Les autorités doivent respecter, réaliser et protéger les droits de tous les Iraniens, en particulier des femmes et des filles, a ajouté la mission dans sa première mise à jour orale au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à Genève.
La mission d’établissement des faits a déclaré que la situation générale des droits humains dans le pays risquait de se détériorer davantage si aucune réponse n’était apportée aux préoccupations soulevées à ce jour concernant les violations présumées des droits humains, et si une nouvelle législation, qui propose des peines plus sévères pour les femmes et les filles qui enfreignent les dispositions relatives au port obligatoire du voile, devient loi, a précisé le Conseil des droits de l’homme dans un communiqué de presse.
La mort de Jina Mahsa en détention en septembre, après son arrestation et sa détention par la police des mœurs pour non-respect présumé de la loi iranienne sur le voile forcé, a déclenché des manifestations dans tout le pays.
« Dix mois plus tard, le droit de la famille de Jina Mahsa à la vérité et à la justice n’est toujours pas respecté, et nous sommes préoccupés par le fait que les enquêtes nationales ne respectent pas les normes et standards internationaux relatifs aux droits humains, notamment les exigences de rapidité, d’indépendance et de transparence », a déclaré Sara Hossain, le Présidente de la mission d’établissement des faits.
Plusieurs domaines de préoccupation
La mission a mis en évidence plusieurs domaines de préoccupation. Elle a attiré l’attention sur les risques spécifiques d’une nouvelle détérioration des droits humains des personnes impliquées dans les manifestations, notamment les avocats, les journalistes et les défenseurs des droits humains, et en particulier les femmes et les filles.
Les allégations de violations des droits humains liées aux manifestations continuent d’être entendues, reçues et de faire l’objet d’enquêtes par la mission.
Le gouvernement iranien a annoncé que 22.000 personnes avaient été graciées dans le cadre des manifestations. Selon des informations reçues, ces personnes auraient été contraintes d’« exprimer des remords » et donc d’admettre effectivement leur culpabilité tout en s’engageant à ne pas commettre de « crimes similaires » à l’avenir, en violation de leurs droits humains, y compris leur droit à la liberté d’association.
Aujourd’hui encore, dix mois après les événements, aucune donnée officielle n’est publiquement disponible concernant les personnes arrêtées, détenues, inculpées ou condamnées en lien avec les manifestations. Mais des informations continuent de faire état d’arrestations et de détentions de manifestants, y compris de femmes et de filles refusant de se conformer à la loi du pays sur le voile forcé, et de harcèlement des membres de leur famille.
« Nous sommes préoccupés par la détention continue de défenseurs des droits humains et d’avocats défendant les manifestants et d’au moins 17 journalistes, dont Nilufar Hamedi et Elahe Mohammadi, qui ont d’abord rendu compte de la mort de Jina Mahsa en détention », a déclaré Viviana Krsticevic, membre de la mission d’établissement des faits.
Au moins 26 condamnés à mort
Selon les informations reçues par la mission, au moins 26 personnes ont été condamnées à mort en lien avec les manifestations depuis novembre 2022, tandis que des dizaines d’autres ont été inculpées ou risquent d’être condamnées à mort. Au moins sept hommes ont été exécutés à la suite d’une procédure précipitée, au milieu de graves allégations de violations des droits, y compris d’aveux extorqués sous la torture.
Des sanctions sévères continuent d’être infligées aux personnes impliquées dans les manifestations, notamment pour avoir exercé des droits protégés par le droit international des droits humains. Ils sont imposés à la suite de procédures judiciaires qui manquent de transparence et ne respectent pas les garanties fondamentales d’un procès équitable et d’une procédure régulière en vertu du droit international des droits de l’homme, note la mission.
« Nous sommes particulièrement préoccupés par les nombreux rapports de harcèlement de membres de la famille demandant justice pour leurs proches, y compris des enfants, qui ont été tués pendant les manifestations », a dit Mme Hossain.
Deux mois après le début des manifestations, une série d’empoisonnements présumés dans des dizaines d’écoles de 28 provinces a été signalée. La mission d’établissement des faits a dit qu’elle enquêtait pour savoir si ces empoisonnements présumés ont été orchestrés dans le but de punir ou de dissuader les filles pour leur implication dans les manifestations.
Deux projets de loi ont été déposés depuis les manifestations et attendent maintenant d’être examinés, notamment devant le Majles, ou Parlement iranien. S’ils sont adoptés, ils imposeront des sanctions plus sévères aux femmes et aux filles qui enfreignent les dispositions relatives au port obligatoire du voile et les exposeront à des risques accrus de violence, de harcèlement et de détention arbitraire, selon la mission.
Utilisation des technologies de reconnaissance faciale
Des étudiantes auraient été suspendues de leurs études ou bannies des dortoirs pour avoir défié la loi sur le port obligatoire du voile, tandis que des entreprises ont été condamnées à des amendes ou fermées pour non-application. La Mission d’établissement des faits se dit préoccupée par l’utilisation signalée des technologies de reconnaissance faciale pour identifier et arrêter les femmes et les filles qui ne se conforment pas au port obligatoire du voile et pour identifier les manifestants.
La Mission d’établissement des faits a envoyé sept lettres au gouvernement iranien, y compris des demandes répétées de visite en Iran pour recueillir des informations essentielles à ses enquêtes. Celles-ci sont jusqu’à présent restées sans réponse.
« L’Iran a l’obligation de protéger les droits de tous les habitants du pays et de faire en sorte que les personnes responsables des violations présumées des droits liées aux manifestations rendent des comptes et de s’attaquer aux causes profondes de ces violations », a déclaré Shaheen Sardar Ali, membre de la mission d’établissement des faits.
« Le peuple iranien, y compris les femmes et les filles, a des droits fondamentaux à l’égalité, à la vérité, à la justice, à la responsabilité et aux réparations qui doivent être respectés. Nous appelons le gouvernement de la République islamique d’Iran à coopérer pleinement avec notre mandat et à veiller à ce que toutes les personnes concernées aient un accès libre et sûr pour fournir des preuves », a déclaré Mme Hossain.
La Mission d’établissement des faits
Le 24 novembre 2022, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a chargé la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur la République islamique d’Iran d’enquêter sur les allégations de violations des droits de l’homme dans ce pays liées aux manifestations qui y ont commencé le 16 septembre 2022, en particulier en ce qui concerne les femmes et les enfants.
Le 20 décembre 2022, le Président du Conseil des droits de l’homme a annoncé la nomination de Sara Hossain (Bangladesh), Shaheen Sardar Ali (Pakistan) et Viviana Krsticevic (Argentine) en tant que membres de la Mission et a nommé Sara Hossain comme présidente.
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