La menace de telles répressions a été soulignée mardi lorsqu’il a été rapporté que le pouvoir judiciaire avait condamné Rasoul Bodaghi, un organisateur de précédentes manifestations d’enseignants, à cinq ans d’emprisonnement pour « rassemblement et collusion contre la sécurité nationale » et « diffusion de propagande ». L’ONG Iran Human Rights, basée en Norvège, a cité les propos de Bodaghi lui-même : « Ma condamnation à cinq ans de prison est due à ma quête de justice et de liberté ; et à ma volonté d’améliorer le système éducatif et les droits des enseignants et des élèves. »
La même ONG a souligné sur son site Internet que la condamnation de Bodaghi reflétait une « escalade » générale « d’arrestations, de condamnations et de convocations », visant toute une série de groupes. Elle a noté que six activistes civils et militants des droits des travailleurs ont été arrêtés au cours de la seule journée du 15 avril, à la suite de descentes inexpliquées et probablement illégales à leur domicile. Dans le même temps, l’agence de presse Human Rights Activists News Agency a rapporté que deux chrétiens convertis ont été condamnés à deux ans chacun dans des prisons séparées pour le « crime » d’avoir participé à une « église de maison ».
Une semaine plus tôt, l’activiste civil Soheil Arabi a été convoqué pour commencer à purger sa propre peine de deux ans. Arabi était déjà prisonnier politique en mai 2021 lorsqu’un nouveau dossier a été ouvert contre lui. Il aurait reçu une nouvelle peine à l’issue d’un procès de cinq minutes au cours duquel il a été accusé de « troubler l’opinion publique » et de « diffuser de la propagande » pour être resté politiquement actif derrière les barreaux. Cet incident est l’un des nombreux exemples qui démontrent la volonté et la capacité du régime des mollahs à punir indéfiniment ceux qui expriment une dissidence politique, sociale ou idéologique.
Le régime iranien a longtemps maintenu le premier taux d’exécutions par habitant au monde, un grand nombre d’exécutions annuelles étant effectuées pour des raisons politiques.
Le taux d’exécution serait nettement plus élevé si l’on tenait compte du nombre de détenus qui sont tués sous la torture ou dans des circonstances mystérieuses alors qu’ils sont sous la garde de l’État.
Au moins deux nouveaux incidents ont été reconnus au cours des deux dernières semaines seulement. Un Iranien kurde de 25 ans, Milad Jafari, a été arrêté le 7 avril et emmené au poste de police de Shapour, où il serait mort dans les 24 heures. Sa famille n’a été informée de sa mort que le 11 avril, après quoi on lui a donné de multiples explications contradictoires, notamment une chute accidentelle et une overdose de médicaments. Mais les proches qui ont vu le corps ont déclaré qu’il saignait du nez et de la bouche et qu’il avait des ecchymoses sur la poitrine.
Pas plus tard qu’en février, un autre Kurde est mort dans des circonstances similaires dans le même poste de police, qui a fait l’objet de nombreux rapports de torture au fil des ans. On peut dire la même chose de divers autres lieux de détention.
Un autre prisonnier, Mehdi Salehi Ghaleh-Shahrokhi, a été déclaré mort jeudi dernier. Les autorités de la prison centrale d’Ispahan auraient téléphoné à sa famille pour l’informer de son décès, mais comme pour la famille de Jafari, aucune explication cohérente n’a été donnée. Salehi avait apparemment été transféré à l’hôpital à plusieurs reprises au cours des derniers mois, jusqu’à ce qu’il tombe dans le coma après son dernier transfert. Les premiers rapports indiquaient qu’il avait repris conscience et que son état s’améliorait mercredi, mais il est décédé la même nuit.
Certains rapports indiquent que le coma de Salehi était dû à l’administration d’un mauvais médicament, ce qui a naturellement alimenté les spéculations selon lesquelles son traitement a été intentionnellement bâclé, soit comme moyen de torture, soit comme une forme d’exécution extrajudiciaire délibérée. Salehi avait été condamné à mort pour des chefs d’accusation tels que « rébellion armée » et « inimitié contre Dieu » avec quatre autres participants au soulèvement antigouvernemental national de janvier 2018, mais il est possible que les autorités aient craint que son cas ne devienne un objet de tollé international comme dans le cas de Navid Afkari. Afkari était un champion de lutte qui a été faussement accusé de meurtre comme prétexte à son exécution pour avoir participé à des manifestations similaires.
Ces mauvais traitements infligés à la famille du prisonnier ont apparemment persisté même après la mort de Salehi, puisque tous les membres de sa famille, à l’exception des plus proches, n’ont pas été autorisés à assister à ses funérailles, que les autorités ont organisées elles-mêmes sans permettre à quiconque d’observer de près l’état de son corps. Les personnes qui ont assisté aux funérailles ont été filmées sous plusieurs angles et informées qu’elles risquaient d’être condamnées à des peines de prison si elles parlaient aux médias de l’affaire Salehi.
Face à de telles menaces, une grande partie de la responsabilité de faire connaître son cas incombe nécessairement aux militants des droits de l’homme en dehors de l’Iran. Ainsi, Mahmood Amiry-Moghaddam, directeur d’Iran Human Rights, a déclaré : « Quelle que soit la cause du décès annoncée par les autorités, son cas doit faire l’objet d’une enquête en tant qu’assassinat extrajudiciaire par une mission internationale d’établissement des faits. Tous les responsables de la chaîne de commandement, y compris les responsables de la prison, le chef du pouvoir judiciaire et le Guide Suprême de la République islamique d’Iran, doivent être tenus pour responsables. »
Alors que le régime théocratique iranien attend ces comptes, la menace de mauvais traitements, de négligence médicale et de meurtre pur et simple plane sur d’innombrables détenus et dissidents politiques, y compris ceux dont l’arrestation et la convocation viennent juste d’être annoncées, mais aussi ceux qui croupissent dans les prisons du régime depuis des mois ou des années. Mardi, HRANA a rapporté que la prisonnière politique Khadijeh Mahdipour se voit refuser un traitement médical malgré deux mois de perte de poids due à de graves problèmes digestifs. Elle avait déjà été transférée dans un hôpital en janvier alors qu’elle purgeait une peine de 20 mois pour « diffusion de propagande » et « insulte au chef suprême », mais sa situation actuelle indique que dans son cas également, l’hospitalisation n’a pour but que de prolonger la souffrance.
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