samedi 13 février 2021

Mourir de désespoir : Suicides en hausse en Iran

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CSDHI – Les suicides ont augmenté en Iran en 2020, selon les données médicales du régime iranien.

Les travailleurs, les étudiants : tous touchés par le suicide

Les cols bleus ainsi que les étudiants, touchés de manière disproportionnée par l’économie en difficulté du pays ont dominé les reportages des médias sur les personnes qui se suicident. Parmi les victimes figurent un garçon de 11 ans à Bushehr, situé sur la côte du golfe Persique. Sa famille n’avait pas les moyens de lui acheter un appareil numérique pour accéder à l’enseignement en ligne. Aussi, un pauvre chauffeur de la municipalité qui s’est suicidé dans son bureau de la ville de Marvdasht, dans le centre de l’Iran.

Le 20 janvier 2021, le journal Etemad a cité un rapport de l’Organisation nationale des médecins légistes. Ce dernier indique qu’au cours des huit mois écoulés depuis le début de l’année iranienne du 21 mars 2020, il y a eu 3 589 décès par suicide dans tout le pays. Cela correspond à une augmentation de 4,2 % par rapport à la même période l’année dernière.

« De nombreux travailleurs ont perdu leur emploi ces dernières années », a déclaré un ancien sidérurgiste à Ahwaz, dans le sud-ouest de l’Iran, au Centre pour les droits de l’homme en Iran (CDHI). « Dans les conditions économiques actuelles, lorsqu’un travailleur perd son emploi, il ne peut pas survivre une semaine. Les travailleurs n’ont pas d’économies ou d’allocations qui leur permettraient de se maintenir à flot pendant un mois ou deux jusqu’à ce qu’ils trouvent un autre emploi. »

Des retards de paiement de salaires qui plongent les Iraniens dans un désespoir irréversible

« Pour de nombreux travailleurs, les retards dans le paiement des salaires sont déchirants. A tel point que c’est comme s’ils étaient au chômage », a-t-il ajouté. « Ils doivent simplement continuer à travailler, de peur que leur emploi ne leur soit également retiré. »

Un sidérurgiste a demandé à ne pas être identifié par crainte de représailles de la part de son employeur car il s’est exprimé publiquement. L’homme a ajouté : « Lorsque les travailleurs ne peuvent pas réaliser le moindre souhait de leurs enfants, lorsqu’ils n’ont aucun espoir pour l’avenir, il n’y a pas d’autre choix que de se suicider. »

Les victimes : Travailleurs appauvris

Bahram Ebrahimi-Mehr

Le 12 janvier 2021, les médias en Iran ont rapporté que Bahram Ebrahimi-Mehr, un homme marié de 31 ans, père de trois enfants, s’était pendu devant les caméras de sécurité de son bureau. Il était chauffeur pour les responsables municipaux de la ville de Marvdasht, dans la province de Fars, depuis 11 ans.

Dans une note adressée à ses collègues, Ebrahimi-Mehr a déclaré que son supérieur avait menacé de le licencier à plusieurs reprises. Car il avait protesté contre ses salaires impayés – des chèques qui ne l’auraient pas aidé à joindre les deux bouts même s’ils avaient été payés.

« Nous recevons 2,8 millions de tomans (environ 548 €) par mois, soit le même salaire qu’il y a sept ans, voire moins », a écrit M. Ebrahimi-Mehr. « Comment puis-je couvrir mes frais de logement et payer mes arriérés et autres dettes avec ce salaire ? »

Reza Alekasir

Le 30 décembre 2020, le bulletin d’information des travailleurs de la sucrerie Haft Tappeh, qui font grève depuis des années pour réclamer le remboursement des salaires et des avantages, a rapporté qu’un collègue de travail expulsé, Reza Alekasir, est mort après s’être pendu chez lui. Ses collègues ont déclaré qu’Alekasir luttait pour faire face à son incapacité à soutenir financièrement sa famille.

« Alekasir avait souvent dit qu’il était le soutien de sa famille, y compris de ses frères et sœurs handicapés », a déclaré un collègue. « Il a soudainement été licencié par l’entreprise et remplacé par quelqu’un d’autre. Il a essayé à plusieurs reprises de retrouver son emploi. Sans succès. »

Omran Hashemi Moghaddam

Le 11 juin 2020, plusieurs médias officiels ont rapporté la mort d’Omran Hashemi Moghaddam, un jeune travailleur de forage pétrolier dans la ville de Hoveizeh, dans la province du Khouzistan. Il s’est pendu sur son lieu de travail en raison de difficultés financières causées par des salaires impayés.

Puis, le 17 novembre 2020, un employé de la municipalité de Kermanshah, dans l’ouest de l’Iran, s’est immolé devant le Syndicat des assurances des travailleurs. Il est mort à l’hôpital le lendemain. L’ouvrier, dont le nom est resté confidentiel, protestait contre le refus de sa société de lui fournir, ainsi qu’à sa famille, une assurance maladie.

