Tout d’abord, il est important de souligner que le soulèvement de novembre 2019 n’était pas le premier du genre. Il est apparu moins de deux ans après un autre mouvement de protestation à l’échelle nationale, les deux présentant des similitudes notables. Le soulèvement précédent avait débuté dans les derniers jours de 2017 et avait duré pendant une grande partie du mois de janvier 2018. Bien qu’initialement axé sur des revendications économiques, il a été marqué par des slogans tels que « A bas le dictateur » et des appels au changement de régime. Ce vaste message a été maintenu par une série de protestations éparses dans les mois qui ont suivi le soulèvement initial et a été repris à plus grande échelle encore en novembre dernier.
Alors que le soulèvement de janvier 2018 s’est étendu à quelque 150 villes dans les 31 provinces iraniennes, il a été confirmé que des protestations ont eu lieu dans 191 villes sur une période de moins de deux semaines en novembre 2019. Au cours des deux soulèvements, l’Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran (OMPI) a joué un rôle de premier plan. Et cela a incité les autorités du régime à user de « tout leur pouvoir » pour empêcher la chute du régime.
Le Guide Suprême du régime, Ali Khamenei, a confirmé le rôle de l’organisation dans l’un de ses discours. Alors que ce soulèvement était en cours, Khamenei a déclaré que l’OMPI avait « prévu depuis des mois » de populariser le message du changement de régime. Téhéran a naturellement réagi avec violence à ce premier soulèvement, et on estime que plusieurs dizaines de manifestants ont été tués, dont certains sous la torture. Pourtant, l’oppression du régime n’a pas empêché les Iraniens de descendre à nouveau dans la rue en novembre.
Le discours de Khamenei a confirmé la fragilité du régime. Khamenei a avoué publiquement que l’OMPI est la principale opposition du régime. En accordant un tel crédit au principal groupe de la Résistance, il a également défait plus de trois décennies de propagande de son régime qui faisait parlait de l’OMPI comme d’un « groupuscule » qui avait été largement détruit lors de l’exécution systématique de plus de 30.000 prisonniers politiques à l’été 1988.
Ce chiffre est un marqueur historique des crimes que le régime est prêt à faire pour éradiquer la dissidence organisée. La répression du soulèvement de novembre 2019 à Téhéran se situe maintenant au même niveau que ce drame.
Les autorités du régime, inquiets de l’influence croissante de l’Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran, ont ordonné aux Gardiens de la Révolution (pasdaran) d’affronter le soulèvement de novembre avec une force mortelle. Amnesty International a confirmé par la suite que les pasdaran tiraient pour tuer lorsqu’elles ont ouvert les premières sur les foules de manifestants. Le 15 décembre, l’OMPI a présenté à la communauté internationale un rapport sur l’impact de la répression. Selon l’OMPI, les pasdaran ont tué 1 500 personnes lors d’incidents de tir dans tout le pays, les victimes étant aussi bien des manifestants adultes que des spectateurs âgés de trois ans à peine. L’OMPI a révélé plus de 800 noms de victimes.
La sévérité de la réaction était clairement voulue et elle a été renforcée par de nombreux autres cas de répression liés au soulèvement de novembre et à d’autres mouvements similaires. En septembre, Amnesty International a publié un rapport intitulé « Trampled Humanity » (L’humanité piétinée) qui décrit en détail les nombreuses formes de torture infligées aux détenus politiques au lendemain du soulèvement. L’OMPI a continué à produire des rapports sur les conditions de détention des prisonniers et a souligné que la situation était pire qu’elle ne le semblait initialement, en partie parce que certains détenus avaient été logés dans des prisons temporaires particulièrement secrètes.
Mais d’autres cas de répression ont été très médiatisés, étant motivés par le désir d’intimider la population pour qu’elle s’y conforme. En septembre et en octobre, les forces de sécurité de l’État ont publiquement agressé des citoyens et les ont conduits à l’arrière de camionnettes, dans un acte d’humiliation coordonné. Les autorités du régime ont explicitement justifié ces actions en qualifiant les cibles de « voyous » – une épithète qui avait également été appliquée aux participants aux soulèvements nationaux.
Le général de brigade Seyed Majid Mirahmadi, du Corps des gardiens de la révolution islamique (pasdaran), a poussé l’explication plus loin en citant la volonté du Guide Suprême. « La principale exigence de Khamenei est de déraciner l’insécurité dans la société», a-t-il déclaré.
Mirahmadi a également mentionné le fait que les pasdaran et leurs associés étaient prêts à confronter violemment toute personne qui « veut insulter les valeurs de la révolution ». Cette formulation rappelle clairement la façon dont le Guide Suprême a décrit l’OMPI dans un discours de ses « voyous » dans la milice Basij au début de l’année civile iranienne actuelle. Khamenei a désespérément exhorté les forces du Basij à contrer l’influence croissante de l’OMPI sur les campus universitaires, de peur que le monde ne reconnaisse que l’activisme étudiant vise le même objectif de changement de régime que celui qui a été défini lors du soulèvement de novembre.
Mais au moment de ce discours en mars, le lien de la population étudiante avec l’objectif de changement de régime de l’OMPI était déjà assez évident. En janvier dernier, moins de deux mois après la répression la plus sévère des pasdaran ces dernières années, les campus universitaires sont devenus le point de mire de nouvelles manifestations anti-régime dans plus d’une douzaine de provinces.
Dans ce cas, le public réagissait non pas aux indicateurs économiques mais à la révélation que Téhéran avait tenté de couvrir une frappe de missile des pasdaran qui avait tué 176 personnes à bord d’un avion de ligne commercial. Pourtant, le message final des troubles était le même, en ce sens qu’il condamnait le régime dans son ensemble et appelait à un changement complet de gouvernement. Le soulèvement de janvier a été un signe précoce des effets persistants des manifestations précédents.
Le média officiel iranien Afkar News a déclaré que les détenus du soulèvement de novembre étaient « liés d’une manière ou d’une autre » à l’OMPI, et un autre média, Jomhouri Esmali, a cité un haut responsable des pasdaran qui a dit la même chose à propos des manifestants dans leur ensemble.
De plus, Ali Shamkhani, le secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale d’Iran, a admis au Majlis (Parlement des mollahs) que même les militants qui ne sont pas membres de l’OMPI ont tendance à faire partie d’un « vaste réseau d’individus, opérant non pas sous [son] nom, mais poursuivant leur ligne et leur modus operandi ».
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