Michèle Alliot-Marie, ancien ministre français
Une conférence sur l'Iran s’est tenue au Parlement européen la semaine dernière, animée par Struan Stevenson, président de l’intergroupe des Amis d'un Iran libre. La conférence intervenait au lendemain de l'adoption par le Parlement européen d'une résolution appelant l'Union européenne à subordonner ses relations avec l'Iran à l'amélioration des droits de l'homme.
Voici l'intervention de Mme Michèle Alliot-Marie, ancien ministre français de la Défense et des Affaires étrangères, à cette réunion:
Je trouve particulièrement symbolique le lieu choisi pour cette rencontre. Ce lieu, le Parlement européen, démontre d’abord une chose : c’est que l’Europe n’est pas pour nous simplement une puissance économique, mais qu’elle réunit des peuples qui partagent des valeurs. Des valeurs d’humanisme. Des peuples qui veulent ensemble promouvoir une certaine idée du respect dû aux hommes et aux femmes sur l’ensemble de notre planète. Une certaine idée de la liberté qui doit être partagée par tous, une certaine idée de la démocratie. Cela montre aussi que l’Europe entend jouer un rôle qui, au-delà des problématiques économiques et financières, la place comme une réelle puissance politique dans le monde, qui a aussi pour finalité de faire partager sa vision du monde, son aspiration à la paix, le partage des valeurs.
Avec l’application du traité de Lisbonne, c’est effectivement son implication dans des domaines internationaux et stratégiques que le PE veut démontrer. Et lorsque nous parlons de relations internationales et stratégiques, il est évident que l’Iran se trouve au premier rang des préoccupations internationales à un double titre. D’une part la politique nucléaire qui est menée par le régime en place à Téhéran depuis des années. Et cette crainte est renforcée par la forme du régime politique qui prend des décisions à Téhéran : un régime qui ne respecte pas les droits de l’homme et qu’il ne respecte pas non plus les règles de la démocratie. Et c’est finalement cette conjonction des deux éléments, une politique nucléaire qui est aussi une politique du nucléaire militaire, bien entendu, et d’autre part un régime qui est en quelque sorte sans contrôle, puisque c’est un régime autocratique et théocratique.
L’Iran de ce fait apparait comme un risque d’instabilité majeur à la fois dans sa région, c’est-à-dire cette poudrière que représente encore aujourd’hui le Proche et le Moyen-Orient, mais il est également perçu par tous ceux qui s’intéressent aux grand enjeux stratégiques, comme une cause potentiel d’embrasement mondial et donc de mise en cause de la paix. Et ceci est un paradoxe parce que ce grand pays de 78 millions d’habitants, de par sa position géographique, de par son histoire, de par sa culture, pourrait au contraire être un facteur de stabilité pour la zone et pourrait aussi participer à l’instauration de la paix dans le monde. C’est parce que nous aimons l’Iran et les Iraniens que nous voudrions que ce pays puisse enfin jouer ce rôle de stabilisateur. Nous en sommes loin aujourd’hui, il faut bien le constater.
Depuis 2002, tous ceux qui sont épris de paix, sont inquiets. Depuis exactement les découvertes sur le programme de recherches clandestines tendant à fabriquer un armement nucléaire. A partir de 2005, les attitudes, les déclarations ont donné une connotation encore plus menaçante aux dirigeants de l’Iran. Avec le lancement dans l’espace d’une fusée habitée par un singe et son retour sur terre il y a environ un an, la république islamique d’Iran s’est dotée d’une technologie qui peut être utilisée pour des missiles à longue portée chargé de tête nucléaire. Nous devons le savoir. Et c’est peut-être cela qui effectivement a conduit la communauté internationale à exercer plus de pressions sur l’Iran à travers notamment des sanctions économiques dont malheureusement le peuple iranien subit davantage les conséquences que les dirigeants eux-mêmes.
Il y a eu effectivement, au moins en apparence, un certain nombre d’avancées, et il y a eu les accords de Genève. Mais si nous devons nous réjouir de tout ce qui peut-être une avancée, nous devons demeurer extrêmement prudents et il faut reconnaitre que bien des incertitudes demeurent sur les intentions réelles du régime.
