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jeudi 4 avril 2024

Rapport de Mars 2024: Mise en évidence des crimes contre l’humanité commis par l’Iran

 Mise en évidence des violations systématiques des droits de l’homme et des crimes contre l’humanité commis par l’Iran

Le mois de mars a été marqué par une session importante du Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève concernant les violations des droits de l’homme en Iran, ainsi que par plusieurs rapports d’organisations de défense des droits de l’homme mettant en lumière les crimes contre l’humanité et les violations des droits des femmes et des jeunes filles iraniennes perpétrés par le régime iranien.

Le rapporteur spécial des Nations unies sur les violations des droits de l’homme en Iran, le professeur Javaid Rehman, est parvenu à des conclusions importantes à la fin de son mandat de 6 ans, indiquant la nécessité d’enquêtes internationales sur le massacre des prisonniers politiques en Iran en 1988. Dans son rapport au Conseil des droits de l’homme, il a exhorté la communauté internationale à demander des comptes sur des événements emblématiques de longue date qui ont bénéficié d’une impunité persistante, notamment les disparitions forcées et les exécutions sommaires et arbitraires de 1981 et 1988, ainsi que les manifestations de novembre 2019.

La Mission internationale indépendante d’établissement des faits, nommée en novembre 2022 par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies pour enquêter sur les violations des droits humains lors des manifestations en Iran, a également présenté son premier rapport, dans lequel elle déclare : “La répression violente des manifestations pacifiques et la discrimination institutionnelle omniprésente à l’égard des femmes et des filles ont conduit le gouvernement iranien à commettre de graves violations des droits humains, dont beaucoup s’apparentent à des CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ.”

Le 6 mars, Amnesty International a publié un rapport contenant les témoignages de dizaines de femmes et d’hommes iraniens qui donnent “un aperçu effrayant de la réalité quotidienne des femmes et des jeunes filles” en Iran en raison de “l’intensification de la persécution des femmes et des jeunes filles par les autorités iraniennes, destinée à affaiblir leur courageuse résistance aux lois abusives, dégradantes et discriminatoires du pays sur le port obligatoire du voile”.

Entre-temps, l’ONG de défense des droits de l’homme Justice for Iran (JFI), basée à Londres, a publié un rapport intitulé ” Waging War on Civilians : Exposing Iran’s Repressive Units and Crimes Against Humanity” (La guerre contre les civils : exposition des unités répressives et des crimes contre l’humanité de l’Iran) “, dans lequel elle répertorie 20 unités militaires et 542 personnes responsables de crimes contre l’humanité en Iran lors de la répression des manifestations et du soulèvement national de 2022.

Le professeur Javaid Rehman

RAPPORT DU RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LA SITUATION DES DROITS DE L’HOMME EN IRAN

Dans son rapport du 9 février 2024 au Conseil des droits de l’homme des Nations unies, le professeur Javaid Rehman a donné un aperçu de la situation des droits de l’homme en Iran. Il s’est déclaré profondément préoccupé ” de hausse importante du nombre de condamnations à mort et “, “des exécutions liées aux manifestations”, “de l’exécution d’enfants délinquants”, “de l’exécution de femmes”, “des arrestations et détentions arbitraires et les violations du droit à un procès équitable”, ” d’imposer des lois, des politiques et des pratiques draconiennes qui violent de plus en plus les droits humains et la dignité des filles et des femmes iraniennes ” et ” un nombre disproportionné d’arrestations, de détentions et d’exécutions “, “la situation des femmes et des filles, y compris la loi et les politiques sur le voile forcé, le viol et la violence sexuelle, l’arrestation et la détention de défenseurs des droits de l’homme et d’avocats, et la situation des minorités. “

La situation des femmes et des filles

La “situation des femmes et des filles” est l’une des principales préoccupations du Représentant spécial des Nations unies. Voici des extraits de son rapport à ce sujet :

