Dans les années qui ont suivi la révolution de 1979, l’un des bastions de la société considérés comme une menace pour le nouveau régime, fondé par Ruhollah Khomeini, était les universités iraniennes. Le nouveau régime se sentant menacé par ces établissements, une « révolution culturelle » a commencé dans les universités, à la manière d’un coup d’État. Dans un premier temps, cette révolution a forcé la fermeture des universités, suivie de la purge et de l’expulsion de tous les professeurs et étudiants qui s’opposaient au régime ou qui étaient considérés comme une menace pour l’existence du régime.
Lorsque les universités ont finalement été rouvertes, le régime les a fortement contrôlées avec l’aide de son service de renseignement, le MOIS, et des Gardiens de la révolution (IRGC ou pasdarans). Toute opposition a été réprimée, et de nombreux étudiants, professeurs et intellectuels ont été victimes de la purge brutale du régime.
Pendant la présidence de Mahmoud Ahmadinejad, de nombreux professeurs ont été expulsés de leur travail sans raison valable. Cette période a été l’un des pires moments de l’histoire des universités iraniennes. Cette politique fait largement écho à la situation actuelle.
Lorsque le gouvernement d’Ebrahim Raïssi est arrivé au pouvoir en 2021, le régime a de nouveau commencé à purger et à renvoyer des professeurs dans certaines universités, bien avant le début des protestations actuelles. Cela montre clairement que le régime était conscient de sa principale menace et avait déjà commencé à sentir les grondements d’un volcan en éruption.
Dans la dernière série de licenciements, deux des professeurs de la faculté des sciences sociales de l’université de Téhéran ont été démis de leurs fonctions sous de faux prétextes au cours des deux dernières semaines. Dans la foulée, et au milieu des protestations des étudiants, l’institution concernée n’a pas donné de raison claire à leur licenciement, mettant plutôt la faute sur des questions de sécurité.
La plupart des universitaires et des experts ont considéré ces actions comme le résultat d’une vision politique et sécuritaire de l’université. Ils ont mis en garde contre les méfaits de ces rencontres avec les professeurs et les étudiants.
Saeed Moidfar, sociologue et professeur retraité de l’université de Téhéran, a évoqué le licenciement des professeurs d’université, notamment ceux de l’université de Téhéran, en déclarant que l’université n’est plus un environnement scientifique, mais le terrain de jeu d’autres facteurs qui déterminent son sort sans aucun critère scientifique. Par conséquent, ces conditions vident les universités de leurs valeurs originales et inhérentes.
Il a ajouté que l’université était, et est, censée être un environnement permettant aux professeurs et aux éminents universitaires d’acquérir de l’expérience et de mener des recherches. Ceux qui sont au sommet de leur art sont expulsés ou suspendus de l’université, tandis que d’autres personnes sont autorisées à entrer à l’université sans aucune expérience scientifique et sans les qualités requises pour répondre aux critères de ces domaines, ce qui fait perdre à l’université son crédit au sein de la société.
Avec de maigres explications et menant une politique consistant à purger les universités de leurs professeurs compétents et qualifiés, le régime est en train de déraciner la société scientifique du pays, avec des conséquences dangereuses pour l’avenir.
Ce n’est pas le seul sujet qui porte atteinte à la société universitaire iranienne. Le 8 janvier, le quotidien officiel Jomhoori Eslami mettait en garde contre la fuite croissante des cerveaux. Il a écrit : « Si cette situation perdure, nous deviendrons une société inconnue et isolée comme la Corée du Nord. » Il a ajouté la dimension de cette perte : « Nous avons perdu beaucoup de talents et les avons forcés à émigrer, et maintenant ce processus néfaste connaît une accélération alarmante. »
A propos de l’inimitié du régime à l’égard de la société universitaire du pays, qui est ancrée dans la culture médiévale du régime, le quotidien ajoute : « Il existe un premier point de vue sur cette question. En effet, quelqu’un a récemment déclaré sur l’une des chaînes de télévision nationales, laissez-les partir pour que le pays puisse être purifié. Selon un autre point de vue, nous devrions aseptiser les pensées et les cerveaux extrêmes afin de ne pas être la cause de la fuite des cerveaux. »
Jomhoori Eslami a conclu son article en déclarant : « Malheureusement, le premier point de vue est la manière actuelle dont se comporte le pays et tant que ce point de vue gouvernera le pays, nous assisterons à la fuite des cerveaux. Si cette situation se poursuit, nous aurons bientôt un pays qui n’a pas les caractéristiques d’une société bien connue qui peut rivaliser avec le monde d’aujourd’hui, interagir et ne pas être isolé comme la Corée du Nord. »
Source : INU/ CSDHI
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