamné à quatre ans de prison, à l’éloignement dans la ville de Borazjan et à 74 coups de fouet pour m’avoir contactée. J’ai entendu dire à l’époque que mon frère protestait contre les conditions de détention déplorables de la prison. En octobre 2013, on nous a dit qu’il avait été libéré, mais à ce jour, je n’ai aucune nouvelle de lui. Mon père non plus n’a pas reçu de ses nouvelles, jusqu’à ce qu’il décède lui-même. En réalité, je ne sais pas s’il a été tué ou blessé pour qu’il ne me contacte plus. »

16- Mme Mehri Hajinejad, prisonnière politique de 1981 à 1986, est un autre témoin dont les trois frères et le mari ont été tués. Son quatrième frère, Assad Hajinejad, a été empêché de quitter le pays en 1983 pour se faire soigner de son cancer en raison de son soutien à l’OMPI, et il est décédé des suites de ce refus en 1986. Elle a déclaré dans son témoignage :
« J’ai été arrêtée en août 1981 et je suis restée à Evine jusqu’en juin 1985, puis j’ai été transférée à Gohardacht et j’y suis restée environ un mois. En juillet 1985, j’ai été transférée à Ghezel-Hessar. J’ai été transférée à nouveau à Evine en avril 1986 et j’ai été libérée en mai 1986. Mon frère Ahad a été tué en février 1981 à Tajrish lors d’un affrontement avec les gardiens de la révolution. Mon autre frère Samad a été arrêté en août 1982 et torturé à mort. Mon troisième frère, Ali, a été pendu en août 1988 lors du massacre à Gohardacht.
Ali a été arrêté en novembre 1981. Il a d’abord été à Evine, puis transféré à Ghezel-Hessar. Il a disparu du début de l’année 1984 jusqu’en décembre 1984, date à laquelle ma mère l’a retrouvé à la prison de Gohardacht. Mais pendant cette période, partout où ma mère allait, on lui disait qu’il n’y avait pas du tout de trace de ce prisonnier. Lorsque ma mère l’a retrouvé à Gohardacht, il s’est avéré qu’il avait été torturé dans des caches des gardiens de la révolution à Karadj. Ali a dit à ma mère, lors de sa dernière visite au début du printemps 1988, que la situation dans la prison était ambiguë et suspecte. Ils déplaçaient les prisonniers, et en séparaient un certain nombre. Ce qu’ils voulaient faire n’était pas clair. « Nous pourrions ne plus nous revoir », lui avait-il dit.

« Après ma sortie de prison, je suis allée voir Ali deux fois en utilisant la carte d’identité de ma sœur parce qu’ils ne voulaient pas l’autoriser à lui rendre visite. Lors de la rencontre avec Ali, j’ai saisi une petite occasion et j’ai insisté pour qu’il me montre son pied, et j’ai vu de mes propres yeux qu’après une longue période, il y avait encore des traces de torture et de coups de fouet. Il a également toujours eu des maux de tête extrêmes dus aux coups violents qu’il avait reçus sur la tête. Les visites avec mon frère ont été interrompues au printemps 1988. En été, ma mère a appris par d’autres mères qu’ils exécutaient leurs enfants. Chaque jour, elle se rendait à Evine ou à Gohardacht pour trouver une trace de mon frère Ali. Fin septembre ou début octobre, ils ont dit à ma mère de partir car ils lui donneraient plus d’informations dans une quarantaine de jour.
Quarante jours ont passé et avant que ma mère ne parte, un garde est venu à la maison et lui a dit de ne pas aller à Gohardacht le lendemain, car c’était un homme de la famille qui devait y aller. Ma mère a dit : « Vous avez tué mes enfants. Je n’ai plus personne. J’irai moi-même. » Ma mère est allée à Gohardacht avec notre voisin. Trois gardes étaient assis là et ont dit que son fils était un ennemi de la République islamique et qu’ils l’avaient tué. Ma mère a dit qu’il était désormais libéré de la torture du régime et leur a demandé : « Ne craigniez-vous pas Dieu pour avoir tué nos enfants ? Qu’ont-ils fait ? » Les gardes lui ont demandé si elle avait un autre fils. Ma mère a répondu que non, mais qu’elle aurait aimé en avoir un autre pour qu’il puisse se battre contre eux. Les gardes ont alors remis à ma mère un vieux sac de riz qui contenait les affaires de mon frère. Un ensemble de vêtements avec une montre, des lunettes et une corde à pendre. Ma mère s’est évanouie après l’avoir vu et notre voisin lui a pris le sac. Mais les gardes ne se sont pas arrêtés et quand ma mère a ouvert les yeux, ils l’ont avertie de ne pas tenir de cérémonie ! Ma mère était tellement énervée qu’elle a dit qu’elle ne pleurerait pas, et qu’elle tiendrait une cérémonie. Les gardes ont dit qu’elle était aussi une Monafegh (“hypocrite”, terme péjoratif que le régime utilise pour désigner l’OMPI). Ils lui ont dit que si elle dépassait les bornes, ils détruiraient sa maison sur sa tête avec un bulldozer.
Les prisonniers libérés ont dit à ma mère qu’Ali avait été exécuté le 30 ou 31 juillet à Gohardacht. Ils ont dit à ma mère que Nasserian, Abbasi et Lashkari avaient emmené les prisonniers dans le couloir de la mort.
Ma mère est allée en secret en Irak [au camp d’Achraf] à trois reprises et a apporté des photos et des objets tels que des lunettes, des montres et les noms des martyrs du massacre, qui se trouvent dans le musée des martyrs. Elle a toujours mentionné Nasserian, Davoud Lashkari, Bayat, Javad Shesh-Angoshti et Hamid Abbasi comme les assassins de son fils. Elle a dit que de nombreux prisonniers qui avaient été libérés après le massacre, comme Siamak Touba’i, Hamid Mousavi et sa femme Sima, Javad Taghavi et Tayyebeh Hayati, avaient disparu. »