70. Tout au long de son mandat, le Rapporteur spécial a formulé des recommandations demandant aux autorités d’éliminer, en droit et en pratique, toutes les formes de persécution, de discrimination et de violence à l’égard des femmes et des filles ; de prendre toutes les mesures nécessaires pour favoriser leur participation à la vie publique dans des conditions d’égalité ; de veiller à ce que les droits des femmes défenseuses des droits de l’homme soient protégés ; de ratifier et d’appliquer pleinement la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Il regrette que les autorités iraniennes aient effectivement maintenu un système d’apartheid entre les sexes et aient continué d’imposer des lois, des politiques et des pratiques draconiennes qui violent de plus en plus les droits humains et la dignité des filles et des femmes iraniennes. Le Rapporteur spécial exhorte les autorités iraniennes à respecter les droits humains et la dignité de toutes les filles et femmes iraniennes et à leur permettre de choisir en toute connaissance de cause la manière dont elles s’expriment, en particulier en ce qui concerne leurs vêtements.

Lois et pratiques encourageant la violence à l’égard des femmes et des filles

71. Le Rapporteur spécial demande que les autorités arrêtent immédiatement de surveiller la tenue vestimentaire ou le comportement des femmes dans la sphère publique ou privée par l’intermédiaire de la police des mœurs ou de technologie de surveillance.

72. Le Rapporteur spécial a clairement indiqué à de nombreuses reprises que la violence à l’encontre des filles et des femmes était inacceptable. Toutefois, il est choqué par la persistance de lois et de pratiques qui continuent de favoriser et d’alimenter la violence à l’égard des femmes et des filles. Des lois misogynes et des pratiques et comportements discriminatoires ont continué d’influer sur de nombreux aspects de la vie publique et privée. Le système de justice pénale continue d’exonérer les auteurs de violences à l’encontre des femmes et des filles, ou de réduire leurs peines, et de les exonérer de la responsabilité pénale et de qisas, par exemple dans le cas d’un homme témoin de l’adultère de sa femme, qui tue ou agresse une des parties ou les deux

Âge de la responsabilité pénale

73. Le Rapporteur spécial reste profondément préoccupé par l’âge de la responsabilité pénale en République islamique d’Iran. Outre que cela est discriminatoire du point de vue du genre et contraire au droit international des droits de l’homme, le fait de considérer des fillettes comme pénalement responsables dès l’âge de 9 ans pour les crimes de qisas et de hudud a donné lieu à des affaires tragiques, dans lesquelles des filles reconnues coupables ont été condamnées à mort et exécutées. Lorsque l’on examine ces affaires, il est tragique de constater que les filles qui ont été exécutées étaient elles-mêmes victimes, souvent de violences domestiques ou de mariages forcés. Le Rapporteur spécial s’était déjà alarmé des exécutions de Mahboubeh Mofidi et de Zeinab Sekaanvand en 2018 et exprime sa profonde consternation concernant l’exécution de Samira Sabzian, en décembre 2023.

Absence de femmes dans les instances dirigeantes politiques et administratives

74. Le Rapporteur spécial regrette l’absence quasi-totale de femmes aux postes de décision dans les structures politique et administrative du pays, ce dont témoigne le refus d’accepter la candidature d’une femme aux postes de Guide de la Révolution et de Président. Actuellement, aucune femme ne siège à l’Assemblée des experts, au Conseil de discernement ou à l’influent Conseil des gardiens. La représentation des femmes reste faible au Parlement iranien : à l’issue des élections législatives de février 2020, seules 16 des 290 sièges (5,8 %) ont été remportés par des femmes et 60 % de toutes les candidates ont été disqualifiées par le Conseil des gardiens. Il n’y a pas de femme ministre au Gouvernement et si trois femmes avaient été nommées gouverneurs de comté sur 430 postes de gouverneur, elles ont toutes été remplacées après l’élection d’Ebrahim Raïssi à la présidence. En septembre 2023, une femme était censée occuper un poste de gouverneur de comté et une autre celui de vice-présidente chargée des femmes et des affaires familiales. Les femmes sont inéligibles à la tête du pouvoir judiciaire et ne peuvent être nommées juges.