La voie de la négociation diplomatique a été choisie plutôt que celle de l’intervention militaire et je pense que c’est une bonne chose, car une intervention militaire ce sont d’abord des civils qui en sont les victimes et c’est l’ancien ministre de la Défense qui vous le dit. Avant de vouloir faire la guerre, il faut aussi penser à ce que seront les conséquences.
Mais pour autant, il faut voir que la voie diplomatique a aussi souvent été déçue dans les relations avec les Iraniens, et c’est ce qui explique notre prudence et notre nécessaire vigilance. Malgré les initiatives du groupe des six, malgré les six résolutions du conseil de sécurité de l’ONU, les 12 résolutions du conseil des directeurs généraux de l’AIEA, le dialogue a été aussi souvent interrompu et trop souvent n’a conduit à rien de concret. Les sanctions n’ont pas empêché la fabrication de la fusée, donc la poursuite du programme nucléaire.
Aujourd’hui sur la base des accords de Genève, nous devons demeurer vigilants. Il faut en particulier veiller à l’efficacité des moyens de contrôle et à l’objectivité des observations qui sont faites et elles doivent être connues. Il faut également trouver des mécanismes qui rendent les retours en arrière impossible. C’est un élément essentiel, cela a été dit aussi. Il y a eu des discussions déjà dans le passé, il y a eu des avancées. Et puis on s’est aperçu que ces avancées avaient en fait servi à continuer le programme malgré les engagements qui avaient été pris. Alors tout ceci ne doit pas nous empêcher d’essayer de trouver des solutions, mais doit nous laisser prudents.
Et la deuxième raison qui doit nous rendre encore plus prudents, c’est la forme même du régime au pouvoir à Téhéran qui ne garantit pas la sincérité, la véracité, la fiabilité des engagements pris par les autorités aujourd’hui en place.
Finalement ce que nous pouvons dire, c’est que seul un régime démocratique et laïc peut rétablir dans la durée la confiance de la communauté internationale. Seul un régime démocratique et laïc peut permettre à ce grand pays de jouer tout son rôle dans la communauté internationale. La solution de la crise passe par la restauration en Iran d’un tel régime. C’est-à-dire par une modification interne de ce qui se passe.
Un régime démocratique, c’est une évidence pour un grand pays qui aspire légitimement à jouer un rôle dans le concert des nations. Qu’est-ce que cela veut dire ? La démocratie, cela veut dire à la fois le respect des règles internationales et nationales, c’est la suprématie de la communauté des citoyens égaux et libres. Egaux, quel que soit leur sexe. Libres de penser, de circuler, de croire, d’exprimer leur opinion politique. La démocratie c’est la séparation des pouvoirs, c’est la distinction entre l’ordre politique et l’ordre religieux.
Je le sais, la laïcité, c’est un concept essentiellement français, qui notamment dans les pays anglo-saxons n’est pas tellement bien compris et dans bien d’autres pays dans le monde, aussi. Mais je reprendrai pour l’expliquer la définition d’une sociologue, qui s’appelle Dominique Schnapper et qui dit : la société démocratique est fondée sur la séparation des pouvoirs : l’exécutif, le législatif, le judiciaire. Sur la distinction de l’ordre politique et de l’ordre religieux qui en est un principe fondamental, même si bien sûr existe et doit exister dialogue et collaboration entre l’Etat et les groupes religieux. Il ne s’agit pas d’exclure la religion, il s’agit de la laisser dans le domaine qui est le sien.
Et puis la démocratie, c’est pour nous tous, Européens, et pas seulement, le respect des droits de l’homme et des droits d’expression de l’opposition.et là, bien sûr, nous ne pouvons que penser à celles et ceux qui ont perdu la vie ou qui ont été blessés dans les camps d’Achraf et de Liberty. Nous ne pouvons que penser à ceux qui ont fait l’objet d’exécutions sommaires.
Et là nous avons la démonstration de tout ce qui reste à transformer. Notre rôle ce n’est pas d’imposer un régime politique à un autre pays. Mais notre rôle, c’est d’essayer de faire en sorte que les valeurs qui nous réunissent, c'est-à-dire finalement les valeurs des hommes et des femmes, soient des valeurs qui soient partagées dans le monde et notamment avec ceux que nous considérons comme des amis, c’est-à-dire comme le peuple iranien.
Je trouve particulièrement symbolique le lieu choisi pour cette rencontre. Ce lieu, le Parlement européen, démontre d’abord une chose : c’est que l’Europe n’est pas pour nous simplement une puissance économique, mais qu’elle réunit des peuples qui partagent des valeurs. Des valeurs d’humanisme. Des peuples qui veulent ensemble promouvoir une certaine idée du respect dû aux hommes et aux femmes sur l’ensemble de notre planète. Une certaine idée de la liberté qui doit être partagée par tous, une certaine idée de la démocratie. Cela montre aussi que l’Europe entend jouer un rôle qui, au-delà des problématiques économiques et financières, la place comme une réelle puissance politique dans le monde, qui a aussi pour finalité de faire partager sa vision du monde, son aspiration à la paix, le partage des valeurs.
Avec l’application du traité de Lisbonne, c’est effectivement son implication dans des domaines internationaux et stratégiques que le PE veut démontrer. Et lorsque nous parlons de relations internationales et stratégiques, il est évident que l’Iran se trouve au premier rang des préoccupations internationales à un double titre. D’une part la politique nucléaire qui est menée par le régime en place à Téhéran depuis des années. Et cette crainte est renforcée par la forme du régime politique qui prend des décisions à Téhéran : un régime qui ne respecte pas les droits de l’homme et qu’il ne respecte pas non plus les règles de la démocratie. Et c’est finalement cette conjonction des deux éléments, une politique nucléaire qui est aussi une politique du nucléaire militaire, bien entendu, et d’autre part un régime qui est en quelque sorte sans contrôle, puisque c’est un régime autocratique et théocratique.
L’Iran de ce fait apparait comme un risque d’instabilité majeur à la fois dans sa région, c’est-à-dire cette poudrière que représente encore aujourd’hui le Proche et le Moyen-Orient, mais il est également perçu par tous ceux qui s’intéressent aux grand enjeux stratégiques, comme une cause potentiel d’embrasement mondial et donc de mise en cause de la paix. Et ceci est un paradoxe parce que ce grand pays de 78 millions d’habitants, de par sa position géographique, de par son histoire, de par sa culture, pourrait au contraire être un facteur de stabilité pour la zone et pourrait aussi participer à l’instauration de la paix dans le monde. C’est parce que nous aimons l’Iran et les Iraniens que nous voudrions que ce pays puisse enfin jouer ce rôle de stabilisateur. Nous en sommes loin aujourd’hui, il faut bien le constater.
Depuis 2002, tous ceux qui sont épris de paix, sont inquiets. Depuis exactement les découvertes sur le programme de recherches clandestines tendant à fabriquer un armement nucléaire. A partir de 2005, les attitudes, les déclarations ont donné une connotation encore plus menaçante aux dirigeants de l’Iran. Avec le lancement dans l’espace d’une fusée habitée par un singe et son retour sur terre il y a environ un an, la république islamique d’Iran s’est dotée d’une technologie qui peut être utilisée pour des missiles à longue portée chargé de tête nucléaire. Nous devons le savoir. Et c’est peut-être cela qui effectivement a conduit la communauté internationale à exercer plus de pressions sur l’Iran à travers notamment des sanctions économiques dont malheureusement le peuple iranien subit davantage les conséquences que les dirigeants eux-mêmes.
Il y a eu effectivement, au moins en apparence, un certain nombre d’avancées, et il y a eu les accords de Genève. Mais si nous devons nous réjouir de tout ce qui peut-être une avancée, nous devons demeurer extrêmement prudents et il faut reconnaitre que bien des incertitudes demeurent sur les intentions réelles du régime.
La voie de la négociation diplomatique a été choisie plutôt que celle de l’intervention militaire et je pense que c’est une bonne chose, car une intervention militaire ce sont d’abord des civils qui en sont les victimes et c’est l’ancien ministre de la Défense qui vous le dit. Avant de vouloir faire la guerre, il faut aussi penser à ce que seront les conséquences.
