Basé sur un article détaillé de HamMihan Daily, cet article explore la vie de ces femmes dans la tristement célèbre prison de Qarchak, située à Varamin, près de Téhéran, et met en lumière leurs luttes uniques et l’environnement difficile dans lequel elles tentent de s’occuper de leurs enfants.
La vie derrière les barreaux : l’histoire de Mahsa
« La liberté », ironiquement, est le premier mot que Mahsa a appris. La mère de Mahsa, Afsoun, a été arrêtée il y a 2 ans pour meurtre, alors que Mahsa n’avait que quelques jours. Afsoun aurait pris la responsabilité d’un crime dans lequel son mari était impliqué, espérant qu’il pourrait gérer leur vie à l’extérieur. Pourtant, après sa libération, il a disparu de sa vie, la laissant en prison avec leur fille.
À Qarchak, le monde de Mahsa se limite aux couloirs de la prison et au quartier mère-enfant, où elle passe ses journées avec 9 autres enfants dont les mères ont connu le même sort.
Ces enfants grandissent en entendant des récits de liberté et en assistant aux célébrations organisées à l’occasion de la libération d’autres femmes, un événement qui, pour la mère de Mahsa, apporte plus de douleur que de joie, car elle se demande : « Pourquoi mon enfant doit-il grandir ici ? ».
Le manque de ressources et de soutien
La grossesse en prison est une épreuve difficile pour les femmes de Qarchak. Les envies les plus simples ne sont pas satisfaites, car la prison ne peut pas fournir suffisamment de nourriture ni les ressources qui permettraient d’atténuer les difficultés de ces femmes. Certaines femmes, si elles peuvent se le permettre, achètent au magasin de la prison, mais beaucoup n’ont pas les moyens financiers.
La prison dispose d’une garderie, mais elle reste largement inutilisée et n’ouvre qu’occasionnellement, notamment lors des inspections officielles. Afsoun décrit le sentiment de désespoir qu’elle ressent en regardant son enfant dans un environnement où il n’y a ni ressources ni possibilités d’éducation. Bien qu’une garderie ait été créée en 2014, elle est devenue depuis un élément symbolique, qui ne s’anime que lors des visites des responsables iraniens.
Il s’agit d’un symptôme d’un problème plus large dans le système carcéral du régime clérical : les enfants ne sont pas prioritaires. Hanieh Yousefian, une réalisatrice qui a documenté la vie dans la prison de Qarchak, a rapporté qu’en dépit des efforts déployés pour introduire des équipements de jeu et des garderies, les enfants restent un groupe négligé entre les murs de la prison. Ils sont souvent confiés à des mères elles-mêmes en détresse, incapables d’apporter le soutien mental et émotionnel dont un jeune enfant a besoin.
Le vide juridique pour les enfants et leurs mères
La loi iranienne stipule que les enfants sont autorisés à rester avec leur mère en prison jusqu’à l’âge de 2 ans. À ce moment-là, ils doivent être remis à des membres de leur famille ou, en l’absence de parents, placés dans des organismes de protection sociale tels que l’Organisation de protection sociale de l’État iranien (Behzisti).
Toutefois, cette règle est souvent levée, ce qui permet aux enfants de rester avec leur mère jusqu’à l’âge de six ans. Pour des mères comme Afsoun, cette prolongation représente à la fois un soulagement et une angoisse – soulagement de garder leurs enfants près d’elles, et angoisse à l’idée que leur enfant grandisse en prison.
La stigmatisation sociale associée aux mères incarcérées complique encore leur situation. Shahrzad Hemmati, journaliste et militante sociale, souligne que de nombreuses femmes incarcérées ont été poussées à commettre des crimes par des membres masculins de leur famille.
Par exemple, une femme peut avoir été contrainte par son mari ou son père à faire de la contrebande ou à voler, puis avoir été punie pour ces actes. Ces femmes vivent dans une dure réalité où, en plus de leur peine, elles sont confrontées à des menaces émotionnelles de la part de leur famille ou même des familles de leurs victimes, qui menacent parfois les enfants de la mère si une dette ou une peine n’est pas payée.
Lutter pour être mère en prison
Les mères de Qarchak se divisent en deux groupes : celles qui gardent leurs enfants avec elles en prison et celles qui sont séparées de leurs enfants, qui sont pris en charge par des proches ou par le système d’aide sociale. Les deux groupes souffrent.
Pour ceux qui gardent leurs enfants en prison, l’absence d’une alimentation suffisante, de soins de santé et d’espace personnel crée un environnement difficile. Elles doivent voir leurs enfants souffrir de maladies qui se propagent rapidement au sein de la prison, souvent sans accès immédiat à des soins médicaux appropriés.
Des femmes comme Afsoun considèrent que le monde qui s’offre à leurs enfants est limité et sombre. Elle décrit la petite pièce étouffante et la « cour » où les enfants ne peuvent entendre parler que de la vie au-delà des murs de la prison.
« Lorsque quelqu’un évoque la liberté, ma fille répète le mot comme un rêve qu’elle ne comprend pas entièrement », raconte Afsoun avec tristesse. Pour elle, comme pour beaucoup d’autres mères, l’isolement de leurs enfants dans l’enceinte de la prison devient une source de profond chagrin et de culpabilité.
Un appel à l’attention et au changement
La situation des mères incarcérées et de leurs enfants dans les prisons iraniennes, en particulier dans des établissements comme Qarchak, met en évidence un profond besoin de changement. De nombreuses femmes sont confrontées à des problèmes systémiques, étant soit abandonnées par leur famille, soit contraintes par des menaces extérieures à se taire.
Si les mères disposaient de meilleurs réseaux de soutien ou avaient accès à des programmes de réforme, elles pourraient se réinsérer dans la société avec leurs enfants, brisant ainsi le cycle de la pauvreté et de la criminalité qui maintient souvent les familles prisonnières du système carcéral. Tant que le régime corrompu des mollahs ne sera pas renversé par le peuple iranien, des mères comme Afsoun devront continuer à vivre avec la douleur quotidienne de voir leurs enfants grandir sans enfance.
Source: CNRI Femmes
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