Âge du mariage des filles

75. L’âge du mariage est lié à l’âge de la maturité. Pour les filles, il est actuellement de 13 ans, et des filles encore plus jeunes peuvent être mariées à la demande du père et avec l’approbation des tribunaux. Les mariages d’enfants sont des mariages forcés et broient la vie des fillettes. Le Rapporteur spécial est extrêmement préoccupé par l’augmentation du nombre de mariages d’enfants au cours des dernières années. Il exhorte les autorités à suivre les recommandations formulées par le Comité des droits de l’homme, le Comité des droits de l’enfant et le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes visant à mettre fin aux mariages d’enfants et à relever l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les femmes comme pour les hommes.

 76. Même si les filles et les femmes disposent de possibilités d’éducation, la déception est grande face à la discrimination fondée sur le genre qui est pratiquée à tous les niveaux institutionnels, et qui caractérise la loi, les pratiques et les attitudes sociétales.

Absence d’enquête indépendante et transparente sur la mort de Mahsa Jina Amini

Le Rapporteur spécial est extrêmement préoccupé par l’absence d’enquête indépendante, impartiale et transparente sur la mort en garde à vue de Mme Amini, ainsi que sur les meurtres de centaines de personnes, en particulier des femmes et des enfants, dans le cadre des manifestations qui ont suivi… malgré les grandes tragédies vécues par le peuple iranien, les autorités n’ont mené aucune enquête impartiale, indépendante et transparente sur les faits qui se sont produits. Aucun responsable de la sécurité ni aucun autre officier concerné n’a été amené à rendre des comptes, n’a été sanctionné ou démis de ses fonctions.

Absence d’enquête indépendante sur l’empoisonnement des écolières

83. De même, le Rapporteur spécial regrette que les autorités n’aient pas mené d’enquêtes indépendantes, impartiales et transparentes sur l’empoisonnement présumé de milliers d’écolières en 2022 et 2023. Les autorités ont affirmé avoir enquêté à ce sujet, mais nul ne sait à ce jour si des personnes ont été tenues pour responsables des empoisonnements ciblés dans des écoles de filles.

Absence de mise en place d’un cadre de responsabilité dans la législation et dans la pratique

86. Outre les atrocités les plus récentes, le Rapporteur spécial, d’autres mécanismes relatifs aux droits de l’homme et la société civile ont recueilli des exemples passés de violations graves des droits de l’homme, notamment de meurtres, d’actes de torture, d’arrestations, de détentions, d’exécutions et de disparitions forcées d’un grand nombre de personnes au cours des manifestations nationales organisées en 2009, 2019, 2020 et 2021. Il existe aussi d’autres exemples de disparitions forcées à grande échelle et d’exécutions sommaires et arbitraires de dissidents politiques réels ou supposés, y compris des enfants, datant de 1981, 1982 et 1988. Le Rapporteur spécial constate avec regret que les autorités iraniennes n’ont mené aucune enquête ou investigation sur ces faits et que les responsables n’ont toujours pas eu à répondre de leurs actes. L’appareil d’État, quant à lui, a été mobilisé pour détruire toutes les preuves restantes de ces crimes, ainsi que pour harceler et cibler les personnes cherchant à établir les responsabilités et à obtenir justice, l’État ayant vraisemblablement pour politique officielle d’effacer ces événements de la mémoire collective.

Politique d’intimidation et de persécution des familles en quête de justice

87. La culture de l’impunité s’est transformée en une politique d’intimidation, de harcèlement et de persécution de tous ceux qui cherchent à obtenir des comptes, la vérité et la justice. Profondément ancrée, l’impunité institutionnelle s’est traduite par un harcèlement systématique des défenseurs et défenseuses des droits de l’homme, des avocats et avocates et de ceux qui font campagne pour l’établissement des responsabilités, selon un modèle qui s’est mis en place au cours de plusieurs décennies, où les victimes de violations des droits de l’homme et leurs familles se voient constamment et systématiquement refuser la vérité et l’accès à la justice.

