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vendredi 20 août 2021

L’acquittement par l’Iran d’un procureur anciennement condamné est une déclaration flagrante d’impunité

 La Cour suprême iranienne a récemment annulé le verdict de culpabilité qui avait été rendu par une juridiction inférieure en 2017 à l’encontre de Saeed Mortazavi. L’ancien procureur de Téhéran avait déjà purgé 17 mois de sa peine de deux ans et avait été libéré en septembre 2019. Il n’y a jamais eu d’indication qu’il risquait d’autres poursuites judiciaires à l’intérieur de l’Iran, malgré le fait que ces poursuites découlaient de la mort de trois personnes qui ont été vicieusement torturées dans sa juridiction après les manifestations de 2009.

Plusieurs appels ont toutefois été lancés aux autorités occidentales pour qu’elles l’arrêtent lorsqu’il voyage hors d’Iran, ne serait-ce que parce qu’il est également responsable de la mort sous la torture, en 2003, de la photojournaliste irano-canadienne Zahra Kazemi.

L’annonce de la Cour suprême peut facilement être considérée comme un exemple du fait que le régime iranien repousse les exigences d’une plus grande responsabilité. En outre, en effaçant le casier judiciaire de Mortazavi, la Cour lui a potentiellement ouvert la porte pour qu’il reprenne un rôle similaire à celui qui lui a permis de superviser quatre cas très médiatisés de torture mortelle et probablement beaucoup d’autres qui n’ont pas été aussi largement rapportés. Il n’y a, en fait, aucune autre explication crédible pour que le régime prenne cette mesure à l’heure actuelle.

How the Islamic Revolutionary Guards Corps IRGC plunders Iran’s economy  https://youtu.be/dHjy6OWnrvo

L’annulation de la condamnation de Mortazavi n’a guère d’utilité pratique puisqu’il a purgé sa peine près de deux ans plus tôt. La valeur de cette décision pour Téhéran es
t vraisemblablement symbolique, et la communauté internationale devrait prêter une attention particulière à ce symbolisme et reconnaître ainsi l’impossibilité d’une réforme intérieure sous le régime actuel de l’Iran.

Ce message a déjà été transmis en juin lorsqu’il a été confirmé qu’Ebrahim Raïssi serait le nouveau président iranien. Raïssi est connu pour avoir joué un rôle de premier plan dans le massacre des prisonniers politiques en 1988, qui a fait plus de 30 000 victimes dans tout le pays. Plus récemment, alors qu’il occupait le poste de chef du pouvoir judiciaire après avoir été nommé par le Guide Suprême du régime, Raïssi a également supervisé certains aspects de l’une des pires répressions des mollahs contre la dissidence depuis l’époque de ce massacre.

Un rapport d’Amnesty International de 2020, intitulé « Trampling Humanity » (Humanité baffouée), expliquait que les participants à un soulèvement de novembre 2019 avaient été systématiquement torturés pendant plusieurs mois, aux mains des autorités soumis aux ordres de Raïssi.

Le Conseil national de la Résistance iranienne a également indiqué que quelques jours après le déclenchement des troubles, les forces de sécurité et le Corps des gardiens de la révolution islamique (pasdaran) ont tué 1 500 personnes lors de fusillades éparses à travers tout le pays.

Les crimes et les abus de Raïssi, tant historiques que récents, ont entraîné une condamnation générale de sa nomination à la présidence, qui, sans surprise, a été ignorée par Téhéran.

Au lendemain de la parodie d’élection présidentielle en Iran, le Secrétaire général d’Amnesty International a déclaré dans un communiqué : « Le fait qu’Ebrahim Raïssi ait accédé à la présidence au lieu de faire l’objet d’une enquête pour les crimes contre l’humanité que sont le meurtre, la disparition forcée et la torture est un sinistre rappel que l’impunité règne en maître en Iran. »

Le mois suivant, lors d’un sommet virtuel de trois jours consacré aux affaires iraniennes, les responsables du CNRI ont réitéré leurs appels de longue date en faveur d’une enquête internationale officielle sur le massacre de 1988.

