Le Monde (avec AFP) - Face à l’ampleur prise par la campagne « Ne les exécutez pas », le dossier de trois hommes arrêtés (condamnés à l'exécution) lors du mouvement de contestation de l’automne 2019 sera réexaminé.
Lorsque les Iraniens ont commencé leur campagne virtuelle « Ne les exécutez pas », presque personne n’avait l’espoir que cette démarche puisse sauver la vie de trois jeunes manifestants condamnés à mort. Or ce simple mot dièse en persan, utilisé 10 millions de fois sur Twitter et largement relayé sur Instagram, a porté ses fruits. Ce dimanche 19 juillet, la justice iranienne a suspendu la peine capitale d’Amir Hossein Moradi, de Said Tamjidi et de Mohammad Rajabi, trois Téhéranais condamnés à la peine capitale pour avoir pris part à la contestation antipouvoir de novembre 2019. Leur dossier sera réexaminé.
Seulement vingt-quatre heures après son lancement, le 14 juillet, cette campagne, remarquable par son ampleur et son étendue, avait poussé la justice iranienne à laisser les avocats des trois condamnés consulter, pour la première fois, le dossier. Ils ont ensuite pu rédiger une demande de réexamen de l’affaire et l’adresser à la justice.
En novembre 2019, suite à l’annonce d’une hausse des prix à la pompe par l’Etat iranien, des manifestations avaient éclaté sur l’ensemble du territoire, se transformant rapidement en contestation politique contre les dirigeants du pays. L’organisation Amnesty International estime que la répression du mouvement a fait au moins 304 morts et que des milliers de manifestants ont été interpellés. Pour empêcher la diffusion d’informations, Internet avait été coupé dans tout le pays pendant une semaine, une première dans l’histoire de la République islamique d’Iran.
Pression de l’opinion publique
Un nombre important d’athlètes, de politiques et d’universitaires, ainsi que des stars du cinéma, dont le célèbre réalisateur iranien Asghar Farhadi (Une Séparation, 2011), ont pris part, ces derniers jours, à la campagne contre les trois condamnations. Certains ont reçu des appels téléphoniques menaçants des services de renseignement.
« Vous allez manquer de cordes de pendu. Nous sommes nombreux. Ne les exécutez pas ! » a ainsi écrit sur Instagram le footballeur Mohammad Mazaheri. La campagne a pris une telle ampleur que même certains journaux iraniens, en proie à la censure et aux pressions du régime, y ont consacré leur « Une ».
Les trois Iraniens avaient été condamnés, fin février, pour « vandalisme », « allumage d’incendies dans le but de lutter contre la République islamique d’Iran » et « guerre contre Dieu » (« moharebeh »), sans que leurs avocats aient pu assister aux audiences. Une autre charge a été retenue contre eux : « vol à main armée et violences ». La pression de l’opinion publique a permis de changer la donne. Les avocats ont pu obtenir les pièces mettant en évidence les failles du jugement : selon eux, les trois jeunes ont été forcés de faire des aveux, et le dossier ne contient pas d’autre preuve que le seul fait qu’ils aient manifesté.
Expulsion des réfugiés politiques
Avant d’être arrêtés, Amir Hossein Moradi, 25 ans, était vendeur de téléphones portables, Said Tamjidi, 28 ans, étudiant en ingénierie électronique et Mohammad Rajabi, 25 ans, agent immobilier. Selon son avocat, Amir Hossein Moradi a été interpellé non pas pendant les manifestations de novembre, mais quelques semaines plus tard, lors d’une dispute autour de l’achat d’un téléphone portable. Pendant sa garde à vue, les policiers ont retrouvé sur son téléphone des vidéos de manifestations et ont décidé de constituer un dossier contre lui.
Pendant sa détention, il a appelé ses deux amis, Said Tamjidi et Mohammad Rajabi, qui l’avaient accompagné aux manifestations, pour les informer de l’imminence de leur arrestation. Les deux jeunes ont aussitôt fui l’Iran pour la Turquie, où ils ont passé un mois dans des camps de réfugiés. Mais la Turquie les a renvoyés en Iran dans des circonstances floues. Le site en persan Iran Wire, hébergé à l’étranger, évoque un accord entre le président iranien Hassan Rohani et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan pour l’expulsion des réfugiés politiques iraniens de Turquie.
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