CNRI Femmes – Les derniers jours de juillet de chaque année marquent l’anniversaire du déclenchement du massacre de 30 000 prisonniers politiques en Iran durant l’été 1988 sur un décret de Khomeiny, décrit comme le pire crime contre l’humanité resté impuni depuis la Seconde Guerre mondiale, un crime que le peuple iranien « ne pardonne, ni n’oublie ».
La dernière liste des victimes établie indique que ce massacre s’est déroulé dans au moins 110 villes. Les tueries les plus intenses ont commencé dans les prisons d’Evine et de Gohardacht et visaient spécifiquement les membres de l’organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI/MEK).
Des rafles politiques ont également été lancées à travers le pays juste après l’annonce du cessez-le-feu dans la guerre Iran-Irak, allant jusqu’à 10.000 arrestations.
Une autre partie du massacre a été les procès minutes des partisans de l’OMPI dans l’ouest de l’Iran ainsi que de jeunes, hommes et femmes, qui s’étaient rendus dans les régions occidentales pour aider l’OMPI.
La dirigeante de l’opposition iranienne Maryam Radjavi a déclaré que ce massacre est « une rencontre sanglante entre le Moyen Age et les générations futures, les générations qui ont engendré la révolution de 1979, qui ont représenté une nation engagée à fonder une société libre et égale ».
Les autorités iraniennes ont refusé de dire aux familles où se trouvaient les tombes des exécutés. Elles ont aussi détruit de nombreuses fosses communes. Bien que l’emplacement de leurs tombes ne soit pas connu, le souvenir de ces victimes innocentes continuent de vivre dans le cœur de millions d’Iraniens.
Le massacre de 1988
Geoffrey Robertson QC, ancien juge à la cour spéciale de l’ONU pour le Sierra Leone et avocat renommé dans le domaine des droits humains, qui a enquêté sur ce crime contre l’humanité, décrit le massacre de cette manière :
Fin juillet 1988, alors que la guerre avec l’Irak se terminait, les prisons iraniennes, qui étaient pleines d’opposants, se sont soudain fermées.
Toutes les visites des familles ont été annulées, la télévision et les radios éteintes. Les prisonniers étaient gardés dans leurs cellules, n’étaient pas autorisés à faire de l’exercice ou à se rendre à l’hôpital.
La seule visite autorisée était celle d’une délégation, enturbannée et barbue, qui venait dans des BMW noires du gouvernement. Un juge religieux, un procureur et un chef des services de renseignements.
Devant eux défilaient brièvement et individuellement presque tous les prisonniers, puis des milliers d’entre eux qui étaient emprisonnés pour leur adhésion à l’OMPI.
La délégation n’avait qu’une seule question à poser à ces jeunes femmes et hommes, pour la plupart détenus depuis 1981, simplement pour avoir participé à des manifestations de rue ou pour avoir été en possession de lecture politique. Et bien qu’ils ne le sachent pas, de leur réponse dépendra leur vie. Ceux qui (ont confirmé leur) affiliation continue avec l’OMPI ont eu les yeux bandés et reçu l’ordre de rejoindre une ligne qui menait directement à la potence.
Ils étaient suspendus à des grues 4 à la fois, ou par groupes de 6, à des cordes suspendues à l’avant de la scène de la salle de réunion. Certains étaient emmenés la nuit dans des casernes, on leur demandait de faire leur testament, puis on les fusillait au peloton d’exécution. Leurs corps étaient aspergés de désinfectant, emballés dans des camions frigorifiques et enterrés la nuit dans des fosses communes.
Des mois plus tard, leurs familles, désespérées d’obtenir des informations sur leurs enfants, se voyaient remettre un sac en plastique contenant leurs quelques biens. On leur refusait toute information sur l’emplacement des tombes et on leur ordonnait de ne jamais les pleurer en public. À la mi-août 1988, des milliers de prisonniers avaient été tués de cette manière par l’État. Sans procès, sans appel et totalement sans pitié.
La résistance inspirée des jeunes femmes
Dans la fièvre de ce carnage, dans l’un des quartiers de la prison d’Ahvaz, deux mollahs sanguinaires du nom de Jazayeri et Abdollahi ont crié : « Vous devez choisir. Khomeiny est d’un côté et Massoud Radjavi (le dirigeant de la Résistance iranienne) de l’autre. De quel côté êtes-vous ?”
Du bout du couloir, une jeune femme a crié : « Vive Massoud, à bas Khomeiny ! » Il s’agissait de Sakineh Delfi, 26 ans, une héroïne d’Abadan.
En l’entendant crier, les gardiens de la révolution se sont rués sur elle et l’ont rouée de coups. Le lendemain matin, 349 des 350 détenues de ce quartier ont été pendues.
Les victimes étaient jeunes, pleines d’énergie, éduquée, fières, belles et désintéressées, qui affrontaient courageusement les despotes au pouvoir. Beaucoup d’entre elles avaient fini de purger leur peine. Elles ont défendu la liberté et incarné la dignité de la nation iranienne.
On sait que les prisonnières, étaient fermes et résilientes et qu’elles inspiraient la résistance tout en sachant qu’elles devaient passer par l’horrible expérience du viol avant d’être pendus. Mais elles ont dit « NON » aux bourreaux.
