CSDHI, le 21 novembre 2017 - Cette semaine, Téhéran a annoncé qu'il poursuivrait un programme de développement de missiles qui, selon les analystes de la défense, pourrait permettre à l'Iran de lancer des armes nucléaires.
C'était une menace publique qui a naturellement suscité une forte réaction de la part des États-Unis et de l'Occident : le risque de prolifération nucléaire par un régime fanatique est en effet une menace pour des millions de personnes dans la région. Mais il y a une autre menace, potentiellement plus grande, venue de l'intérieur de l'Iran, une menace insidieuse par le fait que personne en dehors de l'Iran ne semble s'en soucier mais qui met en péril les valeurs et la conscience morale du monde civilisé. Je parle du massacre de quelques 30 000 iraniens - y compris mon oncle – par les mains de l'État en 1988. Et les meurtres arbitraires et les exécutions se poursuivent.
En 1981, au cours des premières années de la soi-disant « révolution islamique » en Iran, mon oncle Mahmood « Masoud » Hassani avait 21 ans et il étudiait l’économie à l'université de Téhéran. Le 30 juin, mon oncle n'est jamais rentré de l'école.
Presque deux mois traumatisants se sont écoulés avant que Masoud appelle ma famille pour dire qu'il était en prison depuis sa disparition et qu’avait été condamné à dix ans d’incarcération dans la tristement célèbre prison d'Evine. Même en l'absence de toute preuve, il a été reconnu coupable d'avoir « agi contre la sécurité nationale » et « répandu la corruption sur Terre » tout cela parce qu'il avait distribué des brochures pro-démocratiques près de son campus.
Quand mon oncle était dans la septième année de sa peine, l'ayatollah Ruhollah Khomeini a publié une célèbre fatwa, appelant à l'exécution immédiate des prisonniers politiques iraniens. Des comités de la mort ont été mandatés pour exiger que les prisonniers, les yeux bandés, se repentent pour leurs actions et celles de leurs compagnons de cellule. Ceux qui se sont pliés ont été amnistiés. Ceux, comme mon oncle, à qui aucune telle excuse n’ a été offerte, ont été emmenés et sont passés par une série de portes dont ils ne sont jamais revenus.
Sans jamais voir l'intérieur d'une salle d'audience ou être autorisé à contacter ses proches, mon oncle a été pendu à l'âge de 27 ans entre le 28 juillet et le 1er août 1988.
Malheureusement, son histoire n'est pas unique. En moins de cinq mois, 30 000 des plus brillants étudiants, professeurs et militants dévoués de l'Iran ont subi le même sort. Les femmes enceintes et les enfants dès l'âge de 13 ans faisaient partie des victimes de ces massacres systématiques, qui ont effectivement décimé toute une génération d'iraniens qui s'étaient dévoués à la lutte pour la démocratie.
Mais 29 ans plus tard, le régime des mollahs n'a toujours pas réussi à faire taire les appels à la liberté et à la justice. L'année dernière, le fils de l'ayatollah Ali Montazeri, le successeur destiné du Guide suprême, Khomeiny, a publié un enregistrement audio qui détaille l'ampleur troublante des purges. Dans ce document, les juristes iraniens ont eux-mêmes décrit un crime évident contre l'humanité. Pour avoir laissé s’échapper cette information, Ahmad Montazeri a été rapidement arrêté, mais pas avant qu'une discussion publique sans précédent n'ait débuté sur les massacres de 1988.
Ainsi, 60 millions d'Iraniens nés après la révolution ont été confrontés à une question longtemps renvoyée aux calendes grecques, à la fois par les autorités iraniennes qui craignent un soulèvement public et par des milliers et des milliers de familles de victimes qui, avec les plus nobles intentions, ont enduré silencieusement leur chagrin et leur tristesse, de peur de revivre les horreurs dont ils savent que ce gouvernement est capable. Leurs craintes sont fondées : de nombreux membres du pouvoir judiciaire qui ont supervisé l'exécution de la fatwa de Khomeiny en 1988 occupent les mêmes postes aujourd'hui.
Malgré les menaces de violence, de torture et d'exécution, de jeunes Iraniens courageux se sont récemment levés pour placer cette question au centre de la scène, comme lorsque le candidat à la présidence, Ebrahim Raisi, a été massivement exclu des scrutins, en grande partie, à cause de son rôle dans le massacre de 1988.
Le nouveau contrôle a forcé un certain nombre de hauts fonctionnaires iraniens à aborder cette question de front et à reconnaître le bilan historique. Mais ils ne l'ont pas fait avec contrition. Le 28 août 2016, le procureur et politicien iranien, Mostafa Pour-Mohammadi, a dit à propos des exécutions de masse : « Nous sommes fiers d'avoir accompli le commandement de Dieu et de nous être levés avec courage et d’avoir combattu les ennemis de Dieu et du peuple ».
Alors que l'insatisfaction, la désillusion et le dissentiment continuent de grandir parmi la population jeune et dynamique de l'Iran, les autorités ont commencé à ressentir la pression et à lancer de nouveaux plans pour dissimuler leur histoire. Il est prévu de construire des centres commerciaux sur les sites de sépulture non marqués souvent fréquentés par les familles des victimes. Cela détruirait des preuves médico-légales cruciales permettant aux auteurs du massacre de 1988 d'être traduits en justice.
Les organisations de la société civile continuent à recevoir des nouvelles troublantes au sujet de la persécution et des arrestations des membres survivants de famille qui ont demandé des informations sur l'emplacement des restes de leurs proches. Maryam Akbari Monfared, par exemple, purge actuellement une peine de 15 ans à la prison d'Evine, sans visites familiales ni soins médicaux. Trois des frères de Mayram et sa soeur ont été exécutés au cours des purges, et son propre « crime » consiste à avoir publié une lettre demandant une explication au sujet de ces exécutions et des enterrements secrets subséquents.
Alors que les efforts populaires autour de cette question prennent de l'ampleur, deux choses devraient faire réfléchir les auditoires mondiaux. Premièrement, l'impunité continue du système judiciaire iranien, avec au moins 3 100 exécutions depuis que Hassan Rohani a pris ses fonctions en 2013. Le second est le silence des organes gouvernementaux internationaux chargés de documenter ces sortes d'abus des droits de l'homme.
Pour les familles des victimes, comme la mienne, il est devenu douloureusement clair que le maintien des liens économiques avec un pays riche en pétrole a souvent éclipsé les plus sincères efforts à se prononcer sur le bilan des droits de l'homme en Iran.
Avec une abondance de preuves contemporaines et archivistiques fournies aux agences intergouvernementales appropriées, comment pourrions-nous expliquer leur silence sinon comme un exemple de contrepartie ?
A en juger par le manque d'indignation ou d'antécédents historiques en Occident, les atrocités qui n'affectent pas directement les autres ne se produisent-elles tout simplement pas ?
Ces vérités sont-elles gênantes ?
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