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mercredi 9 mars 2022

Annalisa Ciampi : Le massacre de 1988 en Iran appelle une responsabilité pénale individuelle internationale

 CSDHI – S’exprimant sur le massacre de 1988 en Iran, la juge Analisa Ciampi, a estimé que cela appelle une responsabilité pénale individuelle internationale.

Cette haute magistrate de la Cour européenne des droits de l’homme et ancienne rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association, s’exprimait sur les exécutions extrajudiciaires de 30.000 prisonniers politiques en Iran durant l’été 1988. Ils appartenaient dans leur immense majorité à l’organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran, l’opposition démocratique.

Elle s’exprimait en ligne dans une conférence organisée le 28 février 2022 en marge de l’ouverture du Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève.

Je parle à titre personnel et aussi en tant que l’une des cosignataires de la lettre qui a été adressée en janvier de cette année aux membres et aux observateurs du Conseil des droits de l’homme, demandant une enquête internationale sur ce massacre qui a été rappelé par le premier orateur. Le décret [du massacre] est connu. Nous connaissons certains des noms des victimes, nous connaissons certains des noms des auteurs, et nous savons si nous voulons qualifier ces faits de crimes contre l’humanité ou de génocide.

Responsabilité pénale

Ce sont des crimes judiciaires et ils appellent une responsabilité pénale individuelle internationale, quelle que soit la qualité officielle, y compris donc de chef d’État, le chef d’État actuel, le chef du pouvoir judiciaire et d’autres responsables. C’est le principe, mais la réalité est ensuite difficile. Il serait en effet difficile de traduire les auteurs de ces crimes devant la Cour pénale internationale à l’heure actuelle. Il ne semble pas que la perspective actuelle soit de pouvoir établir et adopter des tribunaux ou des tribunaux hybrides, pour demander à nouveau des comptes devant les tribunaux nationaux iraniens.

Oui, il existe une compétence universelle. Il est possible d’avoir une responsabilité nationale devant d’autres cours et tribunaux dans le monde. À ma connaissance, il y a une poursuite pénale en Suède à l’heure où nous parlons.

Alors, quoi d’autre ? Le droit pénal international ne semble pas être une option viable aujourd’hui, mais les droits de l’homme sont une option maintenant. Le droit international des droits de l’homme, la doctrine de l’observation positive, qui n’est pas un principe mais une pratique, impose des enquêtes. Donc, j’en viens à l’appel au Conseil des droits de l’homme dans deux semaines.

Comment procéder ?

Dans le rapport de l’actuel rapporteur spécial sur l’Iran, on trouve déjà un appel à rendre des comptes sur les massacres, car il s’agit de violations continues qui se poursuivent encore aujourd’hui. Quelles sont les options qui s’offrent à l’annulation des droits de l’homme ? Comment cet appel à la responsabilité pourrait-il être mis en œuvre ? Que doivent faire les Etats membres ? Que leur demandons-nous de faire ? Plusieurs options sont ouvertes, et plusieurs options ont été utilisées dans la pratique d’un Conseil des droits de l’homme. La réponse la plus forte serait de mettre en place une Commission d’enquête comme pour le Burundi, par exemple.

Mais d’autres options, si elles sont politiquement disponibles et réalisables, devraient être poursuivies. Une mission d’enquête ou un groupe d’experts. Récemment, les États membres de l’UE ont été à l’avant-garde au Conseil des droits de l’homme dans la mise en place d’un groupe d’experts en Éthiopie. Mon objectif et mes vœux sont donc que les États membres fassent preuve de cette volonté politique derrière l’appel que le rapporteur spécial leur lancera dans quelques semaines.

Appel au conseil des droits de l’homme de l’ONU

L’appel est un appel à la responsabilité, mais c’est aussi et surtout, c’est ma conviction la plus forte, aux fins de la prévention des violations en cours et des violations futures aussi, l’orateur précédent a déjà décodé les manifestations de 2019 et encore une fois, une répétition par les autorités iraniennes de violations majeures du droit pénal international et du droit des droits humains. Nous avons vu une répression des manifestations qui était aussi grave que celle de 1988. Nous voulons demander une enquête et l’obligation de rendre des comptes. C’est pourquoi nous avons demandé aux États membres de mettre cette volonté politique pour ce qui est arrivé en 1988, pour ce qui est arrivé à nouveau en 2019, pour ce qui est toujours en cours.

Car tant qu’il n’y aura pas d’enquête et que les victimes n’auront pas droit à la vérité, ces violations et ces crimes judiciaires se poursuivront. 

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