mercredi 27 janvier 2021

Des experts de l’ONU demandent au régime iranien des comptes sur le massacre de 1988


CNRI Femmes – Trente-deux ans après, les experts des droits humains des Nations Unies ont enfin demandé au régime iranien de rendre des comptes sur le massacre de 1988. Ils ont décrit le massacre des prisonniers politiques en Iran comme un “crime contre l’humanité”. 

C’est depuis la seconde guerre mondiale, le plus grand crime contre l’humanité sur des prisonniers politiques qui a eu lieu en Iran durant l’été 1988.

Geoffrey Robertson, éminent avocat des droits de l’homme britannique, ancien juge au Tribunal spécial des Nations unies pour la Sierra Leone, a qualifié le massacre de plus de 30.000 prisonniers politiques en Iran en 1988 comme le pire crime contre l’humanité après la Seconde Guerre mondiale.

Le 27 janvier, à l’occasion de la Journée internationale de commémoration de l’Holocauste, rappelons-nous également les victimes du massacre de 1988 en Iran et examinons la grande avancée dans la quête du peuple iranien pour que justice soit rendue aux victimes de ce crime contre l’humanité impuni.

Le pire crime contre l’humanité après la Seconde Guerre mondiale

Après le cessez-le-feu de la guerre Iran-Irak, Khomeiny, alors guide suprême des mollahs, a donné l’ordre du massacre de toute personne ayant des liens avec l’Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI/MEK), l’opposition démocratique, massacre qu’il avait prévu de faire auparavant.

Dans un méprisable décret écrit de sa main, Khomeiny ordonnait : “Quiconque, à quelque stade que ce soit, se maintient sur son soutien à l’OMPI/MEK est condamné à mort”.

Le massacre de 1988 a commencé à la fin du mois de juillet, atteignant son apogée du 28 juillet au14 août, et se poursuivant jusqu’à l’automne et même l’année suivante dans certaines villes. Il n’y a eu de pitié pour personne, même pour les adolescentes et les femmes enceintes.

La hâte avec laquelle Khomeiny a fait exécuter était si abjecte que beaucoup de ses plus proches confidents ont été pris de doute. Hossein Ali Montazeri, son successeur et la deuxième plus haute autorité du pays à l’époque, l’avait appelé à la clémence et à un ralentir le rythme des mises à mort,ce qui lui vaudra sa destitution et sa mise à l’écart.

S’adressant aux membres des comités de la mort, Montazeri avait déclaré : « À mon avis, vous avez commis le plus grand crime commis sous la République islamique et pour lequel nous serons condamnés par l’histoire. Vos noms figureront parmi les criminels de l’histoire. »

De nombreux hauts responsables du régime, comme Ebrahim Raïssi, le chef du pouvoir judiciaire, ont gravi les échelons après avoir commis ce crime odieux.

Alireza Avaei, l’actuel ministre de la Justice, était également membre de la commission de la mort dans les prisons de Dezfoul et Ahwaz lors du massacre de l’été 1988.

Mostafa Pour-Mohammadi, l’ancien ministre de la justice et actuel conseiller auprès du pouvoir judiciaire iranien, était un membre clé de la commission de la mort lors du massacre de 1988.

Une stratégie de diversion et de dénégation

Naturellement, la grande majorité des victimes étaient des membres et des sympathisants de l’OMPI/MEK. Cependant l’ordre s’est étendu à d’autres groupes par la suite et a été mené en silence et en secret.

Les mollahs au pouvoir ont caché les noms des victimes et les lieux de leur inhumation.

En décembre 1988, l’Assemblée générale des Nations unies a exprimé sa grave préoccupation concernant la nouvelle vague d’exécution de prisonniers politiques de juillet à septembre 1988. Malgré cela, le Conseil de sécurité des Nations unies n’a pas été saisi de la question.

Ce silence a encouragé le régime à continuer à cacher le sort des victimes et à poursuivre jusqu’à ce jour la stratégie de diversion et de déni.

En 1995, après sept années de campagne menée par la Résistance iranienne, la dictature religieuse a accepté la visite du rapporteur spécial de l’ONU. La Résistance iranienne a exigé des réponses à 15 questions fondamentales. Parmi celles-ci figuraient le nombre de victimes du massacre, les lieux de leur enterrement et d’informer les familles sur les charniers. Aucune réponse n’a été apportée à ces questions.

Le pire crime contre l'humanité après la Seconde Guerre mondiale
Quelques-unes des victimes du massacre de 1988 (dans le sens des aiguilles d’une montre, en haut à droite) : Sakineh Delfi, Ashraf Ahmadi, Shekar Mohammadzadeh, Nasrin Shojaii, Fazilat Allameh Ha’eri, Maliheh Aghvami, Farahnaz Zarfchi, Monireh Rajavi, Farzaneh Zare’ii

Le régime enfin appelé à rendre des comptes sur le massacre de 1988

Le 9 décembre 2020, les Nations Unies ont rendu public le texte d’une lettre de sept expert des droits humains. Dans cette lettre, ils demandent au régime iranien de rendre des comptes sur le massacre des prisonniers politiques en Iran en 1988.