L’absence d’un pouvoir judiciaire indépendant

88. Le Rapporteur spécial regrette que le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire et sa politisation constante, notamment par le recours aux tribunaux révolutionnaires, ait en grande partie empêché l’établissement des responsabilités. Le pouvoir judiciaire, y compris les tribunaux révolutionnaires, viole constamment l’État de droit, les principes de justice naturelle et les obligations internationales en matière de droits de l’homme contractées par la République islamique d’Iran. Les autorités iraniennes ont toujours refusé de mener des enquêtes sur les violations flagrantes des droits de l’homme qui soient conformes au droit international, malgré les appels répétés des organes et experts de l’Organisation des Nations Unies et des organisations de défense des droits de l’homme en faveur de telles enquêtes. Au lieu d’être autorisés à prendre part aux enquêtes, les victimes, leurs familles ou leurs avocats sont souvent intimidés et maltraités dans le but de les empêcher ou de les décourager de porter plainte ou de protester.

Appel à l’abolition de la peine de mort, à l’abrogation des lois sur le code vestimentaire obligatoire et à l’obligation de rendre des comptes

Javaid Rehman, le représentant spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Iran, a appelé les autorités iraniennes à abolir immédiatement, par voie législative, la peine de mort pour tous les délits. Il a également formulé les recommandations suivantes à l’intention des autorités iraniennes :

n) D’abroger toutes les lois et réglementations qui imposent un code vestimentaire obligatoire et d’abolir les réglementations et procédures qui font que la tenue vestimentaire ou le comportement des femmes dans la vie publique ou privée sont surveillés ou contrôlés par des organes de l’État ;

o) D’abroger toute législation qui atténue la responsabilité pénale des auteurs d’actes de violence à l’égard des femmes et des filles, notamment pour les crimes dits d’honneur et les actes criminels commis dans le cadre du mariage, ou qui exonère de leur responsabilité les auteurs de tels actes ;

p) De modifier la Constitution et d’abroger les lois et pratiques discriminatoires du point de vue du genre ;

q) D’interdire les mariages d’enfants et de fixer l’âge minimum du mariage à 18 ans ;

r) De mener des enquêtes indépendantes, impartiales, approfondies, efficaces, crédibles et transparentes sur la mort de Jina Mahsa Amini, d’Armita Garavand et de toutes les filles et femmes depuis septembre 2022, et de veiller à ce que tous les responsables aient à rendre des comptes ;

s) D’engager des enquêtes rapides, indépendantes et impartiales sur les meurtres de manifestants et sur les actes de violence, y compris les actes de torture, les disparitions forcées et les arrestations qui ont eu lieu dans le cadre des manifestations nationales depuis le 16 septembre 2022 ;

t) De mettre fin immédiatement à toutes les formes de violence, d’arrestations et de détentions arbitraires de manifestants, d’identifier et d’appréhender toutes les personnes soupçonnées d’actes criminels et violents à l’encontre des manifestants et de veiller à ce que tous les responsables aient à répondre de leurs actes ;

u) De mettre fin immédiatement à toutes les formes de violence, y compris le viol, la violence sexuelle et le harcèlement des manifestantes, de mener immédiatement des enquêtes indépendantes et impartiales sur le ciblage des filles et des femmes, les actes de violence, y compris le viol et la violence sexuelle, et la discrimination à l’égard des filles et des femmes, et de prendre immédiatement des mesures concrètes pour appréhender et punir toutes les personnes impliquées dans des crimes violents contre les filles et les femmes, y compris l’empoisonnement des filles dans les écoles ;

” Le Rapporteur spécial exhorte la communauté internationale à demander que soient traduits en justice les responsables de faits anciens, survenus au cours d’événements marquants, qui à ce jour restent impunis, notamment des disparitions forcées et des exécutions sommaires et arbitraires de 1981 et 1988 et des faits survenus en rapport avec les manifestations de novembre 2019. “

La Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur l’Iran: de gauche à droite, Viviana Krsticevic (Argentine), Sara Hossain (Bangladesh) et Shaheen Sardar Ali (Pakistan).

