L’impact du massacre de 1988 sur les nombreuses familles et connaissances des victimes a transformé cette question en une préoccupation nationale, et les gens exigent des réponses concernant le sort de dizaines de milliers d’Iraniens à travers le pays.
Dans une interview accordée à la chaîne d’État Etemad Online sur les Moudjahidine du Peuple (OMPI) et son rôle dans la société iranienne d’aujourd’hui, Javad Muguee, un réalisateur de documentaires proche du Renseignement iranien, a déclaré : « Le sujet principal de la présidentielle de 2017 était devenue la question des exécutions de 1988 ».
Rajanews, un site du régime, a pour sa part écrit le 1er août 2020 : « Lors des élections présidentielles de 2017, les rivaux de l’ayatollah Raïssi, avec l’aide de médias étrangers, ont remis en question sa gestion de la question de l’OMPI en évoquant les exécutions de 1988. Même Hassan Rouhani a indirectement fait référence à l’ayatollah Raïssi lors de sa campagne à Ourmia et a dit que les gens ne veulent pas de ceux qui ne s’avent que mettre en prison et exécuter.
Les mensonges du régime
Dans un effort pour justifier le massacre de 1988, de nombreux responsables et dirigeants de l’État ont attribué les exécutions de membres de l’OMPI à leur implication présumée dans des rébellions dans les prisons. Ils ont affirmé que les membres et partisans de l’OMPI agissaient en coordination avec l’Armée de libération nationale (ALN), qui avait lancé l’offensive militaire « Lumière éternelle » et attaqué depuis la frontière occidentale de l’Iran. Cela s’est produit pendant la période du 25 au 28 juillet 1988, lorsque l’ALN a réussi à pénétrer sur environ 170 kilomètres en territoire iranien dans une opération de libération du territoire national du joug de la dictature.
Le 18 septembre 2013, l’agence de presse ISNA a cité « Parsineh », un site d’enquête étudiant affilié au guide suprême du régime : « Les exécutions ne visaient pas à se débarrasser des prisonniers mais plutôt en réponse à leur rébellion dans les prisons, coïncidant avec «l’opération Mersad».
L’opération Mersad est l’expression du régime pour l’opération Lumière éternelle.
Selon les témoignages enregistrés par des dizaines de survivants du massacre de 1988, il n’y a jamais eu de rébellion dans aucune prison du pays.
Malgré les tentatives du régime pour justifier le massacre, ils ne fournissent aucun détail sur les prétendus troubles des prisons ni n’offrent de preuves à l’appui de leurs affirmations. De plus, l’ampleur du massacre dans des dizaines de villes à travers tout le pays soulève de sérieux doutes quant à la logique derrière le raisonnement du régime.
C‘est perplexe de savoir pourquoi la dictature cléricale choisirait de répondre à une supposée rébellion ou des rébellions en exterminant les membres de l’OMPI qui ont simplement exprimé leur loyauté envers l’organisation. Une répression nationale aussi généralisée et aveugle semble disproportionnée et injustifiable.
De plus, l’aspect troublant s’étend au fait que les exécutions massives visaient également des prisonniers marxistes. Cela soulève des questions sur la façon dont ces exécutions sont liées à la soi-disant rébellion des prisons dirigée par l’OMPI, qui aurait été « synchronisée avec l’opération militaire de l’ALN ».
Fatwa de Khomeiny
La nature trompeuse des justifications du régime pour le massacre devient encore plus évidente lorsque nous examinons l’origine du massacre. C’est Rouhollah Khomeiny a ordonné la répression de divers groupes ethniques et tendances politiques, y compris le peuple kurde et même les libéraux, tout en fournissant toujours des justifications religieuses et politiques à ses actions.
Dans la fatwa émise par Khomeiny, qui appelle à l’extermination de l’OMPI, il expose explicitement les raisons de ce décret. Cependant, il n’y a aucune mention ou allusion à des troubles dans une prison, et encore moins à quoi que ce soit qui puisse justifier l’éradication massive d’une croyance politique ou idéologique à travers le pays.
Dans son décret, Khomeiny accuse explicitement l’OMPI de s’engager dans « une guerre classique sur les fronts nord et sud », ainsi que de « collaborer avec le parti baathiste d’Irak et d’espionner pour Saddam contre la nation musulmane ». Pourtant, il n’y a pas un seul mot sur un assaut militaire à part entière que les autorités du régime prétendent avoir utilisé pour justifier le massacre. C’est simplement parce que la fatwa a été émise bien avant que l’ALN ne lance l’offensive « Eternal Light ».