Mais pour autant, il faut voir que la voie diplomatique a aussi souvent été déçue dans les relations avec les Iraniens, et c’est ce qui explique notre prudence et notre nécessaire vigilance. Malgré les initiatives du groupe des six, malgré les six résolutions du conseil de sécurité de l’ONU, les 12 résolutions du conseil des directeurs généraux de l’AIEA, le dialogue a été aussi souvent interrompu et trop souvent n’a conduit à rien de concret. Les sanctions n’ont pas empêché la fabrication de la fusée, donc la poursuite du programme nucléaire.
Aujourd’hui sur la base des accords de Genève, nous devons demeurer vigilants. Il faut en particulier veiller à l’efficacité des moyens de contrôle et à l’objectivité des observations qui sont faites et elles doivent être connues. Il faut également trouver des mécanismes qui rendent les retours en arrière impossible. C’est un élément essentiel, cela a été dit aussi. Il y a eu des discussions déjà dans le passé, il y a eu des avancées. Et puis on s’est aperçu que ces avancées avaient en fait servi à continuer le programme malgré les engagements qui avaient été pris. Alors tout ceci ne doit pas nous empêcher d’essayer de trouver des solutions, mais doit nous laisser prudents.
Et la deuxième raison qui doit nous rendre encore plus prudents, c’est la forme même du régime au pouvoir à Téhéran qui ne garantit pas la sincérité, la véracité, la fiabilité des engagements pris par les autorités aujourd’hui en place.
Finalement ce que nous pouvons dire, c’est que seul un régime démocratique et laïc peut rétablir dans la durée la confiance de la communauté internationale. Seul un régime démocratique et laïc peut permettre à ce grand pays de jouer tout son rôle dans la communauté internationale. La solution de la crise passe par la restauration en Iran d’un tel régime. C’est-à-dire par une modification interne de ce qui se passe.
Un régime démocratique, c’est une évidence pour un grand pays qui aspire légitimement à jouer un rôle dans le concert des nations. Qu’est-ce que cela veut dire ? La démocratie, cela veut dire à la fois le respect des règles internationales et nationales, c’est la suprématie de la communauté des citoyens égaux et libres. Egaux, quel que soit leur sexe. Libres de penser, de circuler, de croire, d’exprimer leur opinion politique. La démocratie c’est la séparation des pouvoirs, c’est la distinction entre l’ordre politique et l’ordre religieux.
Je le sais, la laïcité, c’est un concept essentiellement français, qui notamment dans les pays anglo-saxons n’est pas tellement bien compris et dans bien d’autres pays dans le monde, aussi. Mais je reprendrai pour l’expliquer la définition d’une sociologue, qui s’appelle Dominique Schnapper et qui dit : la société démocratique est fondée sur la séparation des pouvoirs : l’exécutif, le législatif, le judiciaire. Sur la distinction de l’ordre politique et de l’ordre religieux qui en est un principe fondamental, même si bien sûr existe et doit exister dialogue et collaboration entre l’Etat et les groupes religieux. Il ne s’agit pas d’exclure la religion, il s’agit de la laisser dans le domaine qui est le sien.
Et puis la démocratie, c’est pour nous tous, Européens, et pas seulement, le respect des droits de l’homme et des droits d’expression de l’opposition.et là, bien sûr, nous ne pouvons que penser à celles et ceux qui ont perdu la vie ou qui ont été blessés dans les camps d’Achraf et de Liberty. Nous ne pouvons que penser à ceux qui ont fait l’objet d’exécutions sommaires.
Et là nous avons la démonstration de tout ce qui reste à transformer. Notre rôle ce n’est pas d’imposer un régime politique à un autre pays. Mais notre rôle, c’est d’essayer de faire en sorte que les valeurs qui nous réunissent, c'est-à-dire finalement les valeurs des hommes et des femmes, soient des valeurs qui soient partagées dans le monde et notamment avec ceux que nous considérons comme des amis, c’est-à-dire comme le peuple iranien.
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