LA MISSION INTERNATIONALE INDÉPENDANTE D’ÉTABLISSEMENT DES FAITS

Dans son premier rapport publié le 8 mars 2024, la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur l’Iran a conclu que le régime iranien avait commis des “crimes contre l’humanité” par ses actions lors de la répression des manifestations qui ont débuté en septembre 2022.

“La répression violente des manifestations pacifiques et la discrimination institutionnelle omniprésente à l’encontre des femmes et des filles ont conduit à de graves violations des droits de l’homme par le gouvernement iranien, dont beaucoup constituent des CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ.”

Le rapport indique également que le régime iranien est responsable des “violences physiques” qui ont conduit à la mort de Mahsa Amini en septembre 2022.

Le rapport de la FFM au Conseil des droits de l’homme indique que les violations et les crimes de droit international commis comprennent “les exécutions extrajudiciaires et illégales et les meurtres, l’usage inutile et disproportionné de la force, la privation arbitraire de liberté, la torture, le viol, les disparitions forcées et la persécution fondée sur le sexe”.

Le rapport indique que le régime clérical a fait “un usage inutile et disproportionné de la force meurtrière” pour réprimer les manifestations, ce qui a eu un impact disproportionné sur les femmes, les enfants et les membres des minorités ethniques et religieuses.

Les forces de sécurité iraniennes ont agressé sexuellement des détenus, ajoutant qu’elles ont utilisé des fusils de chasse, des fusils d’assaut et des mitraillettes contre des manifestants “dans des situations où il n’y avait pas de menace imminente de mort ou de blessure grave” pour eux, “commettant ainsi des exécutions illégales et extrajudiciaires”.

La mission d’établissement des faits a constaté “un ensemble de blessures étendues aux yeux des manifestants qui ont rendu aveugles des dizaines de femmes, d’hommes et d’enfants, les marquant à vie”.

Encourager le recours à la torture pour obtenir des aveux

En détention, les autorités de l’État ont torturé les victimes pour leur arracher des aveux ou pour les intimider, les humilier ou les punir. La mission internationale indépendante d’établissement des faits a déclaré : “Les autorités redoublent de répression à l’encontre des familles des victimes, des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme, des avocats, des médecins et de nombreuses autres personnes, simplement pour avoir exprimé leurs opinions, soutenu les manifestants ou cherché à obtenir la vérité et la justice pour les victimes.

“Les autorités de l’État au plus haut niveau ont encouragé, sanctionné et approuvé les violations des droits de l’homme par des déclarations justifiant les actes et la conduite des forces de sécurité.

Selon les conclusions de la mission d’enquête, “les forces de sécurité de l’État, en particulier le Corps des gardiens de la révolution islamique, les forces bassidj et le Commandement des forces de l’ordre de la République islamique d’Iran (Faraja), entre autres, ont participé à la commission de graves violations des droits de l’homme et de crimes au titre du droit international.”

Le 20 décembre 2022, le président du Conseil des droits de l’homme a annoncé la nomination de Sara Hossain (Bangladesh), Shaheen Sardar Ali (Pakistan) et Viviana Krsticevic (Argentine) en tant que trois membres indépendants de la Mission et a nommé Sara Hossain présidente de la Mission.