« C’est le sort d’un travailleur dans un pays qui prétend être le cinquième plus riche du monde, un pays où les droits des travailleurs sont bafoués par des agences responsables de leur bien-être », a écrit Iran Kargar (« Iran Worker »), un bulletin d’information indépendant en langue persane axé sur le travail, dans un commentaire sur le suicide de l’homme.

« Cela s’est produit dans un pays où les travailleurs, afin de récupérer leurs arriérés de salaire, doivent lutter et protester en été et en hiver. En plus, ils doivent affronter les menaces des forces de sécurité et aller en prison », poursuit le commentaire non signé. « Mais en même temps, des milliers d’étudiants du séminaire sont illégalement embauchés par le ministère de l’éducation avec des salaires de dizaines de millions de tomans [monnaie iranienne], plus une prime de cinq millions de tomans (979 €) pour leurs vêtements !

Un employé se défenestre

Auparavant, le 17 juillet 2019, un employé non identifié de la municipalité d’Abadan, dans la province du Khouzistan, a été empêché de sauter par la fenêtre du deuxième étage du bureau du maire. Il a déclaré qu’il avait fait une tentative de suicide parce qu’il n’avait pas obtenu d’une assurance maladie de son employeur.

Quelques jours plus tôt, le 30 juin 2019, un ouvrier du bâtiment a tenté de se suicider en se pendant à une grue dans le nord de Téhéran. Mais les pompiers l’ont sauvé. Il n’avait pas reçu de salaire depuis des mois.

Le 19 juin 2019, un travailleur de la société pétrochimique, Shahid Tondgouyan, dans la ville portuaire de Bandar Imam Khomeini, a tenté de se suicider par pendaison sur son lieu de travail après son licenciement. Des collègues lui ont sauvé la vie. Puis ils l’ont conduit d’urgence à l’hôpital.

Les victimes : Étudiants incapables d’accéder à l’enseignement en ligne

Entre-temps, la fermeture des écoles en raison de la pandémie COVID-19 a forcé les familles – dont des millions luttent déjà pour survivre dans l’économie iranienne en difficulté – à acheter des appareils numériques et à s’abonner à Internet pour permettre à leurs enfants de suivre des cours en ligne.

Mais les étudiants issus de familles pauvres se sont retrouvés dans l’incapacité de s’offrir ces appareils. Cela leur a donné le sentiment d’être laissés pour compte et sans espoir.

Le régime dissimule les suicides de mineurs, tout comme les familles concernées

Le gouvernement iranien ne publie pas de données officielles sur les suicides de mineurs. Pourtant, la Société iranienne pour la protection des enfants, une organisation à but non lucratif, estime qu’entre 2011 et 2020, plus de 250 enfants sont morts par suicide. Ce chiffre est le résultat d’un comptage des reportages des médias et n’inclut pas les cas, gardés secrets par les familles.

Pour protéger leur réputation, certaines familles ne diront pas que leur fille s’est suicidée. Mais nous en entendons souvent parler par d’autres sources », a déclaré au CDHI, sous couvert d’anonymat, une ancienne directrice d’école de filles iraniennes vivant dans le nord-est de l’Iran.

« Pour de nombreuses filles des zones rurales, l’école est le seul endroit où elles se sentent utiles et pleines d’espoir pour l’avenir », a-t-elle ajouté. « Quand vous enlevez cela à une fille de 14 ou 15 ans qui n’a aucun contrôle sur son destin, sa vie peut s’effondrer. »

L’un des premiers cas de suicide parmi les élèves désespérés, c’est la mort de Mohammad Mousazadeh, 11 ans, dans la ville portuaire de Bushehr, au sud du pays, le 10 octobre 2020.

« Nous n’avions qu’un téléphone cassé à la maison. Et Mohammad ne pouvait pas rendre ses devoirs », a déclaré la mère de Mohammad, Fatemeh Najjar. « Il voulait que nous lui donnions un téléphone pour qu’il puisse étudier. »

Le manque d’argent, donc d’équipement les exclue du système d’enseignement

Le 22 octobre 2020, les médias iraniens ont révélé le suicide de Parastou Jalili-Azar, une jeune fille de 13 ans parce qu’elle n’avait aucun moyen d’accéder à des cours en ligne. Elle habitait le district de Nazlou à Oroumieh, dans le nord-ouest de l’Iran.

Le 16 novembre 2020, Etemad a rapporté que cinq filles s’étaient suicidées le mois précédent dans la ville de Ramhormoz ? Ces évènements dans le sud du pays ont « créé une vague de panique. »

« Rahim Rostami, le chef du département régional de l’éducation, a déclaré que les différences familiales, les préjugés aveugles, les agressions émotionnelles et l’incapacité à satisfaire les besoins de base sont quelques-unes des raisons de ces incidents amers », a rapporté Etemad.

Rostami a ajouté qu’au moins 4 000 des 27 000 étudiants de Ramhormoz n’avaient pas eu cours, au cours de la nouvelle année scolaire parce qu’ils n’avaient pas accès à des téléphones portables pour suivre leurs cours en ligne.

Source : Le Centre pour les droits de l’homme en Iran

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