lundi 28 août 2017

Iran- le massacre de l'été 1988 était voulu et planifié de longue date (Yves Bonnet)

 Des défenseurs des droits de l’homme, des hauts dignitaires et des responsables politiques européens se mobilisent dans le cadre d’une campagne pour sauver une vingtaine de prisonniers politiques iraniens en grève de la faim et pour appeler à la constitution d’une commission internationale d’enquête sur les massacres des prisonniers politiques en Iran, pendant l’été 1988.
Une conférence a eu lieu en marge d’une exposition qui s’est tenue à ce sujet à la Mairie du 1er arrondissement de Paris, en présence du Maire Jean-François Legaret, le jeudi 17 août 2017.
Une exposition sera également organisée les 30 et 31 août à la mairie du 2ième arrondissement de Paris. Des interventions auront lieu le jeudi 31 août à 14h à cette mairie du 2ième.

Lors de la conférence le 17 aout à la mairie du 1er arrondissement, le Préfet honoraire Yves Bonnet, Président du Centre international de recherches et d’études sur le terrorisme et l’aide aux victimes du terrorisme (CIRET-AVT) est intervenu.

Voici un extrait de son intervention.
Vu la façon de juger les événements que nous vivons il y a le jugement des hommes qui s'expriment à travers un certain nombre d'institutions spécialisées, évidemment la justice, et puis il y a le jugement de l'histoire.
Le jugement des hommes, vous avez les uns et les autres demandé que la justice fasse son cours, que la justice internationale qui est en cours d'organisation justifie son existence, et on peut effectivement se demander à quoi servirait la cour pénale internationale si elle ne se saisissait pas d’un dossier comme celui-ci.
Mais il y a aussi le jugement de l'histoire. Et dans le jugement de l'histoire malheureusement nous savons qu'il y a de temps à autre des excès de violence incontrôlée et peu justifiable, au demeurant, c'est ainsi que nous avons connu par exemple à Paris la Saint-Barthélemy, nous avons connu des massacres de septembre sous la révolution et nous avons aussi connu des massacres de la commune. Ces massacres qu'ils prennent place dans notre histoire. Ils prennent place dans l'Histoire tout court.
Ce qui est tout à fait frappant dans l'histoire de l'Iran théocratique c'est qu'on ne parle jamais de massacre de 1988. C’est que ce régime, qui est le plus répressif du monde, dans un monde qui n'est pourtant pas un monde de douceur et d'angélisme, ce régime n'est jamais mis en accusation. Les massacres qui ont été perpétrés, pas seulement le massacre de l'été 1988, mais tous ceux qui l’ont précédé et malheureusement tous ceux qui continuent d'être perpétrés, en particulier ceux qui ont visé les militants de l’OMPI à Achraf et à Liberty, ces massacres demeurent non seulement impunis, mais on n'en parle pas.
Et c'est ce que vous nous avez dit cher ami Stevenson, vous qui avez été l'un des premiers à protester et à protester avec quelle véhémence et faire connaître toute l'horreur de ces massacres. Pour ne rien vous cacher je suis en train d'écrire sur ce sujet. Je tente le refléter et donner le point de vue de l'histoire, de l'historien. Je pense qu'il est fondamental de poser un certain nombre de témoignages, concret, par la parole, certes, mais aussi par l'écrit. Par les témoignages il est important de poser les jalons et de bien faire en sorte que l'humanité ne l'oublie pas.
Elle doit d'autant moins oublier que ces massacres de 1988 frappent par deux aspects tout à fait fondamentaux. Le premier c'est leur ampleur, c'est l'horreur. Alors tout de même exécuter 30 000 personne une à une, par la pendaison, ça réclame évidemment beaucoup de temps et d'acharnement et « d'application ». C'est donc l'horreur absolue.
La seconde, qu'il faut souligner, c'est la méthode, la manière de procéder, c’est l'application mises à prendre la décision et puis à l’exécuter.
Parce que le renvoi à travers toute ces procédures, les commissions de la mort, composé de trois personnes et dont le jugement est fait d'avance. La méthode et l'organisation témoignent d'une préparation, d'une volonté d'aller jusqu'au bout qui rappelle un autre régime que nous avons connue en Europe (le nazisme).
Il faut savoir effectivement que tous ceci a été planifié méthodiquement. Constituer des commissions de la mort, les implanter, les répartir sur le territoire de l'Iran, et ensuite faire défiler devant ces commissions certain nombre de gens, croyez-moi ça exige des mois de préparation.
Ce qui veut dire que ce qui s'est passé durant l'été 1988 était voulu et planifié de longue date. Ça aussi c'est un aspect tout à fait particulier qu'il faut souligner.
L'ayatollah Montazeri qui était promis aux plus hautes destinées de la république islamique, et en principe il devait succéder à l’ayatollah Khomeiny, a écrit à plusieurs reprises à l'ayatollah Khomeiny, au guide suprême. L'ayatollah Montazeri s'en est ému - ce n'était pas l'ami des moudjahidines du peuple, c'était un homme qui était convaincu du bien-fondé de la république islamique, mais tout de même il a trouvé qu'on allait trop loin - il s'en est ému, il a échangé une correspondance qui est tout à fait nette et il a catégoriquement désavoué ce genre d'action.
D'autres religieux iraniens se sont effectivement émis dans les mêmes conditions, et ceci vient conforter cette constatation que les massacres de 1988 sont une opération voulue planifiée et froidement exécutée. Il n’intervient pas d'ailleurs à n'importe quel moment de l'histoire de la république islamique. Il intervient au moment où cesse de combat avec la république d'Irak. Ce n'est pas par hasard ça non plus. Il est bien évident qu'à partir du moment où la paix, dont Khomeiny ne voulait pas, qui lui a été finalement imposée – une paix qu'il aurait pu conclure six ans plus tôt -, et bien cette volonté de l'ayatollah Khomeiny à qui ce genre de paix a arraché des larmes de rage, je parle de la paix de 1988, cette volonté froide d'un criminel, qui doit être considéré comme tel, qui doit être jugé maintenant par l’histoire, puisque malheureusement il n’est plus de ce monde pour pouvoir répondre de ses crimes ,
Aujourd'hui notre devoir est par conséquent double. Il est comme vous l'avez dit Monsieur le maire, de poursuivre cette croisade, pour que la république islamique d'Iran et ses dirigeants qui ont participé à ces massacres, soit déféré et condamné. Et puis il y a le jugement de l'histoire, et ça c'est à nous qu'il appartient de le faire, par notre témoignage, par nos écrits, et par ce genre d'exposition et d'événements. Je crois que c'est à ce double appel aux souvenirs que maintenant je vous demande de participer. Il faut que tous ensemble nous restions les témoins et les censeurs dans des crimes les plus effroyables que l'humanité n’est jamais connue.

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