Appel à l’arrêt des exécutions et à la libération de tous les manifestants détenus

La mission Internationale Indépendante d’établissement des faits a formulé les conclusions et recommandations suivantes :

122. La discrimination structurelle et institutionnalisée à l’égard des femmes et des filles, qui est profondément enracinée et généralisée dans tous les domaines de la vie publique et privée, a été à la fois un élément déclencheur et un catalyseur des nombreuses violations graves des droits humains et des crimes de droit international commis contre des femmes et des filles en République islamique d’Iran, ainsi que contre d’autres personnes défendant l’égalité et les droits de…

123. Étant donné la gravité de ses constatations, la mission exhorte les autorités iraniennes à mettre fin à toutes les exécutions et à libérer immédiatement et sans condition toutes les personnes arrêtées et détenues arbitrairement pour avoir participé aux manifestations, pour n’avoir pas respecté le port obligatoire du hijab ou pour s’être opposées à cette obligation, à mettre un terme au harcèlement judiciaire des manifestants, des victimes et de leur famille, à abroger ou modifier les lois discriminatoires à l’égard des femmes et des filles, ainsi que des hommes et des garçons, en particulier les lois relatives au port obligatoire du hijab et à démanteler le système de persécution visant à faire respecter ces lois.

124. La mission demande aux autorités iraniennes d’établir la vérité, de rendre justice et d’accorder des réparations aux victimes de violations des droits de l’homme liées aux manifestations qui ont débuté le 16 septembre 2022, aux personnes survivantes et à leur famille, conformément aux normes internationales relatives aux droits de l’homme. Compte tenu de l’impunité généralisée et de la discrimination structurelle qui règnent en République islamique d’Iran, les États Membres devraient étudier les moyens de saisir des juridictions nationales et internationales pour établir les responsabilités hors du pays et d’accorder aux victimes des réparations porteuses de transformations, notamment la restitution, l’indemnisation, la réhabilitation, la satisfaction (par exemple, des commémorations et des hommages aux victimes) et des garanties de non-répétition….

Nécessité de prolonger le mandat de la mission d’information

125. Bien qu’elle ait abouti à des conclusions importantes, la mission pourrait, si elle disposait de plus de temps, recueillir plus d’informations sur la discrimination structurelle et institutionnalisée à l’origine des manifestations qu’elle a mises en évidence, et garantir la préservation effective des éléments de preuve en vue de leur utilisation dans des procédures judiciaires.

126. Le courage et la résilience des femmes, des hommes et des enfants du mouvement « Femme, Vie, Liberté » demandent que le monde entier se montre solidaire avec les personnes qui continuent de lutter pour l’égalité, la justice, le droit à la liberté d’expression, le droit de réunion pacifique et les droits des femmes et des filles en République islamique d’Iran.

AMNESTY INTERNATIONAL : CAMPAGNE DRACONIENNE POUR L’APPLICATION DES LOIS SUR LE PORT OBLIGATOIRE DU VOILE

Iran : Campagne draconienne visant à faire appliquer les lois sur le port obligatoire du voile par le biais de la surveillance et de la confiscation massive de voitures, tel est le titre d’un rapport d’Amnesty International publié le 6 mars 2024.

Le rapport se concentre sur le projet de loi sur le hijab et la chasteté qui est sur le point d’être adopté par le parlement du régime iranien. Ce projet de loi vise à codifier et à intensifier les attaques des autorités contre les femmes et les jeunes filles qui défient le port obligatoire du voile.

Les autorités iraniennes mènent une vaste campagne pour faire appliquer les lois répressives sur le port obligatoire du voile en surveillant de manière généralisée les femmes et les jeunes filles dans les espaces publics et en procédant à des contrôles de police massifs ciblant les femmes qui conduisent, a déclaré Amnesty International à la veille de la Journée internationale de la femme.

Le nouveau rapport d’Amnesty International contient les témoignages de 46 personnes, dont 41 femmes, une jeune fille et quatre hommes. Les entretiens ont eu lieu en février 2024 et ont été accompagnés d’un examen des documents officiels, notamment les verdicts des tribunaux et les ordonnances des procureurs. Ils ont montré qu’une pléthore d’organismes publics sont impliqués dans la persécution des femmes et des jeunes filles pour avoir simplement exercé leurs droits à l’autonomie corporelle et à la liberté d’expression et de croyance.