Mme Mehri Hajinejad a fourni au bureau du procureur suédois une série de documents relatifs aux crimes du régime commis dans les prisons et au rôle de Hamid Nouri (Abbasi) par l’intermédiaire du bureau du procureur albanais, en plus d’un exemplaire de son livre « Le dernier sourire de Laila (Mémoires dans les prisons du régime clérical) »

17- Mme Khadijeh Borhani dont les 6 frères (tous membres de l’OMPI) et une belle-sœur ont été tués par le régime clérical et dont le sort de la famille est un symbole des crimes commis par ce régime, a témoigné :
« Le frère aîné de la famille, Mohammad-Mehdi Borhani, était prisonnier politique sous le règne du chah. Il a été arrêté en août 1982 et tué sous la torture à la prison d’Evine. Il avait 27 ans au moment de son martyre. Mohammad-Ali Borhani, 24 ans, a été exécuté à Qazvine en septembre 1981. Son corps a été remis à mon père à la condition qu’il n’y ait pas de funérailles, mais de nombreuses personnes ont assisté à ses funérailles. Deux autres de mes frères, Ahmad Borhani, 27 ans, et Mohammad-Hossein Borhani, 25 ans, ont été exécutés lors du massacre des prisonniers politiques en août 1988, respectivement à Evine et Gohardacht.
Minou Mohammadi, martyre de l’OMPI, épouse de Mohammad-Mehdi Borhani, a été exécutée lors du massacre de prisonniers politiques à Qazvine.
De même, Mohammad-Mofid Borhani a été tué dans l’opération Lumière éternelle et Mohammad-Hassan Borhani dans l’opération Chelcheragh. »
Mme Khadijeh Borhani, la seule survivante de sa famille, a été arrêtée en 1981 à l’âge de 12 ans et a été libérée sous caution importante par son père huit mois plus tard. Le père de cette famille, M. Seyyed Abolghasem Borhani, était un éminent religieux et militant qui s’est opposé à Khomeiny et à sa politique réactionnaire dès le début. C’est pour cette raison que Khomeiny l’a défroqué.
Khadijeh Borhani a expliqué la manière dont Mohammad-Hossein a été tué dans la prison de Gohardacht et le rôle du bourreau Hamid Abbasi, comme cela a été publié dans le livre « Le massacre des prisonniers politiques en 1989 ». Elle a ajouté : « Après de nombreux suivis, ils n’ont donné à mes parents que la montre-bracelet que Mohammad-Hossein portait au moment de son exécution. »
18- Dans son témoignage, Parvin Poureghbal, membre de l’OMPI, a déclaré :
« J’ai été arrêtée en 1981 à l’âge de 15 ans. Ma mère a également été arrêtée à la même époque. J’ai été torturée et soumise à un simulacre d’exécution (…) J’ai été arrêtée de nouveau en 1986 alors que j’essayais de rejoindre l’Armée de libération. Lors d’un procès de cinq minutes, Mobasheri m’a condamnée à cinq ans de prison. Parfois, Hamid Abbasi et Haddad (Zare Dehnavi), Moghiseh et Sarlak venaient à la prison et nous demandaient si nous sympathisions toujours avec l’OMPI. Ils faisaient pression sur nous pour que l’on dise “hypocrites” au lieu de “Moudjahidine”. Abbasi était celui qui avait torturé Ashraf Fada’i et Monireh Abedini, des membres de l’OMPI. »
Parvin Poureghbal, membre de l’OMPI, a protesté contre le fait qu’un mercenaire nommé Iraj Mesdaghi prétende que le bureau du procureur suédois interrogeait l’OMPI en Albanie à sa demande. Le représentant du procureur a expliqué que l’affaire était examinée à la demande du bureau du procureur suédois et de la police suédoise, et que toute autre personne prétendant poursuivre l’affaire mentait.

