mercredi 24 mai 2017

AI : une prisonnière politique menacée de l’allongement de sa peine de prison pour avoir porté plainte pour le massacre de 1988 en Iran

 Amnesty International a publié lundi un appel urgent concernant une prisonnière politique qu’on menace de prolonger sa peine de prison pour avoir déposé une plainte demandant qu’une enquête officielle soit ouverte sur les exécutions de son frère et sa sœur lors du massacre des prisonniers politiques à l’été 1988 en Iran.
Amnesty a souligné que la prisonnière d’opinion Maryam Akbari Monfared avait été menacée d’un alourdissement de sa peine de trois ans de prison et d’un exil dans une prison isolée. Elle est victime de représailles pour avoir écrit une lettre ouverte afin d’obtenir la justice pour son frère et sa sœur qui ont été exécutés sans procès en 1988. Elle purge une peine de 15 ans dans la prison d’Evin à Téhéran depuis 2009.
On peut lire dans la déclaration d’Amnesty International du 22 mai 2017 :

« Le 13 mai, le mari de Maryam Akbari Monfared, Hassan Jafari Hatam, s’est présenté au bureau du ministère des Renseignements à Téhéran après avoir été convoqué par téléphone pour un interrogatoire.
Aucune raison n’a été donnée concernant cette convocation. Hassan Jafari Hatam a déclaré qu’au ministère, les agents des renseignements l’avaient injurié et l’avaient menacé de prolonger la peine de sa femme de trois ans et de l’envoyer en exil dans une prison de la province du Sistan-Baloutchistan, au sud-est de l’Iran. Ils lui ont affirmé que ces menaces ne seraient pas mises à exécution si elle arrêtait d’écrire des lettres ouvertes pour réclamer la lumière sur le sort de plusieurs milliers de prisonniers politiques, dont son frère et sa sœur, qui ont été exécutés sans procès pendant l’été 1988.
Maryam Akbari Monfared a écrit plusieurs lettres ouvertes depuis octobre 2016 lorsqu’elle a porté plainte officiellement auprès du bureau du procureur. Elle souhaite l’ouverture d’une enquête officielle sur le massacre de 1988 afin de révéler la position des tombes collectives où les corps des prisonniers sont enterrés, tout comme l’identité des auteurs de celui-ci. »
« Jusqu’à aujourd’hui, les autorités n’ont pas donné suite à cette plainte. Au lieu de cela, elles ont eu recours à différentes tactiques punitives. Elles ont également refusé d’emmener Mme Maryam Akbri Monfared à ses rendez-vous médicaux en dehors de la prison pour soigner sa polyarthrite rhumatoïde et ses problèmes de thyroïde avec un traitement médical adéquat. Par conséquent, elle souffre de douleurs intenses dans les jambes. Les autorités l’ont aussi menacé à plusieurs reprises de mettre fin aux visites de sa famille. Dans une lettre ouverte qui a réussi à échapper à la censure de la prison en novembre 2016, elle avait écrit :
« Comment pensez-vous pouvoir effrayer quelqu’un dans ma position pour le faire taire ? Que me reste-t-il que vous ne m’ayez pas déjà pris, pour que vous me menaciez de m’en priver ? Ne vous sentez-vous pas honteux de menacer une mère de la priver de la visite de sa famille ? »
Maryam akbari Monfared est emprisonnée depuis décembre 2009 et purge une peine de 15 ans d’emprisonnement pour « inimité à l’égard de Dieu » (mohareb). Son emprisonnement est basé uniquement sur le fait qu’elle a téléphoné à des proches qui sont membres d’un groupe interdit, l’Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran (OMPI), et qu’elle leur a rendu visite une fois en Irak. »
Amnesty International a écrit des informations complémentaires au sujet de ce dossier :
Maryam Akbari Monfared a été arrêté le 31 décembre 2009. Sa famille n’a pas eu de nouvelles d’elle pendant cinq mois. Elle a été maintenue en isolement pendant les 43 premiers jours après son arrestation où elle a subi des interrogatoires intenses sans avoir accès à un avocat. Elle a rencontré son avocat commis d’office pour la première fois lors de son procès expéditif. En mai 2010, elle a été condamnée à 15 ans de prison après que la 15e division de la Cour révolutionnaire de Téhéran l’a condamné pour « inimité à l’égard de Dieu » (mohareb). La Cour a rendu son jugement malgré l’absence de preuves l’impliquant dans des activités armées.