Amnesty International a publié des extraits de 20 de ces témoignages afin de donner un aperçu de l’effrayante réalité quotidienne à laquelle sont confrontées les femmes et les jeunes filles en Iran.

Diana Eltahawy, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International, a déclaré : “S’efforçant de briser la résistance au port obligatoire du voile dans le sillage du soulèvement ” Femme, Vie, Liberté “, les autorités iraniennes terrorisent les femmes et les filles en les soumettant à une surveillance et à un maintien de l’ordre permanents, en perturbant leur vie quotidienne et en leur infligeant une immense détresse psychologique. Parmi leurs méthodes radicales citons le fait d’arrêter les conductrices sur la route et de procéder à la saisie de leur véhicule, et de prononcer des peines inhumaines de flagellation et d’emprisonnement. “

Selon Amnesty International, des annonces officielles indiquent que depuis avril 2023, la police de sécurité morale iranienne a ordonné la confiscation arbitraire de centaines de milliers de véhicules dont les conductrices ou les passagères, âgées d’à peine neuf ans, ne portaient pas de foulard ou portaient un foulard “inapproprié”. Selon des témoignages, ces ordres sont basés sur des images capturées par des caméras de surveillance ou des rapports d’agents en civil patrouillant dans les rues et utilisant une application de police, appelée Nazer, pour signaler les plaques d’immatriculation des véhicules avec des conductrices ou des passagères non conformes.

Les femmes visées et leurs proches ont reçu des SMS et des appels téléphoniques menaçants, leur enjoignant de se présenter à la police de sécurité morale pour remettre leur véhicule en guise de punition pour avoir défié le port du voile obligatoire. Amnesty International a examiné des captures d’écran de 60 SMS de ce type envoyés au cours de l’année écoulée à 22 femmes et hommes.

Des femmes ont également expliqué à Amnesty International que l’accès aux transports publics, aux aéroports et aux services bancaires leur était régulièrement refusé et conditionné au port du voile. Elles ont expliqué que les agents de l’État, en particulier dans les aéroports, refusaient l’accès aux femmes et aux jeunes filles portant des chapeaux et examinaient la longueur et la coupe de leurs manches, de leurs pantalons et de leurs uniformes.

Les femmes ont également indiqué que ces rencontres s’accompagnaient régulièrement de violences verbales, notamment d’insultes sexistes et de menaces de poursuites judiciaires. Une femme a également raconté à l’organisation un incident survenu à la fin de l’année 2023, au cours duquel un agent de la force publique d’une station de métro de Téhéran a donné un coup de poing dans la poitrine de sa cousine âgée de 21 ans.

Une jeune fille de 17 ans a déclaré à Amnesty International que le directeur de son école l’avait temporairement suspendue après qu’une caméra de vidéosurveillance l’eut filmée non voilée dans une salle de classe, et qu’il avait menacé de la dénoncer à l’Organisation des renseignements des gardiens de la révolution si elle retirait à nouveau son foulard.  

En janvier 2024, les autorités ont infligé une peine de 74 coups de fouet à Roya Heshmati pour s’être montrée non voilée en public. Dans un témoignage publié sur son compte de médias sociaux, elle a raconté qu’elle avait été fouettée par un fonctionnaire masculin en présence d’un juge, dans une pièce qu’elle a décrite comme une ” une salle de torture médiévale “.

JUSTICE POUR L’IRAN : EXPOSER LES UNITÉS RÉPRESSIVES ET LES CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ DE L’IRAN

L’organisation Justice for Iran, basée à Londres, a publié son rapport le 6 mars 2024. Ce rapport intitulé ” Waging War on Civilians : Exposing Iran’s Repressive Units and Crimes Against Humanity” (La guerre contre les civils : exposition des unités répressives et des crimes contre l’humanité de l’Iran) “, JFI souligne les graves violations des droits de l’homme commises lors de la répression des manifestations de 2022-23 en Iran.

