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jeudi 1 décembre 2022

« Les femmes, la vie, la liberté ! » : une militante iranienne poursuit son combat pour les droits des femmes

 OHCHR – Nations Unies – Mahnaz Parakand est une avocate et militante iranienne. Fervente défenseuse des droits des femmes, elle a été arrêtée et condamnée à mort pour avoir participé à des manifestations politiques en 1981, alors qu’elle était encore étudiante. Sa peine a ensuite été commuée en peine d’emprisonnement. Ses difficultés avec les autorités ne se sont pas arrêtées là, car elle s’est vu refuser son autorisation d’exercer le droit pendant longtemps après l’obtention de son diplôme. Une fois son diplôme obtenu, elle a rejoint le Centre iranien de défense des droits de l’homme. Après avoir de nouveau été menacée d’exécution, elle a quitté l’Iran et vit aujourd’hui en Norvège, où elle continue de militer pour les droits des femmes.

À l’occasion de la Journée internationale des défenseuses des droits humains, nous lui avons posé des questions sur son action en faveur des droits humains.

Q : Comment avez-vous vécu votre jeunesse en tant que femme en Iran ?

R : Je ressentais la discrimination dans toutes les fibres de mon corps. J’ai grandi à Téhéran dans une famille pauvre, dans une communauté patriarcale où les filles et les femmes socialement et économiquement actives étaient facilement jugées et rejetées par la société. Même si mon père était fier de mes capacités, il ne voulait pas que je poursuive mes études à l’université, par peur du jugement des voisins et des autres personnes de notre entourage. Dans le même temps, il a encouragé mon frère aîné à continuer ses études. Bien que mon père ne m’ait pas empêché de poursuivre des études universitaires, je pouvais voir dans ses yeux qu’il était déçu. Cela m’a fait de la peine et je me suis sentie coupable. C’est alors que je me suis rendu compte des inégalités, de la discrimination et du jugement injuste de la société à l’égard des femmes. J’ai décidé de lutter pour mes droits humains en commençant par ma propre famille, en parlant à mon père et à mon frère pour attirer leur attention sur la situation injuste des femmes. Ma mère m’a toujours soutenue. En 1978, lorsque j’ai été admise à la faculté de droit de l’Université de Téhéran, seuls 20 % des étudiants étaient des femmes.

Q : Racontez-nous votre arrestation et votre condamnation à mort. Que s’est-il passé ?

R : À 22 ans, j’ai été arrêtée pour avoir participé à des manifestations politiques. J’ai été emprisonnée avec des centaines d’autres femmes. Dès l’instant où je suis arrivée en prison, j’ai été torturée à coups de matraques et de crosses de fusil sur tout le corps, ainsi qu’à coups de câble électrique sur la plante des pieds, à tel point que je ne pouvais plus porter de chaussures ou marcher. Les interrogatoires ont duré trois mois. Ils m’ont torturée durant toute cette période. Ils m’ont présentée devant un « juge » qui ne m’a pas donné l’occasion de me défendre. Il m’a dit : « vous serez exécutée ». J’ai été jugée et condamnée à mort aussi rapidement et aussi simplement que cela. La torture peut prendre de nombreuses formes, mais pour vous donner une idée, c’était tellement douloureux et insupportable que j’ai été soulagée quand on m’a annoncé que j’avais été condamnée à mort. Je savais que j’allais être exécutée, mais je me suis dit qu’au moins je ne serais plus torturée, et cela m’a apaisé.

Q : Quand avez-vous réalisé qu’il était important pour vous de défendre les autres ? Quel a été l’élément déclencheur ?

R : Pendant que j’étais emprisonnée et torturée, je me suis promis que si je sortais vivante de prison, j’obtiendrais une licence d’avocat et défendrais les droits des prisonniers politiques et des militants. Et je l’ai fait. Je suis devenue membre du Comité des femmes et des enfants et du Comité des avocats associés du Centre des défenseurs des droits de l’homme. J’ai écrit un livre intitulé Women’s Rights in Simple Language (les droits des femmes en langage simple), qui explique les droits et les discriminations contenus dans les lois iraniennes dans un vocabulaire simple, et qui peut être utilisé pour informer les femmes les moins éduquées de la société. J’ai aussi préparé une petite brochure intitulée Rights of the Accused in simple Language (les droits des accusés en langage simple) et écrit un autre livre intitulé Prisoner’s Rights (les droits des prisonniers), qui est un recueil de lois et de règlements régissant les droits des détenus et des prisonniers dans un langage simple et analytique. Aujourd’hui, en écrivant des articles et en intervenant dans des conférences et des universités, j’essaie de sensibiliser le public à la discrimination systématique dont sont victimes les femmes en Iran.

