Cinq des huit environnementalistes qui ont été emprisonnés en Iran depuis janvier 2018, incluant un citoyen possédant la double nationalité irano-américaine, ont fait l'objet d'accusations préliminaires, huit mois après leur incarcération.
Le Centre pour les droits de l'homme en Iran (CDHI) demande aux autorités iraniennes de libérer immédiatement les huit environnementalistes, emprisonnés injustement et privés de leur droit à bénéficier d’une procédure régulière.
« La justice iranienne a maintenu ces personnes derrière les barreaux sans qu’elles puissent consulter un avocat durant huit mois, alors que les pasdarans préparaient des accusations contre elles », a déclaré Hadi Ghaemi, directeur exécutif du CDHI.
Les environnementalistes emprisonnés qui ont été inculpés sont le citoyen possédant la double nationalité, Morad Tahbaz, Taher Ghadirian, Niloufar Bayani, Houman Jowkar et Sepideh Kashani.
Ceux qui n'ont pas encore été inculpés sont Amir Hossein Khaleghi, Abdolreza Kouhpayeh et Sam Rajabi.
L'avocat Mohammad Hossein Aghasi a déclaré au CDHI, le 7 octobre 2018 : « La seule accusation mentionnée jusqu'à présent est l'espionnage. Toutefois, à l'exception des autorités judiciaires, personne n'a pu consulter les actes d'accusation ».
Aucune date de procès n'a été programmée.
Aghasi a également déclaré au CDHI qu'il n'était pas officiellement autorisé à représenter Ghadirian et Rajabi, mais qu'il travaillait sur leurs affaires. Depuis janvier, le système judiciaire iranien a contraint les personnes incarcérées pour des motifs liés à la sécurité nationale à choisir leur conseil parmi une liste de 20 avocats triés sur le volet par le système judiciaire.
Les huit écologistes ont été arrêtés les 24 et 25 janvier 2018 par les services du renseignement des pasdarans.
Ils sont tous des membres actuels et anciens de l'organisation à but non lucratif basée en Iran, la Persian Heritage Wildlife Foundation (PHWF). Le président iranien du PHWF, Kavous Seyed-Emami, est décédé à la prison d’Evine dans des circonstances extrêmement suspectes deux semaines après son arrestation.
Le porte-parole du pouvoir judiciaire, Gholamhossein Mohseni Ejei, a déclaré publiquement le 15 février que Seyed-Emami s'était suicidé, avant la publication d'un rapport d'autopsie. Malgré les demandes d’enquête de l’ONU et du Canada, personne n’a été tenu pour responsable de la mort de Seyed-Emami.
Au lieu de cela, l’Iran a soumis la veuve de Seyed-Emami, Maryam Mobeini, à des perquisitions et à des interrogatoires et lui a interdit de quitter le pays.
Les écologistes sont toujours emprisonnés derrière les barreaux iraniens et ont un accès extrêmement limité aux services d'un avocat, malgré les appels à leur libération, provenant de l'intérieur ou de l'extérieur du pays.
En mai 2018, le responsable du Département de l’environnement iranien, le vice-présient Isa Kalantari, a réfuté les accusations selon lesquelles les écologistes seraient des espions, rappelant ainsi les conclusions du propre ministère du renseignement de Rohani et du comité d’établissement des faits.
« Il a été déterminé que ces personnes avaient été arrêtées alors qu’elles n’ont rien fait », a déclaré Kalantari. « Le ministère du renseignement a conclu qu'il n'y avait aucune preuve que ces individus soient des espions ».
« Le comité d'établissement des faits du gouvernement de Rohani a également conclu que les militants détenus devaient être libérés car il n'y avait aucune preuve pour prouver les accusations portées contre eux », a-t-il ajouté.
Kalantari est allé plus loin dans une interview accordée à l'Agence de presse officielle, IRNA, le 13 août 2018 : « La justice nous a ordonné de ne pas intervenir… Ils nous ont dit que cela ne nous regardait pas et que nous ne devrions nous abstenir ».
Kalantari a ajouté : « L'éminent ministre du renseignement a déclaré à plusieurs reprises qu'il n'y avait aucune preuve que les détenus étaient des espions et que le système judiciaire n'avait toujours pas résolu leur situation. Presque toutes nos ONG sont au point mort car elles ne savent pas dans quelle mesure elles peuvent travailler sans être accusées d’espionnage ».
Le président Hassan Rohani a gardé le silence sur l’emprisonnement des écologistes. Il n’a pas répondu à une lettre de 800 écologistes iraniens demandant la libération de leurs collègues détenus.
« Le président Rohani devrait se joindre au groupe de voix de l'ONU, du monde entier et de l'Iran qui ont demandé la libération des environnementalistes - mais il reste silencieux », a souligné M. Ghaemi.
En septembre 2018, les familles des environnementalistes ont envoyé une lettre au Guide suprême, Ali Khamenei, pour demander la libération de leurs proches.
« Nous vous prions d'ordonner immédiatement la libération de nos proches et d'ouvrir la voie à une procédure judiciaire équitable avec accès à un conseil juridique », indique la lettre du 18 septembre 2018.
En février 2018, peu après la mort de Seyed-Emami, l’ONU a publié une déclaration exhortant l’Iran à libérer les écologistes et à cesser de les arrêter arbitrairement.
« La détention et les sanctions prononcées contre les écologistes pour leur travail en faveur de la conservation et de la protection de l'environnement naturel ne peuvent être justifiées », a déclaré plusieurs experts des droits humains des Nations Unies dans une déclaration commune en février 2018. « Nulle part dans le monde, y compris en Iran, la protection ne doit être assimilée à de l'espionnage ou considérée comme un délit. La détention des défenseurs des droits humains pour leur travail est de nature arbitraire ».
Des dizaines d'autres environnementalistes ont été arrêtés dans tout l'Iran depuis janvier, mais leurs situations et leurs statuts juridiques restent inconnus.
« L’Iran a récemment porté plainte devant un tribunal de l’ONU mais a ignoré les appels des Nations Unies à la libération de ces écologistes », a déclaré M. Ghaemi. « L’état de droit signifie que vous ne pouvez pas tout avoir - appliquer la loi quand elle vous convient, la piétiner quand elle ne vous convient pas ».
Source : Centre pour les droits de l’homme en Iran, le 8 octobre 2018
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