Maryam Radjavi : Hezarkhani a atteint son apogée et incarne un modèle pour les intellectuels et écrivains et le monde de la culture et des arts en Iran
Dans l’après-midi du 28 mars 2022 se sont déroulées les funérailles du Dr Manoutchehr Hezarkhani, écrivain iranien de renom en exil. Il reste à jamais inscrit dans le patrimoine national et de lutte de la culture et de la littérature iraniennes. Ses obsèques ont eu lieu en présence d’une foule immense de compatriotes, de membres du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI) et de membres et responsables des Moudjahidine du peuple (OMPI) au cimetière d’Auvers-sur-Oise.
Ses amis ont porté son cercueil sur leurs épaules jusqu’à sa dernière demeure.
Après son inhumation, une cérémonie d’adieu avec ce grand écrivain s’est tenue au siège du CNRI à Auvers-sur-Oise. Maryam Radjavi, qui participait en ligne, y a prononcé l’éloge funèbre suivant :
Chers amis,
Estimés membres du Conseil national de la Résistance iranienne,
Chers sœurs et frères !
Je vous remercie, toutes et tous, pour votre présence à la cérémonie d’adieu et d’hommage que nous rendons au Dr Hezarkhani. Je vous suis reconnaissante pour les messages de condoléances que vous m’avez adressés. Nous avons pu voir comment nos compatriotes en Iran et à l’étranger, ainsi que des partisans de la résistance, ont exprimé leurs sentiments, et combien ils appréciaient sa personne, la place qu’il occupait et les services qu’il a rendus.
Qui était Hezarkhani ?
Le Dr Hezarkhani est l’un de ceux dont non seulement la vie mais aussi la mort entrainent de nombreuses répercussions et inspirations dans la résistance et la lutte contre l’ennemi du peuple iranien.
Ces quarante dernières années, il s’est constamment concentré sur le renversement du régime et, de sa plume féconde et puissante, il a ciblé à la fois les stratagèmes du régime pour se maintenir en place et ses mercenaires intellectuels et idéologiques. Regardez ses écrits, ses livres et ses interviews de ces quatre dernières décennies, comment il a constamment pris à partie la politique, la culture, la charia, la loi et la manière de gouverner de Khomeiny et Khamenei ou les ridiculisait avec l’humour qui était le sien. Il décriait l’extrémisme, la vulgarité et l’hypocrisie de la tyrannie religieuse, dénigrait ses prétendus modérés et ses dirigeants, et fustigeait les « mercenaires du régime ou ses larbins non-salariés », qui, selon ses mots, « avec une compassion de charognard pour le peuple innocent », s’agitent contre les sanctions.
Défendant les révélations de la résistance iranienne contre le programme d’arme nucléaire du régime, il a écrit : « Les intérêts du peuple iranien exigent que non seulement ce régime ne soit pas doté d’armes nucléaires, mais aussi qu’il tombe et qu’il tombe le plus tôt possible. »
Il a fait un à un des alliés et des partisans du régime la cible de ses propos tranchants et éclairants ; des pseudos gauchistes, selon ses propres termes, « adeptes de la ligne de l’imam » jusqu’aux « appendices du ministère du renseignement » et « des branches mortes de l’ancien régime à l’étranger ».
Et il a écrit : « L’avenir de notre société n’est pas du tout censé dépendre du match de ping-pong entre le régime précédent et le régime des mollahs. Le mouvement de résistance veut démanteler tout cela et amener au pouvoir un nouveau régime démocratique dans lequel il n’est pas question de privilèges royaux ou de privilèges religieux. »
Le Dr Hezarkhani passionné de rébellion
Le Dr Hezarkhani était connu pour son esprit critique, éclairé et curieux depuis le début de sa carrière littéraire et politique sous la dictature du chah. Avec les écrits et traductions de grande valeur qu’il a laissés, il rejetait les courants passifs et trop bavards et poussait la jeune génération vers une lutte révolutionnaire. Et jusqu’au dernier jour de sa vie, il a préservé cet esprit, mais à un niveau bien plus complet et profond. Sous le chah, il était fasciné par la rébellion du « petit poisson noir » (héros du livre de Samad Behrangui) et était défenseur des Guerilleros Fedayines du peuple et des Moudjahidine du peuple (OMPI). Puis sous les mollahs, il s’est épris de passion pour la résistance organisée. A cette époque, les braves et courageux qui tissent « le coton de la logique et de la philosophie qui dominent la société » s’appellent l’Armée de libération nationale. A ce propos le Dr Hezarkhani a écrit : « Si la résistance est restée jusqu’à ce jour une valeur et que nous en sommes fiers aujourd’hui, c’est avant tout grâce à l’existence de l’Armée de libération. »
Oui, ceux que le Dr Hezarkhani qualifiaient sous le chah « d’instigateurs des flammes de la colère et de la rébellion » sont maintenant, selon lui, les unités de résistance [en Iran]. Selon de nombreux amis au cours de ces années, ce qui réjouissait le plus le Dr Hezarkhani était d’entendre les nouvelles des unités de résistance à l’intérieur de l’Iran. Dans les rencontres et les conversations que j’avais avec lui, il parlait toujours à l’appui de nombreux exemples et arguments convaincants de l’importance et de l’influence des unités de résistance dans la société et dans la lutte.