Q : Vous avez été condamnée à mort, arrêtée, emprisonnée et forcée de quitter votre pays. Pourtant, vous vous battez toujours pour les droits des femmes en Iran. Qu’est-ce qui vous pousse à continuer, malgré tous les obstacles et les risques que cela représente ?

R : Je souffre autant de voir les autres subir de la discrimination que les personnes qui en souffrent. Il nous incombe d’ouvrir la voie à la reconnaissance de l’humanité de tous les êtres humains, indépendamment de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leurs croyances, de leur origine ethnique ou autre, et de respecter tous les êtres humains et tous les droits de l’homme. Je considère la lutte pour les droits humains et la justice non pas comme un devoir, mais comme une partie de mon identité.

Q : Quelle est la situation des droits des femmes en Iran aujourd’hui ?

R : La situation des droits des femmes en Iran aujourd’hui est catastrophique. Après la révolution islamique, outre les lois discriminatoires déjà existantes, d’autres restrictions choquantes et insultantes ont été établies. Le hijab est devenu obligatoire pour les femmes. Des lois discriminatoires ont également été introduites dans les domaines du mariage, de la succession, du droit de la famille, de la garde des enfants et de la citoyenneté. Les femmes n’ont plus le droit d’entrer dans les stades, de faire du vélo ou de la moto et de pratiquer certains sports.

Q : Les manifestations qui ont lieu actuellement en Iran ont attiré l’attention du monde entier. Que pensez-vous de ces protestations ?

R : Après des années de discrimination, l’arrestation et la mort de Jina Mahsa Amini sous la garde de la « police des mœurs » ont fait exploser la colère des femmes iraniennes. Toutes les femmes et tous les hommes qui marchent côte à côte et qui réclament une vie libre pour les femmes ont très bien compris que la femme c’est la vie et que la vie ne consiste pas à être vivant, mais à être libre. Nous devons faire en sorte que le slogan « Les femmes, la vie, la liberté » devienne une réalité en Iran et dans le monde entier.

Q : Quel avenir souhaiteriez-vous pour les prochaines générations de femmes iraniennes ?

R : J’aimerais voir un avenir où les femmes iraniennes seront reconnues comme des êtres humains dotés de droits humains et de droits de citoyenneté, ainsi que d’une position établie dans la société, au lieu d’être considérées comme des outils servant à satisfaire les désirs sexuels des hommes et à porter des enfants.

Q : Vous considérez-vous comme une défenseuse des droits humains ? Pourquoi ?

R : Oui, je me considère comme une défenseuse des droits humains car je pense que tout le monde a les mêmes droits et je respecte les droits humains de chaque personne. Je ne saurais tolérer que les droits humains de quiconque soient violés.

Q : Un dernier message ?

R : Les femmes et les filles iraniennes défendent leurs droits face aux inégalités et à l’oppression, et elles ont beaucoup de mérite et de qualités. Malgré toutes les restrictions, elles ont réussi à constituer plus de 60 % des étudiants universitaires. Elles excellent dans de nombreux sports. Nombre d’entre elles sont avocates, médecins, écrivaines et poètes, et sont un modèle pour les jeunes générations. Même si beaucoup d’entre elles ont été arrêtées et torturées pour s’être élevées contre la discrimination, les femmes et les filles iraniennes n’ont jamais cédé à l’oppression et aux oppresseurs.

Cet article fait partie d’une série de témoignages de défenseurs et défenseuses des droits humains ou d’organisations chargées de protéger les droits humains. Les opinions exprimées dans ces contributions ne reflètent pas nécessairement la position et l’avis du HCDH.

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