Après 31 ans, le massacre de 1988 en Iran, qui a expédié plus de 30 000 prisonniers politiques à la potence en seulement quelques mois sur la base d'une fatwa de Khomeiny, est redevenu une question d'actualité dans la société iranienne.
Le décret de Khomeiny demandait l'exécution de tous les prisonniers politiques affiliés à l'Organisation des Moudjahidine du Peuple d'Iran (OMPI) qui restaient fidèles à cette organisation. Des « commissions de la mort» ont été constituées dans tout l'Iran, ordonnant l’exécution des prisonniers politiques qui refusaient d'abandonner leurs convictions idéologiques. Les prisonniers politiques affiliés à d'autres groupes ont été exécutés au cours d'une deuxième vague d’exécution environ un mois plus tard. Les victimes ont été enterrées secrètement dans des fosses communes.
Les proches des victimes ont témoigné en direct lors d’une émission sur une chaîne de télévision satellitaire la semaine dernière et ont révélé de nouveaux secrets sur la façon dont les familles avaient été et continuent d'être harcelées par le régime pour étouffer l’affaire. Ils se sentent également victimes du régime depuis plus de trois décennies et ne sont plus capables de garder le silence.
Les hauts responsables du régime se voient dans l'obligation de parler de l'un des crimes contre l'humanité les plus sinistres de notre époque et d'essayer de le défendre.
Les mollahs voulaient prétendre, sans succès, que l'affaire appartenait au passé. Mais les crimes contre l'humanité ne restent jamais cachés dans l'histoire. Les responsables doivent être traduits en justice, même s'ils ne sont plus en fonction.
Mais ce n'est pas le cas en Iran.
Les assassins de masse sont bien en place et sont à la tête du pouvoir judiciaire et d'autres forces du régime.
Le chef du pouvoir judiciaire iranien « aurait été membre d’une commission qui avait ordonné l'exécution extrajudiciaire de milliers de prisonniers politiques en 1988 », selon un rapport présenté en 2017 à l'Assemblée générale des Nations Unies par le Rapporteur spécial sur la situation des droits humains en Iran.
Une enquête menée en 2017 par l'ONG londonienne Justice for the Victims of the 1988 Massacre in Iran (JVMI) a révélé l'identité de 87 membres de la commission de la mort. Bon nombre d'entre eux occupent encore des postes de haut rang au sein du pouvoir judiciaire ou du gouvernement. Il s’agit notamment du :
- Chef du pouvoir judiciaire : Ebrahim Raïssi était en 1988 Procureur adjoint de Téhéran et membre de la Commission de la mort de Téhéran. Il est devenu Chef du pouvoir judiciaire en mars 2019.
- Ministre de la Justice : Alireza Avaei était le Procureur de Dezful et membre de la Commission de la mort. Il est maintenant ministre de la Justice d’Hassan Rohani.
- Vice-président du Parlement : Abdolreza Mesri était membre de la Commission de la mort de Kermanchah. Il est devenu vice-président du Majlis (Parlement des mollahs) en mai 2019.
- Conseiller du Chef du pouvoir judiciaire : Mostafa Pourmohammadi était membre de la Commission de la mort de Téhéran. Depuis 2018, il est Conseiller du Chef du pouvoir judiciaire.
- Vice-président de la Cour suprême : Hossein-Ali Nayyeri dirigeait la Commission de la mort de Téhéran. Il est actuellement chef de la Cour disciplinaire suprême pour les juges et vice-président de la Cour suprême.
- Juge à la Cour suprême : Ali Razini a siégé à la Commission de la mort de Téhéran. Il est maintenant chef de la 41e chambre de la Cour suprême.
Les mollahs ne connaissent pas d'autre moyen que les menaces et la répression. Le 25 juillet 2019, dans une interview accordée au magazine officiel Mosalas, Mostafa Pour-Mohammadi a défendu le massacre de 1988 et a déclaré que les militants de l'OMPI nouvellement arrêtés seraient passibles de la peine capitale.
Le 29 juillet 2019, Ali Razini a déclaré sur le site web officiel Jamaran, que les meurtres avaient été commis rapidement sur ordre de Khomeiny pour éviter « d'être retardé par les formalités administratives ». Il a récemment avoué à la télévision d’État avoir ordonné l'exécution arbitraire sur le terrain de membres de l'opposition dans l'ouest de l'Iran en 1988.
L’ancien Rapporteur spécial sur la situation des droits humains en Iran a déclaré à l'Assemblée générale de l’ONU : « Au fil des ans, de nombreux rapports ont été publiés sur les massacres de 1988. Si le nombre de personnes disparues et exécutées peut faire l’objet de contestation, des preuves accablantes indiquent que des milliers de personnes ont été sommairement assassinées. »
Tant que la vérité sur le massacre de 1988 ne sera pas dévoilée et que ses auteurs ne seront pas tenus responsables, Téhéran ne mettra pas un terme aux violations des droits humains.
Alors que le Conseil des droits de l'homme se prépare pour sa session de septembre, les missions diplomatiques à Genève devraient faire pression sur le Conseil pour qu'il crée une commission d'enquête sur le massacre de 1988.
Les familles des victimes en Iran attendent du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits humains en Iran, Javaid Rehman, et du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, Fabian Salvioli, qu'ils enquêtent sur le massacre de 1988 en Iran dans le cadre de leur mandat. Et elles exhortent la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, à soutenir l’envoi d'une mission indépendante d’établissement des faits sur ce crime contre l'humanité.
La communauté internationale doit agir en urgence pour mettre un terme à la culture d'impunité du régime.
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