19- Dans son témoignage, la Dr Khadijeh Ashtiani, membre de l’OMPI, incarcérée de mai 1982 à fin 1985, a déclaré :

« J’ai vu Hamid Abbasi sans bandeau à plusieurs reprises lors des visites de ma famille à la prison de Ghezel-Hessar. En fait, il accompagnait toujours Moghiseh comme son ombre.
Une fois, ma mère m’a rendu visite en prison et a essayé de me dire quelque chose discrètement en utilisant des expressions faciales. Moghiseh a pris ma mère à part et l’a poussée contre un mur et lui a demandé ce qu’elle essayait de me communiquer.
Mon frère, le martyr Mehdi Ashtiani, membre de l’OMPI, avait 19 ans lorsqu’il a été arrêté en 1984 et condamné à 8 ans de prison. Je ne l’ai vu qu’une seule fois au parloir en mars 1985, à travers la vitre et en lui parlant au téléphone. Mehdi a été emmené à la prison de Gohardacht en 1986. En juin 1988, Moghiseh, Nouri (Abbasi) et le reste des gardiens de la révolution ont séparé plus de 120 prisonniers et les ont transférés de la prison de Gohardacht à la prison d’Evine. Nous avons immédiatement entendu dire que ces prisonniers avaient été emmenés à Evine pour y être exécutés, mais nous ne voulions pas le croire.
Lors de sa dernière visite avant son exécution, Mehdi a dit à ma mère qu’ils avaient retiré la télévision de leur salle depuis deux jours, qu’ils ne leur avaient pas donné de journaux et que la situation alimentaire était désastreuse. On a dit à certains prisonniers que puisqu’ils allaient tous être exécutés, il n’était pas nécessaire de les nourrir. Mehdi a ajouté : “C’est sûr, si nous devons être exécutés, nous accueillerons notre sort à bras ouverts, alors dites à tout le monde de me bénir et de me pardonner…”.
Plus tard, les visites des prisonniers politiques dans tout l’Iran ont été complètement arrêtées. Mais nous étions toujours présentes devant la prison d’Evine. Parfois, un garde venait lire les noms de plusieurs détenus et disait qu’ils avaient été exécutés, qu’il fallait aller retirer leurs sacs. L’une des victimes était le martyr Massoud Moqbeli, membre de l’OMPI, dont le père était le célèbre artiste Ezatollah Moqbeli, qui est mort d’une attaque cérébrale à la suite de l’exécution de son fils.
Le 17 novembre 1988, les gardiens de la révolution sont venus chez nous et ont dit à ma mère qu’ils avaient exécuté Mehdi et qu’il fallait aller le lendemain au Comité de Téhéran-Pars pour y prendre ses affaires. Nous sommes allés au Comité de Téhéran-Pars. Mon frère est entré et a pris le sac de Mehdi.
En 1990, ma soeur Maryam et moi avons décidé de rejoindre l’OMPI, mais nous avons été arrêtées. J’ai été emprisonnée pendant un an et j’ai subi des pressions et des tortures. Ma soeur Maryam a contacté l’organisation après sa libération et a voulu quitter à nouveau le pays. Le 2 octobre 1992, elle a quitté la maison et n’est jamais revenue, et nous étions sûrs qu’elle avait été arrêtée. Nous sommes allés dans différentes prisons pour la rechercher. Devant la prison d’Evine, on a dit à ma mère que Maryam avait été arrêtée, mais malgré tous ses efforts, ils ne lui ont pas permis de la voir. Finalement, ils l’ont renvoyée vers la police scientifique. Mais là non plus nous n’avons pas pu la trouver. Ma mère est retournée à la prison et leur a demandé où se trouvait ma sœur. Ils ont tout nié, disant qu’ils ne l’avaient pas arrêtée. À partir de ce moment, ma mère a cherché partout tout au long des semaines pour trouver Maryam, mais tout le monde a prétendu ne pas savoir où elle se trouvait. Finalement, en septembre 1993, Abbasi a dit à ma mère que ma soeur voulait rejoindre les Moudjahidine, “alors nous l’avons tuée”.

