mercredi 8 mars 2017

La Rapporteuse spéciale des Nations Unies est préoccupée par la persistance de la pratique de l'exécution publique en Iran

 Mme Asma Jahangir a été nommée Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies lors de sa 33e session. Après avoir terminé ses recherches, elle regrette que ces dernières n’aient révélé aucune amélioration notable de la situation des droits de l'homme dans le pays.
Elle affirme que la situation dans des domaines tels que l'indépendance du pouvoir judiciaire et des avocats, la liberté d'expression et l'usage de détentions arbitraires continue d'inquiéter sérieusement.
 Les organisations de défense des droits de l'homme qui surveillent les exécutions en Iran estiment qu'au moins 530 exécutions ont eu lieu en 2016. La plupart de ces exécutions ne faisaient pas partie des infractions les plus graves liées à la drogue. Les délinquants toxicomanes sont souvent privés de procédures légales et de procès équitables. Ils sont détenus pendant de longues périodes de détention secrète et d’incarcération avant procès, n'ont pas accès à un avocat et/ou à une défense appropriée, il y a des allégations selon lesquelles les délinquants toxicomanes subissent des coups et des aveux forcés qui seront ensuite utilisés dans les tribunaux révolutionnaires pour garantir leurs peines capitales. Le Code de procédure pénale récemment amendé, qui prévoit que toutes les condamnations à mort, y compris celles relatives aux infractions liées aux drogues, doivent être examinées par la Cour suprême ne semble pas avoir entraîné de changement significatif à cet égard.
La Rapporteuse spéciale s'est également inquiétée de la poursuite de l'exécution publique. Il est rapporté que certaines exécutions ont eu lieu dans des lieux publics en présence d'enfants, mais cela a été réfuté par l'État partie.
La République islamique d'Iran aurait exécuté le plus grand nombre de délinquants juvéniles dans le monde au cours de la dernière décennie. En dépit d'une interdiction absolue de la pratique en droit international, le code pénal iranien continue de maintenir explicitement la peine de mort pour les garçons d'au moins quinze ans et les filles d'au moins 9 ans pour les qisas (loi du talion) ou les crimes de houdoud, tels que l'adultère ou la sodomie. À la suite des modifications apportées au Code pénal en 2013, les juges sont désormais tenus d'évaluer la capacité mentale des mineurs délinquants avant de prononcer une condamnation à mort afin de déterminer s'ils ont compris les conséquences de leurs actes au moment où ils ont commis des crimes de houdoud.
Mme Asma Jahangir note comme positive l'adoption de l'article 1197 du Code de procédure pénale qui reconnaît le droit de l'accusé de garder le silence pendant les enquêtes préliminaires et de l'article 60 qui interdit explicitement l'usage de la coercition, du langage obscène ou dérogatoire, d’interrogatoire suggestif/trompeur ou non pertinent. Cependant, elle a souligné que les formes de torture ne sont pas définies par la loi iranienne et que le nouveau code n'a pas établi les procédures nécessaires pour enquêter sur les allégations de torture. Elle a également reçu de nombreux cas documentés de personnes qui auraient été soumises à la torture et à de mauvais traitements en vue d'obtenir d’eux des aveux. La pratique de l'isolement cellulaire pendant une période prolongée a été documentée et il existe également de nombreux cas où des détenus ont été privés de visites familiales et/ou de soins médicaux.
Dans un rapport publié en juillet 2016, une source non gouvernementale a souligné 18 cas de refus de traitement médical et a indiqué que l'objectif de cette pratique était d'intimider et de punir les prisonniers politiques et les prisonniers d'opinion.
Dans le cas de Mme Akbari Monfared, qui purgeait une peine de 15 ans d'emprisonnement en raison de son appartenance au groupe d'opposition banni connu sous le nom d'Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran (OMPI), le refus de traitement médical aurait eu lieu après qu’elle ait publié une lettre demandant justice pour ses frères et sœurs qui auraient été exécutés en 1988. Le gouvernement a répondu à la plupart de ces cas indiquant que les prisonniers étaient en bonne santé et qu'ils bénéficiaient de soins médicaux et d'installations sanitaires appropriées.
En juin, Mme Narges Mohammadi, une éminente activiste des droits de l'homme, a fait sa grève de la faim pendant 20 jours pour regagner l'accès à ses enfants. Selon le gouvernement, elle a été condamnée à un an de prison pour propagande contre le système, cinq ans de prison pour rassemblement et collusion contre la sécurité nationale et dix ans pour la mise en place et la gestion d'un groupe sans autorisation et illégal. Les peines étaient concurrentes et, de ce fait, elle purge dix ans d'emprisonnement.
