CSDHI – En octobre 2019, quelques jours après son arrestation et son extradition d’Irak, les autorités iraniennes ont diffusé les aveux forcés du journaliste dissident Ruhollah Zam sur IRIB. Dans une autre confession diffusée, on voit le journaliste d’IRIB, Ali Rezvani, interroger un Zam visiblement épuisé et échevelé.
Cet article est un extrait du rapport annuel 2020 d’Iran Human Rights sur la peine de mort en Iran.
Depuis sa création en 1979, la République islamique utilise les « aveux télévisés » comme un outil de propagande. Elle vise à susciter la peur et à justifier les lourdes peines infligées à ses opposants politiques et à ses militants. Ces aveux sont extorqués après des actes de torture physique ou psychologique, un long isolement, des menaces ou des promesses de réduction de la gravité de la peine. Les aveux sont souvent diffusés à la suite de protestations publiques contre une peine, ou avant l’exécution. Le but recherché est de réduire la réaction de l’opinion publique. Selon un rapport publié en juin 2020 par les groupes de défense des droits JFI et FIDH, « la télévision officielle iranienne a diffusé les aveux forcés présumés d’au moins 355 personnes au cours de la dernière décennie comme un moyen à la fois de supprimer la dissidence et d’effrayer les militants de la République islamique pour le compte des services de sécurité. »
Le 1er septembre 2020, IHR a publié des documents judiciaires prouvant que le manifestant Navid Afkari et ses frères et co-accusés, Habib et Vahid, ont subi des tortures. Le régime les a contraints à des aveux forcés. Puis, il les a condamnés à mort bien qu’ils aient signalé ces faits à plusieurs reprises au juge et au tribunal. Le 5 septembre, la chaîne de télévision IRIB (Islamic Republic of Iran Broadcasting) a diffusé des extraits des aveux forcés de Navid afin de réfuter les preuves et de justifier ses actions. Le régime a transféré les frères dans des quartiers punitifs. Navid a été exécuté le 12 septembre. Vahid et Habib sont détenus en isolement depuis le 5 septembre.
Les aveux forcés sont également souvent diffusés avant même le début des procédures judiciaires et sont ensuite utilisés comme preuves par les juges pour fonder leurs décisions. En octobre 2019, quelques jours après son arrestation et son extradition d’Irak, les aveux forcés du journaliste dissident Ruhollah Zam ont été diffusés sur IRIB. Les journalistes d’IRIB ont également franchi les frontières et joué le rôle d’interrogateurs. Dans une autre confession diffusée, on voit Ali Rezvani interroger un Zam visiblement épuisé et échevelé, qui a été exécuté le 12 décembre.
Une plainte a également été déposée contre Ameneh Zabihpour d’IRIB par Sepideh Gholiyan, militante des droits des travailleurs, pour son rôle dans la production d’un prétendu documentaire qui a diffusé les confessions forcées de Sepideh, Esmail Bakhshi et d’autres militants en décembre 2019. Son affaire a été rejetée et Sepeideh a elle-même été inculpée pour avoir porté plainte, Sepideh reste en prison. En réaction, les Iraniens se sont rendus sur les médias sociaux pour faire entendre leur voix avec le hashtag #بازجو_خبرنگار (« journaliste interrogateur »), en référence à la fois à Ali Rezvani et à Ameneh-Sadat Zabihpour.
Le 30 janvier 2020, 13 groupes de défense des droits humains, dont IHR et ECPM, ont demandé à l’Union européenne d’adopter des mesures restrictives à l’encontre du radiodiffuseur officiel iranien (IRIB) et de ses responsables pour avoir produit et diffusé des confessions forcées de dissidents, souvent utilisées dans les tribunaux comme preuves à charge. Les groupes de défense des droits signataires de la déclaration ont déclaré que leur préoccupation est « aggravée et rendue plus urgente par le fait que, dans le cadre des vagues généralisées de répression et de violations massives des droits humains en Iran observées lors des récents troubles et soulèvements de novembre 2019, de nombreux détenus identifiés par les autorités comme des dirigeants présumés risquent de faire l’objet de confessions télévisées forcées. De plus, leur contenu risque d’être utilisé contre eux pour des condamnations sévères. Et ils risquent même d’encourir la peine de mort. » Selon cette déclaration, depuis les manifestations nationales de novembre 2019, IRIB a déjà diffusé au moins 22 aveux télévisés forcés qu’ils ont obtenus des détenus.
La chaîne anglaise et française d’IRIB, Press TV, a été « Le producteur et le diffuseur du plus grand nombre d’aveux forcés et de programmes diffamatoires contre les militants et la société civile iraniens » : au moins 70 ont été documentés par JFI au cours de la dernière décennie.
Source : IHR
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