CNRI - Deux projets de loi pour relancer la natalité en Iran risquent de réduire les femmes à des "machines à faire des enfants", a dénoncé Amnesty International.Dans un nouveau rapport rendu public mercredi 11 mars, Amnesty appelle les autorités à "déchirer" ces textes.
Si deux projets de loi sont adoptés, les femmes en Iran qui n’ont pas d’enfant pourraient subir d’importantes restrictions quant à l’utilisation de contraceptifs et à leur entrée sur le marché du travail, écrit l’organisation.
Ce texte, intitulé You Shall Procreate: Attacks on women’s sexual and reproductive rights in Iran, passe en revue les efforts considérables déployés par les autorités iraniennes pour encourager des grossesses répétées dans le cadre d’une politique malavisée visant à faire augmenter les chiffres en baisse de la population.
« Ces projets de loi vont enraciner des pratiques discriminatoires et faire régresser de plusieurs décennies les droits des femmes et des filles en Iran. Les autorités encouragent une culture dangereuse, qui prive les femmes de droits essentiels et les considère comme des machines à faire des bébés, et non comme des êtres humains qui jouissent de droits fondamentaux leur permettant de faire des choix pour leur corps et leur vie, a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.
« Ces textes de loi renforcent les stéréotypes discriminatoires à l’égard des femmes et témoignent d’une volonté sans précédent de l’État de s’ingérer dans la vie des gens. Déterminées à renforcer leur image de puissance militaire et géopolitique, notamment en faisant augmenter le taux de natalité, les autorités iraniennes foulent aux pieds les droits fondamentaux des femmes – et même le lit conjugal n’est pas épargné. »
Le Projet de loi visant à accroître le taux de fertilité et à prévenir le déclin de la population (n° 446) interdit la stérilisation volontaire, qui serait la deuxième méthode de contraception moderne en Iran, et bloque l’accès à l’information sur la contraception, privant les femmes de la possibilité de prendre des décisions éclairées quant au fait d’avoir des enfants.
Adopté par le Parlement à une écrasante majorité en août 2014, ce projet de loi fait l’objet d’amendements, comme l’a recommandé le Conseil des gardiens, organe qui doit l’approuver avant qu’il ne soit promulgué.
« En supprimant les programmes de planning familial et en bloquant l’accès à des services vitaux de santé en matière de sexualité et de procréation, les autorités exposeraient les femmes à de graves risques et bafoueraient leurs droits humains, a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.
Le Projet de loi global sur la population et l’exaltation de la famille (n° 315), qui doit être débattu au Parlement en avril, renforcerait la discrimination liée au genre, notamment à l’égard des femmes qui font le choix de ne pas se marier et de ne pas avoir d’enfant, ou qui ne le peuvent pas. Ce texte de loi enjoint à tous les organismes privés et publics, lorsqu’ils recrutent à certains postes, d’accorder la priorité, dans l’ordre, aux hommes ayant des enfants, aux hommes mariés sans enfant et aux femmes mariées ayant des enfants. En outre, ce texte rend plus difficile le divorce et décourage l’intervention de la police et de la justice dans les conflits au sein de la famille, accroissant le risque de violences conjugales.
« Les autorités iraniennes doivent reconnaître que ce projet de loi aurait un effet dévastateur pour les femmes prises au piège de relations violentes », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.
Au titre du Code pénal iranien, les femmes qui demandent le divorce doivent prouver qu’elles sont en butte à des « difficultés insupportables », alors que les hommes peuvent divorcer sans fournir aucun motif. Ils ont en outre le droit exclusif d’avoir au moins deux épouses permanentes dans le cadre de mariages polygames et autant d’épouses qu’ils le souhaitent dans le cadre de mariages « temporaires » (sigheh). Par ailleurs, le projet de loi n° 315 incitera les juges à se prononcer contre le divorce, en leur accordant des primes en fonction du pourcentage d’affaires qui se soldent par la réconciliation des époux.
« Ces projets de loi véhiculent l’idée que les femmes ne sont bonnes qu’à être des femmes au foyer obéissantes et à faire des bébés, et qu’elles n’ont pas le droit de travailler ni de faire carrière si elles n’ont pas rempli leur rôle et devoir premiers. Or, la réalité pour les femmes en Iran est bien différente : elles représentent, jusqu’à présent, la majorité des étudiants diplômés de l’université et environ 17 % de la population active du pays », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui. Seulement 10% de la population active féminine travaille, selon des statistiques officielles.
Bien que les autorités, et notamment le président Hassan Rohani, affirment que les hommes et les femmes en Iran sont traités sur un pied d’égalité, la réalité est toute autre. Les violences sexuelles et la discrimination envers les femmes sont très répandues et elles n’ont pas les mêmes droits que les hommes en ce qui concerne le mariage, le divorce, la garde des enfants, l’héritage, les voyages et même le choix des vêtements.
Dans certaines universités, les femmes n’ont pas le droit d’étudier certaines matières, allant de l’ingénierie à la littérature anglaise, en raison des quotas qui visent à inverser les progrès réalisés s’agissant du nombre et de la proportion d’étudiantes. Elles font aussi l’objet de restrictions pour assister à des événements sportifs dans les stades publics.
« Les autorités iraniennes se servent de la loi pour tenter d’enrayer les progrès des femmes dans le pays et de les confiner dans leur rôle de mères et d’épouses. Au lieu d’ajouter à la longue liste de discriminations que les femmes iraniennes endurent, elles devraient reconnaitre leur statut d’êtres humains dotés de droits fondamentaux et abroger ces lois discriminatoires, a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.
« Les pouvoirs publics en Iran s’efforcent déjà de contrôler comment s’habillent les femmes, où elles travaillent et ce qu’elles étudient. Ils veulent maintenant s’ingérer dans leur vie privée, en contrôlant leur corps et le nombre de leurs enfants. Il faut abandonner ces projets de loi et rétablir le financement de services de planning familial de qualité. Les femmes doivent pouvoir vivre dans la dignité, sans violation intrusive de leurs droits et libertés fondamentales. »
Le guide suprême iranien, Ali Khamenei, a demandé l'an dernier aux autorités de prendre des mesures afin d'augmenter le nombre de naissances, pour doubler la population de 77 millions actuellement à 150 millions d'ici 50 ans.
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