Le Haut Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU a rejoint le chœur de désapprobation internationale alors que le tribunal révolutionnaire de Téhéran a rendu la militante malade, coupable de nouvelles accusations. La communauté internationale a réagi avec indignation quand elle a appris que Narges Mohammadi, une militante des droits de l'homme, malade, qui est actuellement en train de purger une peine d'emprisonnement de six ans, s'est vue accuser d'autres chefs d'accusation et condamné à 16 ans d'emprisonnement par un tribunal révolutionnaire à Téhéran.
Mohammadi, 44 ans, a été reconnue coupable d ' «avoir créé et dirigé le groupe dissident et illégal, Legam », un mouvement des droits humains qui milite pour l'abolition de la peine de mort. Si une cour supérieure confirme le jugement, elle devra purger au moins 10 ans.
Mohammadi a été arrêtée en mai dernier, en dépit des inquiétudes au sujet de la détérioration de son état de santé, pour purger une peine de six ans prononcée en septembre 2011, quand elle a été reconnue coupable d'avoir agi contre la sécurité nationale, de faire partie des défenseurs du Centre des droits de l'homme (DHRC ) et de propagande contre l'Etat. Elle avait initialement été condamnée à une peine d'emprisonnement de 11 ans, mais une cour d'appel réduit celle-ci à six ans en mars 2012 et elle a ensuite purgé trois mois avant d'être libérée sous caution.
Ecrite en prison, Mohammadi a déclaré dans une lettre écrite à Pen International qu'elle était dans une section avec 25 autres prisonnières politiques, dont 23 ont été condamnées à un total de 177 ans.
« Nous sommes toutes accusées à cause de notre tendance politique et religieuse, et aucune d'entre nous n'est terroriste », écrit-elle. « La raison de cette lettre est de vous dire que la douleur et la souffrance éprouvées dans la prison d'Evine, vont au-delà de la tolérance. A l'inverse des autres prisons en Iran, il n'y a pas accès au téléphone dans la prison d'Evine. Hormis une visite hebdomadaire, nous n'avons aucun contact avec l'extérieur. Toutes les visites ont lieu derrière un double vitrage et nous sommes juste reliés par un téléphone. Nous ne sommes autorisés à recevoir une visite des membres de notre famille qu'une fois par mois ».
Le Haut-commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al Hussein, a condamné le traitement de Madame Mohammadi.
"Nous sommes consternés par la condamnation d'une célèbre militante qui s'opposait aux condamnations à mort, Narges Mohammadi, à un emprisonnement de 16 ans sur des accusations liées à son courageux travail des droits humains », a déclaré Ravina Shamdasani, porte-parole du Haut-Commissaire. « La défenderesse des droits de l'homme se trouve dans des conditions médicales graves et on le lui aurait accordé aucun accès adéquat à des soins médicaux spécialisés dont elle a besoin. Le bureau des droits de l'homme de l'ONU et d'autres organismes des droits de l'homme ont longtemps exhorté les autorités iraniennes à libérer Mme Mohammadi, mais en vain.
« Sa peine illustre bien une tolérance de plus en plus faible vis à vis de la défense des droits de l'homme en Iran. Nous appelons les autorités iraniennes à veiller à la libération immédiate de Mme Mohammadi et toutes les personnes détenues pour avoir simplement exercé leurs droits de l'homme ».
Mohammadi, mère de deux enfants, a remporté le prix Alexander Langer en 2009 pour ses activités de défense des droits, en particulier pour ses efforts visant à mettre fin à la peine de mort pour les mineurs délinquants en Iran. Cette année, elle a reçu la médaille de la ville de Paris pour son militantisme pacifique.
Mohammadi s'est mise à dos les autorités en partie à cause de ses liens avec le Nobel de la paix iranien, Shirin Ebadi, qui a été contraint à l'exil. En tant que chef adjointe du DHRC, Mohammadi était une proche collaboratrice de Ebadi, qui a présidé l'organisation.
Après une précédente arrestation, en 2010, Mohammadi a été maintenue en isolement dans la prison d'Evine, à Téhéran, où elle a contracté une maladie non diagnostiquée qui a été comparée à de l'épilepsie et lui fait perdre temporairement le contrôle de ses muscles.
Depuis mai, Mohammadi n'a été autorisée qu'à un seul appel téléphonique avec ses jumeaux de neuf ans, qui ont été contraints de vivre à l'étranger. "Je me demande comment dire à Ali et à Kiana, qui ont seulement entendu une fois la voix de Narges au cours de l'année écoulée, que leur mère a été condamnée à 10 ans de plus de prison », a déclaré à Amnesty, le mari de Mohammadi, Taghi Rahmani. « Ils n'ont que 9 ans et ont connu des jours difficiles, car ils étaient trois. Mais je dois me préparer à leur dire ce qui est arrivé ».
L'Observatoire basé à Paris, pour la protection des défenseurs des droits de l'homme, a condamné « le harcèlement judiciaire contre la militante des droits humains emprisonnée arbitrairement », et a exhorté l'Iran à la libérer immédiatement.
Hadi Ghaemi, de la Campagne internationale pour les droits de l'homme en Iran basée à New York, a déclaré : « Dix ans de prison pour un défenseur très respecté, pour ses activités civiles pacifiques démontre le refus de la République islamique de tolérer toute dissidence pacifique ».
Ghaemi a ajouté : « Le ministère des renseignement du Président Hassan Rouhani est responsable de la détention et d'avoir fabriqué l'affaire de Mohammadi, afin qu'elle soit poursuivie par le pouvoir judiciaire, et maintenant il est de la responsabilité du président Rouhani de faire tous les efforts possibles pour sa libération et pour assurer aux citoyens de l'Iran que les ministères sous son autorité n'empièteront pas sur leurs droits et leurs libertés ».
Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord au sein d'Amnesty International, a déclaré que la peine de Mohammadi était un autre exemple de l'utilisation par l'Iran de « vagues formulations d'accusations de sécurité nationale » contre les militants pacifiques.
« Il ne fait aucun doute qu'elle a été injustement punie pour son engagement constant en faveur des droits de l'homme », a-t-il dit. « Les autorités ont clairement montré leur détermination impitoyable pour faire taire les défenseurs des droits de l'homme et instiller la peur dans leurs supposées critiques de leurs politiques. Narges Mohammadi est une prisonnière d'opinion et les autorités iraniennes doivent la libérer immédiatement et sans condition et annuler sa condamnation ».
Source : The Guardian – 24 mai 2016
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