jeudi 5 novembre 2020

En Iran, à l’occasion de l’anniversaire du soulèvement de novembre 2019, les menaces sont omniprésentes pour le régime

En janvier 2018, le Guide Suprême du régime iranien, Ali Khamenei, a prononcé un discours dans lequel il a reconnu que le rôle de la Résistance organisée était déterminant dans soulèvement populaire contre la dictature. Depuis lors, lui et d’autres hauts responsables du régime ont lancé moult avertissements sur l’influence sociale de l’Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran (OMPI) qu’ils avaient passé des décennies à diaboliser à travers des campagnes et des diffamations, niant l’existence même de l’organisation et son impact.

Khamenei a tenu ses premiers propos en raison de l’ampleur et de la diversité démographique du mouvement qui a débuté fin décembre 2017 et s’est poursuivi pendant une grande partie du mois de janvier 2018. Il n’y avait tout simplement aucune explication plausible pour un tel mouvement qui n’ait pas été planifié à l’avance par un groupe de militants très organisé et largement soutenu comme l’OMPI. Et en fait, toute autre explication aurait été encore plus dommageable pour l’illusion de stabilité du régime, dans la mesure où le soulèvement national était entièrement spontané.

L’impact a été plus conséquente au cours des trois années suivantes, puisque le soulèvement de janvier 2018 n’était pas le dernier du genre. Bien qu’il ait été finalement maté par la répression violente des gardiens de la révolution islamiste (pasdaran), ce mouvement est resté vivace dans les populations locales qui ont pris part à ce que la présidente élue du CNRI, Maryam Radjavi, a appelé une « année pleine de soulèvements ».

Les composants de ces protestations ont duré pendant la majeure partie de l’année, et ce fait a contribué à mettre en évidence la réalité de l’aveu de Khamenei sur le rôle de l’OMPI. Mme Radjavi avait personnellement appelé à la poursuite des protestations après le soulèvement initial. Les « unités de Résistance » de l’OMPI ont appelé au renversement du régime.

Ce message a été encore plus évident lors du soulèvement de 2018 avec des slogans comprenant des appels explicites à l’éviction du Guide Suprême ainsi que le rejet du principe du « veleyat-e faqih », ou pouvoir théocratique absolu. Les mêmes slogans ont refait surface à une plus grande échelle encore en novembre 2019, lorsque le tollé général provoqué par la flambée soudaine des prix de l’essence fixés par le gouvernement a entraîné des protestations simultanées dans environ 200 villes et villages.

Le soulèvement ravivé était une telle menace existentielle pour le régime des mollahs qu’il a rapidement déclenché l’une des pires répressions politiques que l’Iran ait connues depuis des décennies. En quelques jours seulement, les fusillades de masse des forces de sécurité et des Gardiens de la révolution (pasdaran) ont fait environ 1 500 morts. Ce chiffre a été initialement rapporté par l’OMPI, dont les unités de la Résistance étaient naturellement en première ligne des manifestations et des heurts avec les autorités. Mais il a ensuite été confirmé par Reuters, dans un rapport qui cite de multiples sources anonymes du ministère de l’Intérieur iranien.

Le nombre de morts en novembre 2019 est un symbole évident du danger que le régime des mollahs représente pour son propre peuple, en particulier lorsqu’on le replace dans le contexte d’autres crimes contre l’humanité pour lesquels ce régime doit encore rendre des comptes. En juillet 1988, le système judiciaire iranien a constitué des « commissions de mort » dans les prisons du pays, afin d’interroger les détenus politiques et de déterminer lesquels d’entre eux sont restés fidèles à l’OMPI ou ont continué à nourrir des ressentiments envers la dictature théocratique. Après plusieurs mois, ces commissions de mort ont envoyé environ 30 000 personnes à la potence, après quoi beaucoup ont été enterrées dans des fosses communes secrètes.