Dans son récent message, Massoud [Radjavi, le dirigeant de la Résistance] soulignait que « Hezarkhani était passionné par la lutte, la résistance, les unités de résistance et l’insurrection. Des guérilléros Fedayines du peuple, aux Moudjahidine du peuple jusqu’au Chili, de l’Amérique latine à l’Afrique en passant par la Palestine. »
C’est une description aussi réelle que précise. Le Dr Hezarkhani a personnellement utilisé cette description de lui-même lors d’une réunion au siège du CNRI à Auvers-sur-Oise à l’occasion de son 80e anniversaire. S’adressant aux Moudjahidine du peuple il a déclaré : « L’esprit de rébellion est en vous tous et dans chacun d’entre vous. Sans doute la principale raison de mon attachement aux Moudjahidine du peuple est-elle l’esprit de rébellion. Cet esprit rebelle en général ne plie devant rien, et c’est ce qui crée un dynamisme. »
Il prêtait une attention particulière au rôle des femmes dans l’OMPI et considérait qu’il s’agissait d’un développement important pour la société iranienne.
40 années avec le CNRI
Pourquoi Hezarkhani a-t-il entretenu dans le cadre du CNRI un lien inséparable avec les Moudjahidine du peuple pendant plus de 40 ans, et ce, bien que le régime et ses agents apparents et sous couvert n’aient épargné aucun effort pour briser ce lien ?
Pour deux raisons : premièrement, il cherchait sincèrement et de tout son être le renversement du régime. Et deuxièmement, il avait trouvé dans l’OMPI une démocratie et une conception du monde qui, selon lui, n’avaient pas de précédent dans l’éventail politique iranien.
Avant le 20 juin 1981, lorsque le journal « Modjahed » avait ouvert des pages de tribunes libres sous l’intitulé Chora (CNRI) et que des penseurs aux opinions diverses y écrivaient leurs opinions, M. Hezarkhani a déclaré dans une interview :
« Contrairement au passé de la tyrannie intellectuelle et culturelle en Iran, l’organisation qui est désormais devenue la plus grande organisation politique du pays s’est fait un devoir, pour attirer la coopération de groupes et même d’individus divers, de faire fi des intérêts de son groupe… Cette façon de penser est de l’hérésie dans le lexique de la culture tyrannique. (Cependant) je dis que c’est une révolution. Dans cette démarche apparemment mineure, je vois l’incarnation de la démocratie. Je vois le gage de la liberté et de l’indépendance. »
A propos du président du CNRI et de l’affection qu’il lui portait, je voudrais lire une partie de l’interview du Dr Hezarkhani à l’attention de la jeune génération à l’intérieur de l’Iran et de la nouvelle génération de Moudjahidine du peuple.
Dans l’une de ses interviews avec la chaine Sima-ye-Moghavemat, le Dr Hezarkhani a parlé de l’affection qu’il porte à Massoud [Radjavi] : « Quelle que soit notre amitié, je pense qu’il y a des aspects de la personnalité de Massoud qui concernent tout le monde, et tout le monde ne sait peut-être pas de quoi il s’agit. Tout le monde sait et s’appuie sur le fait que Massoud est le leader d’un mouvement révolutionnaire (…) qu’il est un dirigeant révolutionnaire sans compromis (…) qu’il n’a pas interrompu, ne serait-ce qu’un instant, la lutte contre l’ennemi principal qui est Khomeiny et ne lui a concédé aucune remise (…)
Mais au CNRI, nous connaissons aussi Massoud [Radjavi] sous un jour différent. C’est un manager dans tous les sens du terme. C’est une personne qui dans le monde de la politique, même si je ne veux pas user de grands qualificatifs pour ne pas laisser penser que j’exagère – bien que je n’aie aucun remords à les utiliser- je dois dire qu’il est au moins l’un des politiciens actuels les plus éminents de notre société (…) Au sein du mouvement de résistance et d’opposition sérieuse à Khomeiny, il n’a sans doute pas d’équivalent (…) Dans les réunions du conseil, il ne donne pas plus de droit à sa propre organisation qu’aux autres. Et même, parce qu’il est conscient du poids supérieur des Moudjahidine du peuple sur les autres membres constitutifs du conseil, dans les cas de divergences de vue, il s’abstient de leur donner raison.