Amnesty International en déduit que Maryam Akbari Monfared n’a pas reçu de jugement écrit apportant des preuves et un raisonnement légal sur lesquels se baser pour la condamner. Son mari avait évoqué ce point lors du procès et le juge lui avait dit qu’elle payait pour les activités de ses proches avec l’Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran, un groupe d’opposition interdit qui cherche à renverser le gouvernement iranien. La 33e chambre de la Cour suprême a maintenu cette sentence en août 2010.
Au début de l’année 2016, Maryam Akbari Monfared a soumis une requête pour une révision judiciaire (e’adeh dadresi) à la Cour suprême selon l’article 279 du Code pénal islamique iranien de 2013. Celui-ci restreint l’étendue du crime d’ « inimité à l’égard de Dieu » aux situations où l’individu a recours personnellement à l’utilisation d’armes. Avant l’adoption en 2013 du Code pénal islamique, tout membre ou soutien d’une organisation cherchant à renverser la République islamique par les armes était considéré comme « ennemi de Dieu » (mohareb) même s’il ne prenait pas part directement aux activités militaires de l’organisation.
La Cour suprême a rejeté en avril 2016 la demande de révision judiciaire et a déclaré que toute demande concernant une peine moins lourde basée sur les changements récents du Code pénal islamique de 2013 devait être adressée à la Cour qui avait prononcé la peine de mort initialement. La Cour suprême a référencé une note à l’article 10 du Code pénal islamique de 2013, qui permet aux Cours de première instance de réduire ou de commuer une condamnation qu’ils ont déjà rendue lorsqu’une nouvelle loi est mise en vigueur qui allège la peine. Le dossier de Maryam Akbari Monfared a par conséquent été renvoyé à la 15e division de la Cour révolutionnaire de Téhéran et celle-ci a maintenu son premier verdict.
Roghiyeh, la sœur de Maryam Akbari Monfared, et son frère Abdolreza faisaient partie des milliers de prisonniers politiques qui ont été éliminés en juillet 1988 et exécutés en secret et sans procès. Ils ont ensuite été jetés dans des fosses communes dont l’emplacement est inconnu. La plupart des personnes exécutées étaient des détenus politiques, dont des prisonniers d’opinion, et qui avaient déjà passé plusieurs années en prison pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion. Leurs activités consistaient à distribuer des journaux et des prospectus, à prendre part à des manifestations pacifiques contre le gouvernement et à avoir des liens réels ou présumés avec différents groupes d’opposition politique. Certains avaient déjà purgé leur peine, mais n’avaient pas été relâchés, car ils avaient refusé de faire une déclaration de « repentir » (tobeh).
Dans une lettre ouverte qui a réussi à passer les barrières de la prison d’Evin en octobre 2016, Maryam Akbari Monfared avait écrit : « Trois de mes frères et une de mes sœurs ont été exécutés dans les années 80… Mon plus jeune frère, Abdolreza, avait 17 ans lorsqu’il a été arrêté pour avoir distribué des tracts de l’OMPI et il a été condamné à trois ans de prison. Les autorités ont refusé de le libérer pendant des années après qu’il a purgé sa peine et il a été exécuté en 1988… Mon autre frère, Alireza, a été arrêté le 8 septembre 1981. Il a été jugé et exécuté 10 jours plus tard… Au 10e jour du deuil de mon frère Alireza, les forces de sécurité ont fait une descente chez nous et ont arrêté plusieurs invités, ma mère et ma sœur, Roghayeh. Ma mère a été relâchée après cinq mois, mais ma sœur a été condamnée à huit ans de prison. Elle a été exécutée en août 1988, alors qu’il ne lui restait qu’un an de prison à faire. » À la suite du dépôt de sa plainte, le substitut du procureur à la prison d’Evin a déclaré à la famille de Maryam Akbari Monfared : « De telles plaintes ne sont d’aucune utilité. Elles ne feront que rendre ses conditions de détention plus difficiles et retarder sa libération. »

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