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samedi 5 février 2022

« Les gardes battait les prisonniers trois fois par jour avant de leur donner à manger » : le témoignage d’un ex-prisonnier au procès de Noury

 «Chaque jour, lorsque les gardiens ouvraient les cellules d’isolement, ils se mettaient à frapper les prisonniers de l’OMPI», a témoigné Rahman Darkeshideh lors du procès d’Hamid Noury, procureur adjoint de la tristement célèbre prison de Gohardasht (ouest de Téhéran), où des milliers de prisonniers politiques ont été massacrés en 1988.

Noury, un responsable pénitentiaire iranien, a été arrêté en 2019 en Suède. Son procès a commencé en 2020 et des dizaines de survivants du génocide de 1988 ont partagé des récits poignants sur ces jours terribles, principalement à la prison de Gohardahst, où travaillait Noury.

Sur la base d’une fatwa du fondateur du régime, Rouhollah Khomeiny, les « commissions de la mort » ont envoyé des milliers de prisonniers à la potence après que les victimes ont refusé de désavouer leur conviction pour les idéaux des Moudjahidine du peuple (OMPI/MEK). Le président du régime iranien, Ebrahim Raïssi, était membre de la « Commission de la mort » de Téhéran.

Darkeshideh, un marxiste, a passé huit ans en prison de 1980 à 1989. Selon Darkeshideh, Noury avait activement participé aux crimes du régime des mollahs depuis 1979. Il convient de noter que Noury avait reconnu son rôle dans le massacre des Kurdes d’Iran quelques mois après la révolution de 1979. Il a gravi les échelons du régime et est devenu responsable pénitentiaire dans les années 80.

« J’ai été à l’isolement pendant un certain temps. Trois fois par jour, lorsque les gardes apportaient de la nourriture, ils ouvraient les portes de près de 38 cellules et commençaient à battre les détenus avant de donner de la nourriture. Ils évitaient généralement de nous battre puisque nous étions marxistes. Mais ils battaient sauvagement les partisans de l’OMPI », a déclaré Darkeshideh.

Darkeshideh a également partagé ses récits déchirants du massacre de 1988 dans la prison de Gohardahst. « Ils m’ont emmené au tribunal, c-à-d la commission de la mort. On a enlevé mon bandeau et j’ai vu un groupe de quatre individus assis là devant moi », a-t-il déclaré. « J’ai regardé [Hossein Ali] Nayeri et [Morteza] Eshraqi que je connaissais. Il y avait deux autres personnes que je ne reconnaissais pas. »

« Nous avions entendu parler des exécutions des partisans de l’OMPI. Nous avions entendu dire qu’une fois que quelqu’un avait dit qu’il soutenait l’OMPI ou « l’organisation », cela suffisait pour la commission de le condamner à mort », a témoigné Darkeshideh, qui avait été un voisin de Noury auparavant.

« Mais ils avaient une autre question à nous poser. Ils se sont enquis de notre religion. Après m’avoir posé quelques questions générales, [Nayeri] m’a posé des questions sur ma religion. J’ai dit que je n’en avais pas. Il a dit quoi? Vous n’êtes pas musulman? J’ai dit non. Puis, il a demandé, ‘depuis quand tu es devenu comme ça’ ».

Darkeshideh a ajouté que Mohammad Moghiseh, alias Nasserian, le patron de Noury, est soudainement entré dans la pièce et a dit à la commission que Darkeshideh avait été en prison sous un autre nom. « Nasserian ne me connaissait pas. Il venait d’arriver à la prison de Gohardasht. Mais quelqu’un d’autre me connaissait bien, et c’était Hamid Abbasi [Noury]. Il l’avait dit à Nasserian, et comme il ne voulait pas que je le voie, Nasserian est venu dans la pièce », a déclaré Darkeshideh. « [Noury] voulait vraiment que je sois pendu », a-t-il ajouté.

« Nayeri m’a dit que ‘soit tu deviens musulman, soit j’applique l’ordre de Dieu à ton sujet». Ils m’ont fait sortir de la pièce et m’ont remis à un garde. Une fois que Darkeshideh a dit au garde qu’il avait dit à la commission qu’il n’était pas musulman, le garde l’a emmené dans un endroit désigné pour les prisonniers marxistes. Beaucoup d’entre eux ont ensuite été exécutés.

Darkeshideh était un soi-disant « Melikesh », un mot qui signifie que le prisonnier a purgé la totalité de sa peine mais le régime refusait toujours de les libérer. Le régime a exécuté de nombreux prisonniers «Melikesh» de l’OMPI.

« Abbas Raisi était un Melikesh et il a été pendu à la prison de Gohardasht. Nous étions ensemble à la prison d’Evine, dans le quartier numéro quatre. Je connais aussi Manochehr Rezaï ; il était un partisan de l’OMPI. Il a été exécuté à Gohardasht », a déclaré Darkeshideh au procureur suédois.

« Ils avaient amené tous les prisonniers Melikesh à Gohardasht. Comme je l’ai entendu et sur la base de preuves, seul Saman Rahimi, qui a été arrêté en 1980, a survécu parmi tous ces prisonniers », a-t-il déclaré.

Simultanément à la session du tribunal, les partisans de l’OMPI et les membres des familles des martyrs de 1988 ont poursuivi leur manifestation devant le palais de justice à Stockholm. Ils ont appelé à la justice pour les victimes et ont exhorté la communauté internationale à tenir des criminels comme Raïssi responsables de leur rôle dans ces crimes contre l’humanité.

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