20- L’opération de renseignement « multidimensionnelle » menée par les mollahs dans le cas de Hamid Abbasi par l’intermédiaire du mercenaire Iraj Mesdaghi a été mentionnée par plusieurs plaignants et témoins :
– Asghar Mehdizadeh a déclaré dans son témoignage : « En 1983, j’étais dans le quartier 19 de la prison de Gohardacht avec Iraj Mesdaghi. Les conditions carcérales ont commencé à devenir difficiles et insupportables. Un jour, Iraj Mesdaghi a été sorti du quartier et il est revenu quelques heures après. Les gardiens et Sobhi, le responsable de la prison, ont installé une table. Mesdaghi s’est assis derrière la table. Il s’est mis à dénigrer l’OMPI et a déclaré qu’il s’était engagé à respecter toutes les règles de la prison. À plusieurs reprises, il a été sorti de la prison pour revenir quelques heures plus tard.
– Akbar Samadi a déclaré dans son témoignage : « Le 1er août 1988, Davoud Lashkari est venu dans notre quartier et a demandé à tous les prisonniers condamnés à dix ans de prison ou plus de se présenter. Iraj Mesdaghi était assis à ma droite. Alors qu’il se levait, un gardien lui a dit qu’il n’avait pas besoin de s’avancer et qu’il pouvait se rasseoir. Davoud Lashkari s’est adressé à lui en disant “monsieur”. »
– Mahmoud Royaei a souligné qu’il n’avait pas vu Iraj Mesdaghi être battu ou torturé de la même manière que les autres partisans de l’OMPI.
– Hossein Farsi, en se référant au tweet d’Iraj Mesdaghi du 25 septembre 2020, a mis en avant une autre facette de l’opération de renseignement des mollahs visant à ternir le Mouvement pour la justice pour le massacre de 1988 en Iran. Cet agent a stupidement tweeté : “À la demande répétée de nos principaux plaignants, la police suédoise se rend en Albanie pour enquêter”. Le représentant du procureur a déclaré que l’affaire et les mesures adoptées ne sont entre les mains que de la justice suédoise.
– Mohammad Zand et Majid Sahib-Jame ont cité le contexte et la déclaration du 15 novembre 2019 de la Commission de sécurité et du contre-terrorisme du Conseil national de la Résistance iranienne, ainsi que les cassettes audio de Moghiseh et Razini, pour montrer que si l’agent du régime voulait faire croire que l’arrestation de Hamid Abbasi était une surprise totale, il s’est avéré que Moghiseh savait déjà qu’Abbasi allait être arrêté pendant ce voyage. Sa voix enregistrée dit que le pilote iranien et la femme divorcée avaient informé le tribunal suédois, les services de renseignements et la police des visites de Hamid Abbasi dans le pays. Mais dans le cadre du scénario concocté par le ministère du renseignement du régime iranien, Mesdaghi voulait faire croire que le dossier Abbasi était totalement inconnu de la justice, des services de renseignement ou de la police suédoise.

21- Les témoignages des Moudjahidine du peuple à Achraf-3 sur le massacre des prisonniers politiques et le rôle de Hamid Nouri (Abbasi), qui ont été déposé durant dix jours, s’inscrivent dans le cadre d’observations d’un certain nombre de membres de l’OMPI ayant été témoins ou victimes du massacre, soit eux-mêmes, soit les membres de leur famille. Ils étaient prisonniers politiques en 1988. Le champ des témoignages se limite essentiellement à la prison de Gohardacht, et son sujet Hamid Nouri n’est qu’un des milliers de meurtriers et de tortionnaires de ce régime opérant depuis 42 ans.

Ces témoignages concernent principalement la prison de Gohardacht et en partie la prison d’Evine. Ils sont fournis par des survivants du massacre dans ces deux centres de torture. Mais il y avait de nombreuses autres prisons en Iran où tous les prisonniers ont été massacrés, sans un seul survivant pour raconter la cruauté de ce régime. Si l’on considère les dimensions de ce qui s’est passé dans toutes les prisons au cours de ces mois-là, tant à Téhéran qu’en province, il ne fait aucun doute que le massacre de 1988 est le plus grand crime politique commis depuis la Seconde Guerre mondiale. Un crime dont les auteurs sont toujours au sommet du pouvoir dans notre pays occupé.

