Le 17 août 2019, quatre femmes arrêtées par les pasdarans (IRGC) pour avoir tenté de pénétrer dans le stade Azadi de Téhéran afin d'assister à un match de football masculin ont été libérées sous caution de la prison de Gharchak, située dans le sud de la capitale, deux jours plus tard.
Mais l'interdiction de la présence des femmes dans les enceintes sportives - condamnée par la FIFA et les groupes de défense des droits humains comme étant discriminatoire - reste en vigueur avec le soutien de politiciens intransigeants opposés à l'égalité des sexes.
Forough Alaei, Zahra Khoshnavaz, Leili Maleki et Hedieh Marvasti, qui ont tenté d’entrer dans le stade, déguisées en hommes, ont été applaudies par des journalistes basés en Iran et d’autres persanophones pour avoir courageusement résisté à l’interdiction de la République islamique sur les femmes dans les stades, et ont été appelées les « Filles Azadi ».
Azadi signifie la liberté en persan.
Un photographe du journal Donya-e-Eghesad, Alaei a remporté le premier prix dans la catégorie sports du World Press Photo 2019. La photo, « Crying for Freedom », présente des passionnées de sport se tenant debout devant les portes d'un stade en Iran.
Khoshnavaz est également photographe, acteur de théâtre et poète.
L’Iran est le seul pays au monde à interdire l’accès des femmes aux stades sportifs.
La politique non officielle est soutenue par les conservateurs religieux et les extrémistes politiques en Iran depuis 1980, un an après la création de la République islamique.
L’interdiction est une violation des règles de la FIFA pour les équipes participant à des compétitions internationales de football. L’article 4 des statuts de la FIFA dispose que toute forme de discrimination à l’encontre d’un groupe de personnes est « strictement interdite et passible de suspension ou d’expulsion ».
Le 18 août, après l'annonce de l'arrestation de femmes, la vice-présidente des affaires féminines et familiales, Masoumeh Ebtekar, a déclaré qu'elle soutenait la levée de l'interdiction.
« Il n'y a absolument aucun obstacle à cet égard et nous espérons que nos femmes seront en mesure de pénétrer en toute sécurité dans les stades dans les meilleures conditions possibles, selon des paramètres établis », a-t-elle déclaré.
Mais d'autres responsables ont réagi en niant toute responsabilité.
« Si ces arrestations ont réellement eu lieu, elles n'ont rien à voir avec l'IFF », a déclaré le porte-parole de la Fédération iranienne de football (IFF), Amir Mehdi Alavi.
La FIFA demande à l'Iran de lever l'interdiction discriminatoire
En septembre 2018, le Comité consultatif des droits humains de la FIFA a recommandé que celle-ci « précise le délai dans lequel elle attend de son association membre [Iran] qu’elle s’aligne sur les attentes de la FIFA en matière de droits humains ».
En juin 2019, le président de la FIFA, Gianni Infantino, a déclaré qu’il serait « très reconnaissant » si le gouvernement iranien pouvait l'informer avant le 15 juillet des « mesures concrètes » prises « pour s'assurer que toutes les femmes iraniennes et étrangères qui le souhaitent, soient autorisées à acheter des billets et à assister aux matches des éliminatoires de la Coupe du Monde de la FIFA, Qatar 2022, qui débutera en septembre 2019. »
Cette date limite est arrivée et est passée sans réponse officielle de l'Iran ou de la FIFA.
Dariush Mostafavi, président de la commission de recours de l'IFF, a déclaré devant la télévision iranienne, le 3 août, que la FIFA avait donné à l'Iran jusqu'au 31 août pour permettre aux femmes d'entrer dans les stades.
« La FIFA ne rigole pas », a-t-il déclaré. « Ce n’est pas du ressort du gouvernement… Les femmes pourront bientôt se rendre au stade pour regarder le football. »
Le 27 juillet, Maziar Nazemi, directeur des relations publiques du ministère iranien des sports, a annoncé qu'après un accord avec la FIFA, « les portes du stade Azadi seront bientôt ouvertes aux fans de football féminins. »
Nazemi n'a pas précisé de date et l'interdiction est restée en vigueur un mois après avoir fait son commentaire.