Les forces de sécurité, considérant les manifestations comme un conflit armé, ont déployé des unités militaires et utilisé des armes létales pour réprimer les manifestations. La répression s’est traduite par des tirs aveugles, visant des civils, des passants et des bâtiments. En outre, les forces de sécurité ont eu recours à la force brutale contre les détenus et ont employé des enfants soldats. Ces actions, ainsi que la présentation par le gouvernement des manifestations comme une “guerre contre l’État”, peuvent constituer des crimes contre l’humanité, a déclaré le JFI.

Le rapport est basé sur l’examen de 35 000 preuves audiovisuelles recueillies par Justice for Iran.

Le JFI a identifié au moins vingt unités de répression au sein du corps des gardiens de la révolution, des bassidjis et des forces de police. La responsabilité de certaines de ces unités militaires dans la répression des manifestations, notamment les bataillons de combat de l’Imam Hossein au sein du corps provincial du Corps des gardiens de la révolution et les unités de combat des forces spéciales telles que la 3e division de Hamzeh Seyed Al-Shohada, la 15e brigade des forces spéciales de l’Imam Hassan et l’unité des forces spéciales du Mahdi, fait pour la première fois l’objet d’une enquête dans le cadre du droit international. Le rapport identifie également 526 personnes ayant joué un rôle dans les crimes commis contre les manifestants.

Les conclusions de ce rapport de 250 pages indiquent que les autorités de la République islamique, au plus haut niveau, ont réagi aux manifestations en les qualifiant de “guerre hybride” et en les traitant comme un conflit armé. Elles ont classé les manifestants dans la catégorie des combattants ou des Muharb et ont déployé des unités de combat militaires spécialisées dans l’affrontement et le meurtre de combattants armés, ainsi que des forces de sécurité équipées d’armes militaires légères et lourdes mortelles pour réprimer les manifestants. Ces forces ont été autorisées à tuer, torturer et terroriser les manifestants et même les passants, qui sont sans équivoque considérés comme des civils selon les principes du droit international.

Les conclusions du rapport indiquent que les forces de sécurité, dans le cadre d’un plan préétabli et pratiqué, ont délibérément ciblé les manifestants, les passants, les véhicules de passage, les transports publics, les immeubles résidentiels, les bâtiments commerciaux et les centres médicaux afin d’instiller la peur et la terreur parmi les citoyens. Ces actions ont été menées à grande échelle dans au moins 15 villes de 10 provinces. Les vidéos recueillies par Justice for Iran montrent au moins 40 cas de tirs aveugles sur des manifestants, des passants et des véhicules, et 63 cas de tirs sur des bâtiments résidentiels, des magasins et des hôpitaux.

IL EST TEMPS DE METTRE FIN À L’IMPUNITÉ ET DE DEMANDER DES COMPTES AUX AUTEURS DE CES CRIMES

Pour la première fois, un organe des Nations unies a confirmé que certains des crimes commis lors des manifestations de 2022-23 en Iran constituaient des crimes contre l’humanité. Entre-temps, le rapporteur spécial des Nations unies a souligné la nécessité de demander des comptes au régime iranien pour les exécutions arbitraires et les disparitions forcées qui ont eu lieu en 1981, 1982, 1988 et lors des manifestations de novembre 2019. 

D’autres rapports et conclusions d’ONG et d’organisations de défense des droits de l’homme authentifient également les violations massives des droits de l’homme et des droits des femmes en Iran.

Il est temps de saisir le Conseil de sécurité des Nations unies du dossier des violations des droits de l’homme commises par le régime iranien et de poursuivre les auteurs de ces crimes devant les tribunaux internationaux. 

Source : CNRI Femmes 

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