En décembre, Mme Nazanin Ratcliffe, une travailleuse caritative britano-iranienne dont la détention a été considérée comme arbitraire par le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, aurait été contrainte à choisir entre transférer sa fille de deux ans en prison ou signer un document renonçant à tous ses droits au sujet de son enfant. Au moins 50 avocats auraient été poursuivis depuis juin 2009 pour avoir représenté des prisonniers d'opinion, des détenus politiques ou des prisonniers dont les cas sont liés à la « sécurité nationale ». Le 20 mai 2016, le prédécesseur de la Rapporteuse spéciale et d'autres experts des Nations Unies ont émis une déclaration commune exprimant leur préoccupation au sujet de la situation des avocats et des défenseurs des droits de l'homme, purgeant des peines lourdes pour leurs activités pacifiques ou simplement pour l'exercice de leurs obligations professionnelles. Les experts ont noté qu'en plus de détenir des avocats spécialisés dans les droits de l'homme, leur ciblage et harcèlement continu par les autorités avait apparemment « forcé certains avocats à limiter leurs activités professionnelles ou à quitter complètement la profession ».
La Rapporteuse spéciale apprécie la déclaration faite en novembre par le Président Rohani au sujet de la nécessité pour les médias d’informations de se sentir en sécurité pendant leur travail et note qu'une déclaration similaire avait été faite dans le passé. Cependant, le 18 mai 2016, le Parlement iranien a adopté le projet de loi sur les crimes politiques, qui oblige le pouvoir judiciaire à poursuivre ces crimes devant un jury. Certaines dispositions de cette loi, y compris l'article 1, semblent incriminer les tentatives de « réformer les politiques du pays » et l'article 2 réaffirme l'autorité du gouvernement de pénaliser la « publication de mensonges » ainsi que les insultes ou la diffamation contre des responsables tels que le président et ses adjoints, le chef du pouvoir judiciaire et les parlementaires. De plus, le gouvernement se préparerait à présenter deux projets de loi au Parlement qui, s'ils sont adoptés, pourraient affaiblir davantage la liberté de la presse et la liberté d'expression dans le pays. Le premier projet de loi vise à remplacer la loi actuelle sur la presse et le second établirait une organisation étatique. Aux termes des articles 609 et 698 du Code pénal islamique, critiquer les responsables du gouvernement ou publier de fausses informations est punissable de 74 coups de fouet. Le gouvernement a, cependant, attiré l'attention de la Rapporteuse spéciale sur le fait que « en Iran, insulter des dirigeants dévoués, de grandes personnalités et des penseurs, est inconcevable et de nombreux pays, y compris l'Iran, ont incriminé ces comportements insultants ».
Mme Asma Jahangir regrette qu'aucun progrès n'ait été accompli en ce qui concerne la ratification de la Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes et l'élimination des dispositions juridiques qui discriminent les femmes dans divers domaines. Il est particulièrement inquiétant que des dispositions manifestement discriminatoires telles que celles contenues dans le code pénal, qui stipule que la valeur de la vie d'une femme est égale à la moitié de celle d'un homme, restent en vigueur dans le pays. Il est également préoccupant d'adopter de nouvelles dispositions discriminatoires à l'encontre des femmes.
Le mariage des enfants reste légalement possible pour les filles de 13 ans et pour les garçons de 15 ans. Même les plus jeunes peuvent être mariés avec la permission du tribunal, mais le mariage ne peut être consommé avant la puberté. En juin, un porte-parole de l'Association pour la protection des droits des enfants, basée à Téhéran, a déclaré que les mariages d'enfants avaient atteint des niveaux alarmants et a souligné qu'environ 17% de tous les mariages dans le pays impliquaient des filles mariées avec des vieillards. Les mariages forcés sont interdits par la loi.
Et pourtant, les lois et règlements discriminatoires qui imposent aux femmes d'observer le code vestimentaire islamique, ou le hijab, continuent d’être appliqués par les responsables de la sécurité et de l'application de la loi, mais aussi par les citoyens conformément à la législation de 2015.


La situation des minorités religieuses reconnues et non reconnues demeure une préoccupation sérieuse. Les Bahaïs continuent d'être systématiquement discriminés, ciblés et privés du droit à un moyen de subsistance. La Rapporteuse spéciale demande instamment aux autorités de reconnaître que la liberté de religion ou de conviction implique la liberté de choisir une religion ou une conviction ; et que les mesures limitant l'accès aux privilèges civils, politiques, sociaux ou économiques ou imposant des restrictions particulières à la pratique d'autres religions, violent l'interdiction de la discrimination fondée sur la religion ou la conviction et la garantie d'une protection égale en vertu de l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

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