22- Il ne fait aucun doute que, selon toutes les normes, Hamid Nouri (Abbasi) a commis des crimes contre l’humanité et qu’il doit en être tenu responsable. En même temps, il est certain que des personnalités beaucoup plus haut placées que Nouri, y compris des criminels tels que Hossein Ali Nayyeri, Mostafa Pour-Mohammadi, Ali Mobasheri, Gholam-Hossein Ejei, Ismail Shoushtari, Morteza Eshraghi, et de nombreux autres mollahs et membres des pasdarans sont également responsables du massacre et méritent d’être punis. Il est clair que les dirigeants passés et présents du régime, en particulier le guide suprême des mollahs Ali Khamenei, son président Hassan Rouhani, et d’autres, portent la plus grande part de responsabilité dans le massacre de 1988, les exécutions qui ont eu lieu après le 20 juin 1981 et le meurtre de jeunes insurgés lors du soulèvement de novembre 2019. En fait, il n’y a pas un seul dirigeant du régime qui ne soit impliqué dans la souffrance du peuple iranien sous une forme ou sous une autre ou qui n’ait commis de crimes contre l’humanité.

Maryam Rajavi: The 1988 massacre is tied to Iran’s freedom and future

23- Il ne fait aucun doute que le régime tente de protéger ses bourreaux de la justice en procédant à des prises d’otages, en se livrant à du chantage et en offrant des incitations commerciales et politiques. Depuis 40 ans, les mollahs commettent des crimes terroristes dans divers pays, ils prennent en otage des ressortissants européens et américains ou des personnes ayant une double nationalité en échange de leurs terroristes et agents emprisonnés. Cette politique de complaisance a amené le régime à poursuivre son traitement criminel et honteux des personnes innocentes. Simultanément au procès d’Assadollah Assadi, le diplomate terroriste des mollahs en Belgique, il a soudain été annoncé que la condamnation à mort du Dr Ahmad Reza Jalali, qui avait été confirmée par la Cour suprême des mollahs il y a trois ans, serait bientôt appliquée. Interrogé sur les ressortissants étrangers retenus en otage en Iran, Mohammad-Javad Zarif, le ministre des affaires étrangères des mollahs, a répondu de manière ridicule que le pouvoir judiciaire en Iran est indépendant. Pourtant, le 4 décembre, il a déclaré sans ambages : « L’Iran a mis sur la table plusieurs propositions concernant l’échange de prisonniers. Cet échange se fera chaque fois qu’il y aura une possibilité. Nous participerons à ce processus. Il sera bénéfique pour tous. »

Iran's diplomat & the largest terror plot in Europe. What was Assadollah Assadi's role

24- La commission judiciaire du Conseil national de la Résistance iranienne met en garde contre le fait que soustraire Hamid Abbasi à la justice sous n’importe quel prétexte, est un acte contraire à la justice et un signe clair qui encourage le régime à davantage d’effusions de sang et de terrorisme. Il s’agit d’un test important pour l’Union européenne et ses États membres afin de respecter leurs engagements vis-à-vis des valeurs démocratiques et des principes universels des droits humains. Seule une politique de fermeté contre la dictature religieuse peut mettre fin au commerce de vies humaines et du sang innocent auquel se livre le régime iranien. Faire preuve de flexibilité ou de concessions envers ce régime l’encourage à poursuivre ses activités criminelles. La commission judiciaire du CNRI met en garde contre le chantage et toute pression ou machination politique du régime contre la Suède.

25- Comme dans le cas du diplomate terroriste et des mercenaires en Belgique, la Résistance iranienne fait tout son possible pour faire traduire les criminels en justice dans le monde et les pays européens. Cependant nous ne doutons pas que le futur système judiciaire iranien, qui sera établi sur les ruines du système criminel de la dictature religieuse et qui sera conforme à toutes les normes juridiques internationalement reconnues, soit la seule réponse réelle et historique à ces crimes innommables. Ce jour-là, les véritables dimensions des crimes des mollahs et de l’oppression et les sacrifices du peuple iranien seront révélées au monde entier et à l’histoire.

Commission judiciaire du Conseil national de la Résistance iranienne
Le 15 décembre 2020

 

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