Plus de 1 500 personnes ont été massacrées lors du soulèvement national du peuple iranien en novembre 2019

Parmi ceux qui ont reconnu les fusillades de masse que le régime a perpétrées il y a presque exactement un an, beaucoup ont exprimé leur inquiétude légitime quant au fait que cela pourrait être le signe de choses pires à venir. Après tout, les conditions actuelles ressemblent à celles de la fin de la guerre Iran-Irak, dans la mesure où le régime des mollahs ne parvient pas à projeter une image de force et de stabilité tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.

En premier lieu, les sanctions internationales ont rendu le régime plus isolé qu’il ne l’a été depuis des années, tout en le privant des ressources nécessaires pour alimenter sa participation à l’escalade des conflits dans toute la région environnante. Ensuite, le discours de Khamenei en 2018 et une série de propos tenus ultérieurement ont renforcé la prise de conscience de la population quant à l’échec de Téhéran dans l’éviction de la Résistance démocratique à l’été 1988.

Bien que le soutien dont jouit l’OMPI ait pu être largement dissimulé par le massacre de cette année-là, il ne s’est jamais vraiment évaporé. Bien au contraire, il a rebondi et poursuivi sa croissance pendant trois décennies, et constitue aujourd’hui le fondement d’un gouvernement alternatif plus légitime, prêt à prendre la direction du pays au détour d’une nouvelle révolution. Le soulèvement de 2018 a été une preuve unique de cette légitimité, tout en étant un signe clair que la révolution espérée est à portée de main.

On peut en dire autant du soulèvement de novembre 2019, malgré la répression violente dont les manifestants ont été victimes. Autant cette répression symbolise la menace persistante pour la vie des Iraniens ordinaires, autant elle met en lumière l’ampleur de l’anxiété et du désespoir du régime, et à quel point les mollahs se sentent réellement menacés par les soulèvements populaires récurrents menés par l’OMPI.

En fait, la description la plus pertinente de ces soulèvements n’est peut-être pas « récurrents » mais plutôt « continus ». Si l’on considère uniquement les manifestations à l’échelle nationale, le mois de novembre 2019 semble être la suite du mois de janvier 2018. Mais il y a un sens très réel dans lequel « l’année pleine de soulèvements » ne s’est jamais vraiment terminée. Et il y a d’innombrables protestations antérieures qui indiquent une tendance au ressentiment latent qui constitue une menace toujours plus grande pour la mainmise des mollahs sur le pouvoir.

Cette continuité, tout comme le rôle pivot de l’OMPI, a été reconnue à contrecœur par les responsables du régime et les médias officiels à la suite des deux soulèvements nationaux. Le quotidien Resalat, par exemple, a récemment publié un article qui indiquait que « la destruction a atteint l’un des niveaux les plus élevés en trois décennies » lors du soulèvement de l’année dernière. Mais l’article soulignait également que cette destruction ne sortait pas du néant, mais reflétait des tendances qui s’accéléraient au moins « depuis le printemps 2019 ».

L’article décrit le soulèvement comme se déroulant « au plus fort des problèmes économiques du peuple », et il décrit les unités de Résistance de l’OMPI comme des « cadres organisés » qui « ont longtemps été actifs dans l’abus du climat de mécontentement et des éventuelles protestations à l’intérieur de l’Iran ». Des observations similaires ont été proposées par de nombreuses autres sources dont les propos sont censés servir les intérêts des mollahs. Mais dans leurs efforts pour expliquer l’indéniable montée du mécontentement populaire, ces mêmes sources trahissent leur conscience d’un mouvement d’opposition ininterrompu qui pourrait déclencher un nouveau soulèvement à tout moment.

L’aggravation de la situation en Iran rend cette issue d’autant plus probable. Parmi celles-ci, on note l’épidémie de Coronavirus qui a fait au moins 138 300 morts. La situation économique continue de se détériorer alors que les dépenses du régime restent concentrées sur les querelles à l’étranger et d’autres priorités qui ne tiennent pas compte du bien-être de la population. Et malgré tout, la répression violente se poursuit alors que le régime s’efforce d’empêcher de nouveaux troubles. En attendant, ses propres commentaires publics suggèrent que le régime est de plus en plus conscient de l’impossibilité de cette tâche.

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