Dans leur communication au régime iranien du 3 septembre 2020, les experts de l’ONU ont exprimé leur vive inquiétude quant au refus de révéler le sort et le lieu des milliers de personnes disparues par la force avant d’être exécutées extrajudiciairement en 1988.

Les rapporteurs spéciaux des Nations unies ont donné aux autorités iraniennes 60 jours pour clarifier tous les cas portés à leur connaissance. Après 60 jours, ils ont déclaré que la communication et toute réponse reçue seraient rendues publiques via leur site officiel.

Pour la première fois en 32 ans, l’ONU a ainsi reconnu le massacre de 1988 comme un “crime contre l’humanité” et a demandé une enquête “approfondie et indépendante” sur ce génocide.

Les experts ont réitéré : « Nous sommes préoccupés par le fait que cette situation puisse constituer un crime contre l’humanité”. Ils ont déclaré que si les autorités iraniennes “continuent à refuser de se conformer à leurs obligations en vertu du droit international des droits humains, nous appelons la communauté internationale à prendre des mesures pour enquêter sur ces affaires, notamment en mettant en place une enquête internationale. »

Une avancée majeure dans la quête de la justice   

 « Cette communication des expert.es des Nations unies est une avancée capitale. Il s’agit une étape décisive pour le combat de longue date que mènent les familles de victimes et les survivant.es, avec le soutien d’organisations iraniennes de défense des droits humains et d’Amnesty International, pour mettre un point final à ces crimes et obtenir vérité, justice et réparation », a déclaré Diana Eltahawy, directrice adjointe d’Amnesty International pour la région Afrique du Nord et Moyen-Orient.

Dans leur communication au autorités iranienne, les expert.es des Nations unies se sont dits « vivement préoccupés par les informations faisant état du refus persistant de révéler le sort réservé à ces personnes et le lieu où elles se trouvent. Ils se sont également dits alarmés de constater le refus des autorités de fournir aux familles des certificats de décès précis et complets, la destruction de fosses communes, la persistance de menaces et de harcèlement à l’égard des familles, l’absence d’enquêtes et de poursuites relatives à ces homicides, ainsi que les déclarations des autorités niant ou minimisant ces affaires et assimilant le fait de critiquer ces homicides à un soutien au terrorisme. »

Ils ont souligné « qu’une disparition forcée se poursuit jusqu’à ce que le sort de la personne concernée et le lieu où elle se trouve soient établis, quel que soit le temps écoulé, et que les membres de la famille ont droit à la vérité, ce qui signifie le droit de connaître le déroulement et les résultats d’une enquête, le sort des personnes disparues ou le lieu où elles se trouvent, ainsi que les circonstances des disparitions et l’identité des auteurs. Nous soulignons que cette obligation est applicable à toute personne qui aurait été victime d’une disparition forcée ou d’un assassinat illégal, qu’elle soit civile ou définie comme “terroriste” ou menace à la sécurité nationale en vertu du droit national. »

Les auteurs doivent faire face à la justice

Bien que la lettre des principaux experts des Nations unies en matière de droits humains l’homme soit un pas dans la bonne direction, l’ONU doit faire plus pour tenir les dirigeants iraniens responsables, à la fois en raison de la nature odieuse du crime et des hautes fonctions qu’occupent actuellement certains des responsables qui ont joué un rôle clé dans l’orchestration du massacre.

Les survivants des victimes, le peuple d’Iran et la Résistance iranienne demandent que l’affaire de ce crime soit portée devant le Conseil de sécurité des Nations unies et un tribunal international.

Nous demandons à tous les pays de soutenir le renvoi du dossier du massacre de 1988 devant le Conseil de sécurité de l’ONU.

L’impunité de Khamenei et des autres responsables du régime doit cesser. Khamenei et son président Hassan Rohani, le chef du pouvoir judiciaire Raïssi, les hauts responsables du ministère du renseignement, les commandants des pasdarans et de nombreux autres officiels et agents de ce régime ont tous été impliqués dans le massacre des prisonniers politiques en 1988 et dans toutes les exécutions des années 1980. Ils doivent faire face à la justice pour avoir commis des crimes contre l’humanité.

Nous demandons au Conseil des droits de l’homme de mener une enquête internationale sur le massacre de 1988. Ce serait la première étape pour mettre fin à l’impunité des auteurs du plus grand crime politique du siècle.

Le mouvement pour la justice se poursuivra jusqu’à ce que tous les détails de ce grand crime, en particulier la liste de toutes les victimes et des lieux d’inhumation, soit rendue publique. Il se poursuivra jusqu’à ce que toutes les individus impliquées dans ce massacre soient traduits en justice.

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