Un crime contre l’humanité resté impuni
Selon Geoffrey Robertson, « le meurtre de prisonniers est le pire de tous les crimes de guerre ; il existe depuis des centaines d’années. Le prisonnier est totalement à la merci de l’État. C’est pourquoi le droit international, depuis le XVe siècle, accorde une protection spéciale aux prisonniers de guerre (…) Le code de la liberté de 1863, en Amérique, le code de guerre américain, a rendu absolument criminel le fait de tuer un prisonnier qui s’est rendu. Les conventions de Genève de 1949, base du droit international, font du meurtre d’un prisonnier un crime international. »
Ancien juge de l’ONU et président du tribunal du Sierra Leone, M. Robertson, a déclaré : « Il y a eu trois exemples odieux et hideux depuis la Seconde Guerre mondiale.
Le premier est celui de l’armée japonaise qui, en 1946, a fait marcher à la mort 7 000 soldats américains. Qu’est-il arrivé aux commandants japonais qui ont ordonné ce crime ? Ils ont été jugés, et ils ont été condamnés, et ils ont été exécutés.
Le deuxième exemple est celui de Srebrenica, en 1992, où 7 000 hommes et garçons musulmans ont été tués. Qu’est-il arrivé aux commandants qui ont donné les ordres, à Milošević et à Karadzic ? Ils sont actuellement en procès à La Haye. Ils ont été punis et le seront encore.
Le troisième, le pire exemple, s’est produit en 1988, lorsque des milliers et des milliers de prisonniers qui étaient membres de l’OMPI, puis des athées, des communistes et des libéraux. Des gens qui étaient en prison pour leur opinion politique, beaucoup d’entre eux avaient purgé leur peine ; ils avaient été arrêtés en 1981 et étaient en prison alors qu’ils avaient fini leur peine ; ils ont été tués, de façon monstrueuse, et cet acte terrible n’a jamais été puni. »
Mettre fin à l’impunité
Le régime en Iran s’est abstenu de publier les informations et les détails du massacre des prisonniers politiques de 1988 et s’est gardé à l’abri de toute responsabilité internationale.
Les auteurs de ce crime contre l’humanité, profondément impliqués dans le massacre sanglant de prisonniers innocents, occupent de hautes fonctions dans le pouvoir.
Les plus hauts responsables de ce crime et membres des commissions de la mort font partie des hauts responsables qui dirigent ce régime, notamment le président de la Cour suprême et le chef du pouvoir judiciaire et le ministre de la Justice. Tous restent impuni.
Un certain nombre d’entre eux, dont le guide suprême des mollahs, Ali Khamenei, sont d’ardent défenseur du massacre de 1988. Ils disent même qu’ils en sont fiers. Et pourtant, ils jouissent de l’impunité.
Dans un rapport publié en décembre 2018, Amnesty International s’est penchée sur le massacre de 1988 : « L’Iran est confronté à une crise d’impunité (…) La succession des atrocités en Iran est inextricablement liée à l’impunité dont ont bénéficié les autorités iraniennes. »
Morgan Ortagus, la porte-parole du Département d’Etat américain, dans un message vidéo sur Twitter, a récemment déclaré : « L’Iran est confronté à une crise d’impunité : Le 19 juillet marque l’anniversaire du début des soi-disant commissions de la mort en Iran sur ordre de l’ayatollah Khomeiny. Ces commissions auraient fait disparaître par la force et exécuté extrajudiciairement des milliers d’opposants prisonniers politiques. L’actuel chef du pouvoir judiciaire iranien et l’actuel ministre de la justice ont tous deux été identifiés comme d’anciens membres de ces commissions de la mort. Le système judiciaire iranien est largement perçu comme manquant d’indépendance et de garanties de procès équitable. Et les tribunaux révolutionnaires sont particulièrement connus pour ordonner des violations des droits humains. Tous les responsables iraniens qui commettent des violations ou des abus des droits humains devraient être tenus responsables. Les Etats-Unis appellent la communauté internationale à mener des enquêtes indépendantes et à faire en sorte que les victimes de ces horribles violations des droits humains, organisées par le régime iranien, rendent des comptes et obtiennent justice. »
Le temps de demander des comptes
Le temps est venu pour la communauté internationale de mettre fin à trois décennies d’impunité pour les dirigeants du régime clérical en Iran et de les tenir responsables de leurs crimes.
Le temps est venu de soumettre le dossier des violations des droits humains en Iran, en particulier les exécutions des années 1980 et le massacre de 1988, au Conseil de sécurité des Nations unies.
Le temps est venu pour Khamenei et ses complices de faire face à la justice pour avoir commis des crimes contre l’humanité.
Le temps est venu pour les Nations Unies de lancer une mission internationale d’enquête sur le massacre de 1988 en Iran.
Comment le monde peut-il tolérer de siéger aux Nations unies aux côtés de ceux qui sont directement impliqués dans le massacre de dizaines de milliers de prisonniers ? Comment peut-il négocier et commercer avec eux ? C’est une parodie de droits humains.
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