A chaque fois qu’il y avait un désaccord, la méthode de Massoud consistait toujours à ne pas demander de vote tant que le désaccord n’était pas résolu, et la rencontre durait aussi longtemps qu’il le fallait (…)
Il a un esprit sans compromis. Il ne transige pas sur les principes. À mon avis, le compromis n’est pas de son ressort. Il porte le poids des responsabilités d’un mouvement. Mais dans les autres cas, c’est la personne la plus flexible que j’aie jamais vue au sein du CNRI. Il n’a jamais été et ne peut être à l’origine d’une rupture. Sa capacité et sa force de tolérance sont bien plus grandes que n’importe qui d’autre, du moins dans la communauté où nous siégeons. Et cela, à mon avis, ne vient de nulle part si ce n’est de sa grande conscience de sa position et du poids du mouvement et de l’importance et du sérieux de ce mouvement et de ce que le peuple demande à ce mouvement et des attentes qu’il a de ce mouvement ».
Par conséquent, ceux qui ces jours-ci veulent salir l’image de Hezarkhani et sa brillante résistance sont plus hostiles que tout à la voie politique qu’il a choisie, à savoir de résister à la tyrannie religieuse. Ceux-là même qui ont toujours exécré le renversement du régime. Ce sont soit directement des serviteurs du régime, soit des hommes de main du ministère du Renseignement, soit ceux qui préfèrent la poursuite du statu quo sous le pouvoir des mollahs. J’ai dit que l’une des caractéristiques les plus remarquables du Dr Hezarkhani était sa ténacité dans la lutte qu’il avait choisie de toute son âme. Il est bon de voir quelle pensée profonde se cachait derrière cette résistance dont il parlait partout en l’illustrant de nombreux exemples.
Ce qui est intéressant, c’est que dans l’interview qu’il a donnée deux semaines avant sa disparition, il a fourni un résumé de son dernier ouvrage, à savoir la traduction du livre « Le pouvoir fondateur », qui porte exactement sur ce thème. Il disait : « Le pouvoir fondateur est un pouvoir qui vient du néant et organise tout. C’est-à-dire que c’est le fondement d’un nouveau régime (…) Un régime qui balaie les vestiges du passé et les remplace par un nouveau système. »
C’est un résumé du dernier livre qu’il a traduit. C’est en fait un résumé de sa propre pensée, et c’est la philosophie de l’existence du Conseil national de la Résistance iranienne dont Hezarkhani est devenu membre dès le premier jour.
En ce qui concerne son écriture, sa créativité, sa capacité et sa façon de travailler dans ce domaine, vous savez qu’il était un maitre qui, en s’attachant à la grammaire et au vocabulaire persans, a établi et consolidé une prose fluide et expressive que l’on peut apprendre. Tout comme en traduisant les livres de grands penseurs, il a répandu l’idée et la motivation pour la lutte et la révolution dans les générations de la jeunesse iranienne.
En vérité, Hezarkhani peut être fier de soi en ayant atteint son apogée et en ayant bâti sa stature par les choix qu’il a fait.
Il incarne un modèle pour tous les intellectuels et écrivains et le monde de la culture et des arts en Iran, pour mettre toutes leurs capacités, tous leurs talents et toutes leurs créations artistiques et culturelles dans le mouvement progressiste et épris de liberté de l’Iran.
Hezarkhani a payé le prix de ses choix en acceptant toutes sortes de risques, de pressions et d’insultes. Et tout au long de ce long chemin, il est devenu de plus en plus tenace et a voué sa fidélité à la résistance de son peuple. Il avait face à lui les partisans du chah ou des mollahs. Ceux qui ont mis leur poésie et leur écriture romanesque ou leurs capacités intellectuelles au service du [chah] Reza Khan et de son fils ou du monstre de l’intégrisme, et sont devenus directement ou indirectement des instruments de la tyrannie et ont travaillé à saper l’espoir du peuple.
La vie, la lutte et la ténacité de Hezarkhani, en termes intellectuels, culturels et de lutte, incarnent le grand désir et la détermination de la société iranienne, en particulier de la jeunesse rebelle et insurgée qui avance dans le mouvement pour renverser le régime. Il est le véritable représentant des milliers de plumes brisées, des milliers de livres massacrés et des milliers de poèmes, de musique ou de chansons anéanties par la censure ou dans les prisons de la dictature religieuse.
Pour cette raison, on peut voir clairement que sa voie est poursuivie dans la société, la culture et la littérature par des écrivains iraniens, de nombreux intellectuels, penseurs et écrivains progressistes, libéraux et engagés qui ont suivi son chemin. Nous les appelons tous à poursuivre et développer la plume ardente d’Hezarkhani dans la lutte pour le renversement et la liberté de l’Iran.
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