jeudi 9 juin 2022

Les difficultés économiques provoquent des protestations, mais pourquoi le peuple iranien s’en prend-il aux responsables du régime ?

 Le 5 juin, jour de l’anniversaire de la mort du fondateur du régime des mollahs, Ruhollah Khomeini, tous les responsables, du Guide Suprême Ali Khamenei aux commandants militaires dans les villages ruraux, ont exprimé leur inquiétude face aux manifestations en cours en Iran. Leurs propos orchestrés ont révélé la crainte du régime face à une société volatile et à l’impact de l’opposition iranienne sur l’évolution du pays.

En moins d’une journée, les retraités et les pensionnés de l’Organisation de la sécurité sociale iranienne ont organisé une manifestation dans tout le pays pour dénoncer les responsables du régime. Ces manifestations, au cours desquelles les Iraniens ont scandé des slogans contre le président du régime, Ebrahim Raïssi, ont prouvé que la crainte des mollahs n’était pas infondée. Des rapports en provenance d’Iran font état d’une autre série de manifestations dans de nombreuses villes iraniennes le mardi 7 juin.

Des vidéos provenant d’une douzaine de villes iraniennes, dont Tabriz, montrent des centaines de manifestants scandant « A bas Raïssi » et « Nous ne pouvons obtenir nos droits qu’en descendant dans la rue. »

Privés de leurs pensions déjà maigres, les retraités et pensionnés iraniens ont exigé que leurs salaires soient à la hauteur de la montée en flèche des prix et de l’inflation.

« Selon le centre de statistiques iranien, l’inflation tourne autour de 38,7 %, mais selon les statistiques officieuses, elle est plus proche de 50 %. En outre, le panier de la ménagère a atteint plus de 120 000 000 rials. Parallèlement, les pensions ne couvrent qu’un tiers des frais de subsistance des retraités. Pourtant, le gouvernement a retardé la mise en œuvre de l’augmentation des salaires et des pensions de huit millions de retraités », a reconnu le quotidien Sharq le 6 juin.

Alors que les Iraniens peuvent à peine gagner leur vie en raison de la montée en flèche des prix, le gouvernement de Raïssi a supprimé le « taux de change préférentiel » utilisé pour importer des biens essentiels à des prix légèrement inférieurs, ce qui a provoqué une nouvelle hausse du coût de la vie.

Parallèlement à l’intensification de la répression face aux protestations croissantes, Raïssi et ses ministres font des annonces ridicules, comme éradiquer la pauvreté en deux semaines, ordonner que les prix cessent d’augmenter et inviter les Iraniens à faire preuve d’austérité ! Ces tentatives désespérées de réprimer la société iranienne rétive font l’objet de moqueries, même de la part des médias officiels iraniens.

« Les autorités devraient quitter leur vie luxueuse avant d’inviter les Iraniens ordinaires à l’austérité économique. Nous ne pouvons pas empêcher la montée en flèche des prix en donnant des ordres. L’inflation ne croit pas à ces mots et se poursuit. Le pouvoir en place porte l’entière responsabilité de la situation actuelle du peuple« , écrivait à ce sujet le 6 juin le quotidien officiel Mostaghel.

Ces protestations quotidiennes de personnes de tous horizons à travers le pays sont la plus grande manifestation de mécontentement et témoignent de la volatilité de la société iranienne. Les gens sont laissés dans une pauvreté abjecte tandis que les responsables du régime mènent une vie fastueuse et dilapident les richesses nationales dans le terrorisme.

Téhéran a non seulement refusé de répondre aux doléances de la population, mais a également renforcé ses mesures de répression. Lorsque les agriculteurs d’Ispahan ont réclamé leur droit à l’irrigation, le régime a attaqué leur sit-in et leur a tiré dessus à balle réelle. Lorsque les habitants d’Abadan sont descendus dans la rue pour pleurer leurs proches décédés après l’effondrement de la tour Metropol, les forces de sécurité du régime ont ouvert le feu sur eux. Ces actions ont effectivement ajouté à l’état explosif de la société, comme en témoignent les récentes manifestations.

Iran’s social security pensioners rally on 2nd day, chant “Death to Raisi!”  https://youtu.be/UawAmd3x11c

Depuis le soulèvement de novembre 2019, on peut difficilement trouver une manifestation « sociale » qui ne comporte pas de slogans anti-régime. Les gens doivent endurer de nombreuses difficultés économiques et organiser des manifestations pour réclamer leurs droits, mais en moins de quelques heures, ils se mettent à scander des slogans contre les hauts responsables du régime.

Ce fait indique un tournant dans les mouvements sociaux en Iran. En d’autres termes, les Iraniens ne considèrent plus leurs difficultés économiques ou leur manque de liberté comme des problèmes isolés causés par des individus. Ils voient le régime dans sa globalité derrière les crises et leur misère et ciblent le cœur du problème.

Cela a provoqué beaucoup de remous au sein du régime, obligeant les officiels et les médias officiels à mettre en garde contre les « conséquences » de ces protestations et leur influence par l’opposition iranienne ou « l’ennemi » du régime.

« L’ennemi compte principalement sur les protestations et la situation sociale actuelle. Il vise à organiser et à étendre ces protestations. L’ennemi tente d’utiliser les médias sociaux pour ternir l’image de la République islamique. Malheureusement, les médias de l’ennemi ne sont pas seulement inquiétants, mais ont un effet durable sur notre jeunesse« , a reconnu le ministre du Renseignement, Esmail Khatib, le 5 juin, cité par le site officiel Entekhab.

« Si le gouvernement ne répond pas à la demande des retraités, il y aura d’autres protestations, l’ennemi joue son rôle et nous devrions payer un lourd tribut« , a écrit le quotidien officiel Sharq le 6 juin.

La question est la suivante : la théocratie au pouvoir en Iran peut-elle éviter de payer ce lourd tribut ?

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