Les autorités iraniennes ont toujours répondu aux appels nationaux et internationaux en faveur d’une levée de l’interdiction en autorisant un nombre limité de femmes, telles que les épouses de membres de l’équipe, à regarder des matchs. Mais cette mesure a toujours été temporaire.
Les autorités intransigeantes et religieuses s'opposent farouchement à la levée de l'interdiction, notamment le procureur général Mohammad, Jafar Montazeri.
« Pourquoi la FIFA se soucie-t-elle que 10, 500, 1 000 ou 5 000 spectateurs aillent voir du football ? », a-t-il déclaré. « Certains d'entre eux doivent-ils être des femmes ? Est-ce que ça veut dire qu'ils ont pitié de nos femmes parce qu'ils insistent pour que les femmes entrent dans le stade ?
Le 6 août, le Grand Ayatollah Nasser Makarem Shirazi a déclaré que permettre aux femmes de rejoindre les hommes dans les stades causerait « beaucoup de problèmes ».
« Le climat dans les stades ne convient pas aux femmes », a-t-il déclaré. « Il ne fait aucun doute que, lorsque les jeunes se mêlent librement, cela cause de nombreux problèmes éthiques et sociaux. »
« De plus, dans certains sports, les hommes portent des uniformes que les femmes ne peuvent pas voir », a-t-il ajouté. « Par conséquent, les femmes devraient rester à l'écart de tels événements, surtout lorsqu'elles peuvent les regarder à la télévision et que leur présence n'est pas nécessaire. »
Les utilisateurs iraniens des médias sociaux critiquent l'interdiction pour les femmes d’entrer dans les stades
Malgré le risque d’être emprisonné pour avoir critiqué publiquement les politiques officielles, certains utilisateurs de médias sociaux parlant le persan ont condamné les arrestations de femmes et ridiculisé l’interdiction dont elles sont victimes.
« Imaginez aller en prison et que l’on vous pose cette question : de quoi vous a-t-on accusé ? Et vous dites, entrer dans le [stade] ! », a tweeté Azadeh Mokhtari, rédacteur en chef pour les affaires sociales à l'agence de presse officielle, Borna.
La journaliste Fatemeh Jamalpour a écrit : « Les Filles d’Azadi sont à la prison de Gharchak pour être allées au stade pour encourager leur équipe favorite ... De la façon dont les choses se déroulent, nous pourrions nous retrouver bientôt à Gharchak. »
Dans un autre tweet, Jamalpour a félicité Alaei pour avoir donné des informations au sujet de la lutte des femmes pour obtenir la levée de l'interdiction : « Forough, c'est l'avenir du journalisme. La prison n'est pas où Forough devrait être. Sa place est dans le stade pour prendre des photos du match. »
Notant que les femmes détenues s'étaient déguisées en hommes pour entrer dans le stade, le journaliste de Borna, Mahboubeh Rostami, a demandé : « Qu'est-ce que ces filles ont fait de mal ? Au lieu du stade Azadi, elles se sont retrouvées dans la prison de Gharchak.
Le journaliste Elahe Mohammadi a tweeté : « J'espère que le président de la FIFA, Infantino, ne refusera pas de suspendre le football iranien. Les filles libérées retourneront au stade Azadi. Les totalitaires en sont bien conscients.
Pahlavvan, un autre utilisateur iranien de Twitter, a écrit : « Une logique islamique creuse : aller au stade n’est pas conforme au statut des femmes, mais c’est indigne d’elles d’aller en prison pour avoir voulu entrer dans le stade. »
Pendant ce temps, l'utilisateur de Twitter « liliummehr » a tweeté que tous les Iraniens considéreraient un jour l'interdiction comme une politique barbare : « Quand les générations futures liront des choses sur les femmes moustachues et découvriront pourquoi elles sont allées en prison, vont-elles rire pendant des heures ou pleurer ? Auront-elles le même sentiment que nous lorsque nous lisons dans des livres d'histoire au sujet du roi Qajar Agha Mohammad Khan, qui a créé une colline à partir des yeux du peuple qu'il a combattu dans l'une de ses guerres ?
Source : Le Centre pour les droits de l’homme en Iran
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