Quand c’est arrivé
Parmi les quelques survivants du massacre de 1988, certains individus ont non seulement vécu pour raconter leurs histoires poignantes, mais sont également revenus pour rejoindre l’OMPI. Certains de ces survivants ont témoigné devant la Cour de justice de Stockholm lors du procès de Hamid Noury, un ancien gardien de prison impliqué dans les exécutions massives, qui a finalement été reconnu coupable des crimes qu’il a commis à l’été 1988.
Selon les récits de ces rescapés, les préparatifs du massacre ont commencé dès février 1988, indiquant que le régime avait prévu de prendre des mesures décisives. Mahmoud Royaei, l’un des survivants qui a passé 10 ans de sa vie dans les prisons de Ghezelhesar, Gohardasht et Evin, a partagé ses observations sur la façon dont les prisonniers politiques étaient systématiquement catégorisés et séparés en fonction de leurs affiliations politiques. Cette ségrégation s’aligne sur la fatwa de Khomeiny, qui appelait explicitement à l’exécution de ceux qui continuaient à soutenir l’OMPI.
Selon Hossein Farsi, qui a passé 12 ans dans les prisons d’Evine, de Ghezelhesar et de Gohardasht, plusieurs mois avant les exécutions, il y a eu des transferts et des relocalisations. En particulier dans la prison de Gohardasht, les prisonniers ont été classés en groupes en fonction de leur niveau de soutien à l’OMPI. Farsi lui-même a été transféré à Gohardasht au début de 1988, où il a été sévèrement torturé.
Majid Saheb Jam, un membre de l’OMPI qui a passé 17 ans dans les prisons d’Evine, de Ghezelhesar, du Comité mixte et de Gohardasht, a révélé que le massacre de 1988 avait été planifié longtemps à l’avance. Selon M. Saheb Jam, des preuves et des documents indiquent que de 1985 à 1987, les préparatifs étaient en cours pour les exécutions. Les prisonniers perçus comme affiliés à l’OMPI ont été classés en fonction de leurs peines et de leurs accusations avant d’être envoyés au «comité de la mort» à l’été 1988.
Gholamreza Jalal, un membre de l’OMPI qui a été arrêté en 1980 et libéré en 1986, a témoigné que le massacre de 1988 n’était pas le début de la voie brutale du régime. Selon lui, dès le départ, Khomeini visait à éliminer tous les jeunes qui résistaient à son règne. Les autorités pénitentiaires ont commencé à filtrer les prisonniers politiques dans les prisons de Ghezel Hesar et de Gohardasht, en distinguant ceux qu’ils percevaient comme fidèles à leurs convictions. M. Jalal a déclaré que lui et ses codétenus avaient été informés par les interrogateurs qu’aucun membre de l’OMPI ne quitterait la prison en vie.
L’héritage vivant
Le régime clérical, marqué par un règne tyrannique dans le pays et des activités terroristes extrémistes à l’étranger, a la réputation notoire d’être malhonnête. La vérité indicible sur le massacre de 1988 révèle un guide suprême qui a rejeté les initiatives de paix avec l’Irak, jurant de poursuivre une guerre sacrée pour conquérir Jérusalem via Karbala et vaincre les ennemis de l’islam.
Khomeini avait toujours nourri le désir d’anéantir l’OMPI en tant que mouvement national qui recherchait la liberté, croyait en l’islam tolérant et était l’exact opposé de tout ce que son régime fondamentaliste représentait. Des témoignages, des déclarations et des faits prouvent qu’il avait fait les préparatifs du massacre de 1988 de nombreuses années à l’avance.
Il attendait le bon moment pour passer à l’action.
Avant le massacre, l’armée de l’opposition iranienne, l’ALN, avait porté des coups importants aux troupes du régime et leur moral était au plus bas, laissant à Khomeiny le choix entre une défaite inévitable ou une humiliation personnelle. Khomeiny a comparé son acceptation d’un cessez-le-feu avec l’Irak le 18 juillet 1988 avec le fait de « boire un calice du poison ».
Après sa retraite honteuse qui a révélé que des millions d’Iraniens ont été tués, mutilés et déplacés en vain, en réponse aux défis internes et pour faire taire la dissidence, il a ordonné l’anéantissement de ceux qu’il percevait comme la plus grande menace pour la survie de son régime, comme en témoigne son fatwa.
Malgré les tentatives d’Ali Khamenei, le successeur de Khomeiny, de mentir sur les motifs des massacres, le tabou du massacre de 1988 a été brisé, les demandeurs de justice se rassemblant devant les charniers pour exiger des comptes à ce crime odieux. Trois décennies de tromperie n’ont pas réussi à faire taire les nouvelles générations, qui choisissent la résistance plutôt que la reddition et perpétuent l’héritage de ceux qui se sont battus pour la liberté. Aussi brutal et sauvage que soit le régime, il a déjà été vaincu par des générations successives d’Iraniens qui ont triomphé de la mort elle-même.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire