La Haute Représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Mme Federica Mogherini se rend à Téhéran mardi pour ouvrir un nouveau dialogue sur des « questions bilatérales » entre l’Iran et les puissances mondiales deux semaines après l’accord nucléaire. Pourtant son voyage met en péril les valeurs démocratiques européennes, a écrit Alejo Vidal-Quadras, ancien vice-président du Parlement Européen, dans un éditorial pour United Press International :
C’est une illusion d’imaginer que l’accord nucléaire conduira à une amélioration de la situation des droits de l’homme en Iran. Tous les signes indiquent que l’accord encouragera les mollahs à continuer de maltraiter ses citoyens et à empêcher le dégel de l’atmosphère politique, ce qui pourrait mener à une nouvelle montée en puissance des sentiments antigouvernementaux exprimés dans les soulèvements de 2009.
Quelques heures avant que Mme Mogherini annonce son projet de voyage, le régime exécutait 10 prisonniers par pendaison collective dans sa prison de Gohardasht. Le même jour,Amnesty International informait du nombre sidérant de 694 personnes exécutées par les autorités iraniennes entre le 1er janvier et le 15 juillet 2015, un pic d’exécutions sans précédent dans le pays.
« Cela revient à exécuter plus de trois personnes par jour », a affirmé Amnesty International. « Le bilan sidérant des exécutions pour la première moitié de l’année brosse un sinistre tableau de la machinerie d’état qui perpétue des tueries illégales et préméditées à grande échelle. »
En décembre dernier, l’Assemblée Générale des Nations Unies a vivement critiqué les violations éhontées des droits de l’homme par l’Iran, et son emploi de châtiments inhumains, dont les coups de fouet et les amputations.
Aucun signe ne montre une amélioration de la situation des droits de l’homme pendant la présidence d’Hassan Rohani. Au contraire, les faits pointent une triste réalité :
Depuis que Rohani a pris le pouvoir il a presque deux ans, il y a eu plus de 1 800 exécutions en Iran, davantage que dans toute période similaire lors de ces 25 dernières années. L’Iran détient le record du plus grand nombre d’exécutions par habitant dans le monde et a exécuté le plus grand nombre de prisonniers mineurs. Les exécutions de citoyens issus deminorités ethniques et religieuses ont augmenté de façon spectaculaire. Plusieurs prêtres chrétiens sont incarcérés pour avoir défendu leurs croyances. L’Iran est la plus grande prison de journalistes dans le Moyen-Orient ; des dizaines de journalistes sont actuellement détenus. L’Iran est aussi le plus grand consommateur d’équipement de filtrage internet ; il bloque l’accès à environ cinq millions de sites web dédiés aux arts et aux enjeux sociaux, et filtre les contenus de blogs et de médias sociaux.
La misogynie est au cœur de la loi théocratique du régime. En octobre dernier, des groupes organisés affiliés au régime ont mené des attaques à l’acide contre des femmes iraniennes pour un port du voile prétendument inconvenant. Le même mois, en dépit des protestations internationales, l’Iran a exécuté Mme Rayhaneh Jabbari, 26 ans, dont le crime a été de se défendre contre un agent du renseignement qui avait tenté de la violer.
Mme Atena Farghadani, une artiste de 28 ans, a été condamnée en mai à une peine de 12 ans pour avoir dessiné une caricature moquant les hauts fonctionnaires du régime. Il est difficile d’imaginer une jeune femme être emprisonnée pour une telle durée simplement pour un dessin humoristique, mais c’est la réalité de la théocracie qui règne en Iran.
En tout, ce régime a exécuté plus de 120 000 prisonniers politiques, dont la grande majorité étaient des membres du principal groupe d’opposition iranien l’Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran (OMPI).
Samedi prochain marquera le 27ème anniversaire du massacre en 1988 de 30 000 prisonniers politiques, principalement des membres et activistes de l’OMPI. L’un des trois membres de la « commission de la mort » qui a envoyé les prisonniers politiques à la potence est l’actuel Ministre de la Justice de Rohani.
La rencontre de Mme Mogherini avec les responsables du régime va les encourager à continuer d’exercer la torture et les exécutions, aussi bien qu’à exporter la terreur et le fondamentalisme dans la région, et cela sapera la détermination du peuple pour mettre en plae un changement démocratique.
Bien qu’en 2012 l’Union Européenne ait adopté un ambitieux système stratégique pour placer les droits de l’homme et la démocratie au centre de sa politique, Mme Mogherini, pendant ses neuf mois au poste de chef de la diplomatie européenne, et malgré le millier d’exécutions en Iran, a refusé de prononcer la moindre condamnation envers ces atrocités quotidiennes.
L’accord nucléaire ne devrait pas fournir à l’Union Européenne une excuse pour rester silencieuse face au comportement lamentable du régime vis-à-vis des droits de l’homme. Mme Mogherini devrait donner pour objet contral à sa visite une déclaration publique aux autorités iraniennes qui leur demande de stopper les exécutions et de libérer les prisonniers politiques. Autrement, le régime utilisera sa visite comme outil de propagande pour décourager les appels à la démocratie parmi le peuple iranien. Il est temps pour l’Europe de choisir son camp entre un régime théocratique et le peuple oppressé. L’Europe ne devrait pas hésiter à se tenir aux côtés du peuple iranien épris de liberté et à soutenir son appel pour la liberté, la démocratie et les droits de l’homme.
Alejo Vidal-Quadras était vice-président du Parlement Européen de 1999 à 2014, et préside actuellement une ONG basée à Bruxelles, le Comité International pour la Recherche de la Justice (ISJ)
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