Des partisans politiques du monde occidental se sont joints au CNRI pour observer que la promotion de Raïssi, ainsi que l’impunité qui la sous-tend, rendait une telle enquête encore plus urgente qu’elle ne l’était déjà. Bien que Mortazavi ne soit pas connu pour avoir joué un rôle de haut niveau dans le massacre de 1988, la dernière manifestation de soutien du régime à son égard est un autre signe clair que Téhéran continuera à défier ouvertement le tollé mondial et les normes fondamentales en matière de Droits de l’Homme, à moins d’y être contraint par la menace crédible de conséquences politiques et économiques importantes.

Malheureusement, les dirigeants de l’Union européenne et la plupart de ses États membres ont jusqu’à présent refusé de faire peser ces menaces sur le régime. Au contraire, ils sont restés largement concentrés sur la possible restauration de l’accord nucléaire iranien de 2015 (JCPOA), même si Téhéran a fait des demandes excessives et inébranlables lors des négociations à Vienne avant « la sélection » de Raïssi, puis a apparemment rejeté ces négociations alors que la transition présidentielle était en cours.

Ce nouveau durcissement de la position du régime dans le monde est un exemple du changement de ligne radicale qui était largement anticipé après qu’il soit devenu clair que le Guide Suprême des mollahs, Ali Khamenei, avait l’intention d’organiser la victoire de Raïssi et de consolider le pouvoir parmi ses principaux fidèles, dont beaucoup sont connus pour leurs violations des Droits de l’Homme.

Parmi les autres bénéficiaires de ce plan, citons Gholamhossein Mohseni Ejei, qui a été rapidement nommé à la tête du pouvoir judiciaire avant l’investiture de Raïssi. Aujourd’hui, Mortazavi pourrait également être réinstallé à un poste de haut niveau, en supposant que le régime soit suffisamment confiant dans sa capacité à aider les chefs du pouvoir judiciaire et du pouvoir exécutif à faciliter les mesures de répression qui se profilent très probablement à l’horizon.

Le plan de Khamenei souligne le fait que le régime n’a pas d’alternative à la répression violente lorsqu’il s’agit d’étouffer la dissidence intérieure qui s’est intensifiée ces dernières années. Le soulèvement de novembre 2019 était le deuxième du genre en moins de deux ans, et même après la mort de 1 500 manifestants, le peuple iranien a fait preuve d’une remarquable résilience en prenant d’assaut la rue en janvier 2020, pour protester contre la tentative de dissimulation d’un tir de missile qui a abattu un avion de ligne, et scander une fois de plus « à bas le dictateur ».

Bien que l’agitation soit restée relativement faible pendant les premiers mois de la pandémie de coronavirus, la présidente élue du CNRI, Mme Maryam Radjavi, a évoqué les affrontements entre civils et forces de sécurité dans la province du Sistan et du Baloutchistan pour suggérer que le « feu des soulèvements » se réveillait au début de 2021. Ce sentiment a été renforcé à l’approche de l’élection présidentielle, au cours de laquelle les militants de l’OMPI ont fait la promotion d’un boycott des scrutins comme moyen de « voter pour un changement de régime. » Même selon les estimations officielles de Téhéran, la majorité du peuple iranien a boycotté cette élection, et le CNRI rapporte que le taux de participation réel était inférieur à dix pourcent.

Depuis l’entrée en fonction de Raïssi, les manifestations publiques se sont étendues, tant sur le plan géographique que sur le plan des messages. Alors qu’un plusieurs de ces manifestations se sont concentrées sur des problèmes spécifiques tels que les pannes d’électricité et les pénuries d’eau, elles ont de plus en plus été marquées par le type de slogans antigouvernementaux qui ont défini les soulèvements de janvier 2018 et de novembre 2019, y compris la simple déclaration « Nous ne voulons pas de ce régime. »

Si l’Union européenne reste déterminée à rétablir l’accord nucléaire et à préserver le statu quo à l’égard de Téhéran, elle fermera très probablement les yeux sur ces revendications civiles de liberté et de démocratie, ainsi que sur la réponse répressive qui émanera certainement de Téhéran. Avec l’acquittement de Mortazavi, il est plus évident que jamais que les auteurs de violations des Droits de l’Homme ne subiront jamais des peines graves en Iran. Rien ne peut donc dissuader les responsables ou les forces de sécurité iraniens de tuer des manifestants antigouvernementaux dans la rue, de les torturer dans les prisons du régime ou de les exécuter à l’issue de procès inéquitables, à moins qu’il ne soit clair qu’ils risquent des représailles financières et juridiques aux mains de puissances étrangères, y compris des poursuites devant la Cour pénale internationale.

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