CNRI - Le 3 décembre, un tribunal fédéral belge a tenu la deuxième audience d’un procès pour terrorisme impliquant un diplomate iranien et trois complices. Le diplomate, Assadollah Assadi, a refusé d’y comparaitre, comme pour la première audience.
Cette décision semble refléter un rejet grotesque de l’autorité du tribunal, dont Assadi avait déjà fait preuve en menaçant les enquêteurs de possibles attaques terroristes. Les transcriptions de ses interrogatoires citent cet ancien troisième conseiller à l’ambassade d’Iran à Vienne. Il déclare ouvertement que de nombreux groupes terroristes soutenus par l’Iran au Moyen-Orient surveilleraient son affaire et réagiraient selon le verdict.
La seconde audience est venue démontrer davantage le fait que sa défense tourne essentiellement autour de l’impunité. Les avocats d’Assadi n’ont pas nié son implication dans la tentative d’attentat à la bombe de 2018 visant le rassemblement annuel de la Résistance iranienne. Ils n’ont pas non plus discuté de l’incident de manière à diminuer sa responsabilité. Au lieu de cela, ils ont simplement souligné son statut diplomatique. Ils ont agité l’immunité contre les poursuites judiciaires même au-delà du pays où il était en fonction.
Des défenses ubuesques
Il s’agit bien sûr d’une ligne de défense ubuesque qui n’a pas fait sourciller les procureurs. Assadi a été légalement arrêté alors qu’il voyageait en Allemagne. Les autorités ont découvert dans son véhicule un manuel pour l’engin explosif qui avait été livré à deux de ses complices. Ces poseurs de bombe en puissance, un couple irano-belge du nom d’Amir Saadouni et Nasimeh Naami, ont été arrêtés en Belgique. Ils étaient sur le point de passer la frontière, en route vers le rassemblement “Free Iran”, en banlieue de Paris.
Saadouni et Naami, ont adopté une défense différente dans le procès en cours. Leurs avocats ont fait peu d’efforts pour atténuer la peine qu’ils pourraient encourir. Cependant ils ont insisté avec passion sur le fait que si le tribunal leur retirait leur citoyenneté et les expulsait en Iran, ils serviraient de boucs émissaires dans cette affaire à laquelle les autorités en Iran mettraient un point final en les exécutant.
Saadouni et Naami ont certainement tenté de nier leur responsabilité de manière peu crédible. Ils ont par exemple fait valoir que même s’ils avaient transporté personnellement le dispositif fourni par Assadi, avec l’intention manifeste de le déclencher, ils ne croyaient pas que c’était une bombe tueuse. Ils ont même été jusqu’à comparer que le dispositif à des feux d’artifice. Là-dessus ils ont ajouté sans vergogne qu’Assadi leur avait fait croire qu’il voulait faire peur à la Résistance démocratique, sans tuer personne.
On peut aisément parier que les procureurs n’accorderont pas de crédit à ce récit et de continuer à demander la révocation de la nationalité du couple en plus de peines de prison de 18 ans. Mais le point plus large de la défense de Saadouni et Naami – comme quoi ils n’étaient que des participants et des pions d’Assadi et de ses manipulateurs à Téhéran – est quelque chose qui s’aligne sur le message que l’accusation a souligné dans les deux audiences du procès.
Tout converge vers le terrorisme d’Etat
Dans une large mesure, la mission de l’accusation a été d’établir que l’équipe d’Assadi n’était pas un groupe d’agents opérant indépendamment du régime iranien. Au contraire, leur action était explicitement approuvée et dirigée par les autorités politiques en Iran. La dirigeante de la Résistance Maryam Radjavi, principale cible de ce complot, a pointé du doigt le Conseil suprême de sécurité nationale pour son élaboration. Elle a précisé qu’il avait reçu l’aval du Guide suprême du régime Ali Khamenei et du président Hassan Rohani.
En tout cas, le complot qui en a résulté était certainement une opération du ministère du Renseignement, comme l’ont confirmé jeudi les avocats des complices d’Assadi. Tout en faisant de leurs clients des victimes manipulées par des autorités supérieures, les avocats ont reconnu que Saadouni était en contact avec le ministère depuis onze ans, et avec Assadi depuis cinq ans. Ce fameux diplomate avait déjà engrangé une longue expérience d’agent de renseignement. Avant d’être affecté à Vienne, il avait contribué à des opérations contre les membres de l’Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI/MEK) en Albanie.
Cette affaire a elle-même fait l’objet d’un complot terroriste neutralisé en mars 2018, juste trois mois avant la tentative d’attentat à la bombe contre le rassemblement du CNRI à Villepinte, en France. Ce fait contribue à inscrire ce complot dans le cadre d’une vaste campagne du régime iranien contre ses opposants.
Terrorisme et soulèvement
Si l’on peut recenser d’innombrables incidents terroristes et de répression interne au fil des ans de cette campagne, l’année 2018 a marqué une recrudescence particulière de ces activités car elle s’est ouverte sur un soulèvement national en Iran.
Alors que ce soulèvement était à son apogée, Khamenei, le Guide suprême des mollahs, a publié une déclaration dans laquelle il reconnaissait que l’OMPI avait joué un rôle de premier plan dans les manifestations et la popularisation de l’appel au changement de régime. Cette déclaration mettait fin à des années de propagande en trahissant l’anxiété croissante des autorités quant à leur pouvoir. Il n’est donc pas étonnant la théocratie ait rapidement accepté le risque de charger un de ses diplomates de haut rang de mener un complot terroriste en Europe.
Un procès aux conséquences plus larges
Tout observateur du procès belge dans ce contexte ne devrait avoir aucune difficulté à accepter qu’il s’agit d’une opération officielle des autorités iraniennes. Cela va rendre difficile aux décideurs politiques occidentaux d’argumenter contre l’idée que les peines de prison pour Assadi et ses complices devraient ouvrir la voie à un rayon plus large des responsabilités.
Le CNRI et ses partisans internationaux ont fait valoir cet argument à plusieurs reprises. Ce faisant, ils ont formulé des recommandations spécifiques aux gouvernements occidentaux:
- étendre des sanctions,
- expulser les diplomates iraniens qui pourraient être des agents du renseignement
- fermer les ambassades qui pourraient s’avérer être des lieux de mise en scène du terrorisme iranien, comme l’ambassade de Vienne en 2018.
Quelle que soit la ligne de conduite spécifique de la communauté internationale, une chose est sûre : il faut faire porter la responsabilité au-delà des auteurs potentiels du terrorisme iranien, afin d’inclure les autorités qui font du terrorisme une stratégie politique. Cela a toujours été vrai, mais c’est d’autant plus indéniable qu’Assadi est le premier diplomate iranien à être effectivement accusé de terrorisme en Europe.
En attendant, ce procès va rendre plus difficile aux responsables politiques occidentaux de fermer les yeux sur de ces agissements. Avec les protestations populaires qui se développent en Iran, le régime clérical est de plus en plus vulnérable aux effets de la pression internationale.
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