vendredi 13 avril 2018

#IranProtests; Iran - Lettre De Maryam Akbari-Monfared, Prisonnière Politique Résistante Détenue À La Prison D'Evin - Avril 2018

 La lettre de Maryam est en fait une réponse au juge criminel Salavati, qui avait déclaré à l’époux de Maryam, qui s’est rendu au tribunal pour connaître l’état d’avancement du dossier :"Je vais voir si son nom (Maryam) figure sur la liste des graciés ou non " !
« La société iranienne vivait au rythme de la révolution [antimonarchique]. Alors que le premier Norouz [nouvel an persan] de l’après révolution s’approchait, le califat islamique tentait de dissimuler sa nature tyrannique derrière une façade démocratique en organisant un référendum sur la « République islamique », pour camoufler ainsi son idéologie archaïque et ses principes anachroniques et inhumains.

C'est peu après que les jours noirs sont apparus l'un après l'autre. Il y a des événements dans la vie des nations dont les effets se prolongent parfois sur plusieurs générations. Les événements des années 80, huit années de guerre entre l’Iran et l’Irak, les soldats « jetables », les écoliers utilisés sur les champs de mines et comme la chair à canon, ensuite l'exécution des valeureux enfants du pays ont été les premiers "cadeaux" de la république islamique au peuple iranien. Avec les vies humaines et des années de vies qui s’en allaient, les infrastructures de la société tombaient sur la voie de destruction.
Un désastre national dont les effets sont, plusieurs décennies plus tard, toujours palpables. Des murs de la censure et de la répression s’érigeaient et la nature totalitaire de la république islamique s’employant avec toute sa force à s’emparer de la société dans son ensemble se manifestait de plus en plus. Dans ces temps dominés par les ténèbres, une génération de résistants, une génération qui refusait de se soumettre, est entrée en scène pour dévoiler la nature inhumaine moyenâgeuse de ce pouvoir.
Je salue les martyrs tombés pour la liberté, les martyrs des années 80 et les martyrs du massacre de 1988qui ont semé les graines de la révolte et de la résistance dans la société iranienne, provoquant une résurrection si édifiante au sein d’une société que l’on croyait soumise, qui a forcé le respect et l’admiration du monde entier. Après les exécutions de masse de 1988, une politique systématique consistant à dissimuler les lieux d’enterrement des victimes et à refuser de révéler l’identité des martyrs, a été mise en œuvre.
Mais bien avant, depuis la fin de l’année 1980, un rideau de déni et de mensonge couvraient les prisons et chambres d’interrogatoires. Même en dehors de cet univers sombre, les représentants du pouvoir et ses soutiens propageaient cette logique de déni, au point que Javad Zarif, ministre des Affaires étrangères du gouvernement modéré nie l’existence même des prisonniers d’opinion en Iran, mais le mouvement pour la justice et vérité l’a attrapé et pris au défi. Le massacre de 1988 a mis la base d’un système mortifère perpétuant un cercle infernal de condamnations à mort et de leur exécution qui se poursuit jusqu’à nos jours…
La république islamique n’a apporté à l’Iran, ni aux Iraniens que la mort, l’assassinat, le pillage, l’effusion de sang ; le pillage des richesses et des ressources du pays, la faillite de banques et celle de fonds de retraite, les poches vides de la population, une économie exsangue… Avec les fissures apparues dans la structure du pouvoir qui se manifestent dans les ruptures de contrats et la dégradation des relations… entraînant l’approfondissement des contradictions internes, au beau milieu d’une telle faillite généralisée, et alors que [les autorités] sentent le début de la fin de leur règne, elles tentent d’effacer tant d’années d’injustice en parlant de « grâce » dans l’illusion de pouvoir effacer, par la tromperie de « grâce », tout le mal qu’elles ont infligé au peuple iranien. Ce que j’ai écrit dans cette lettre, est ma réponse à Abolghassem Salavati qui a dit à mon époux lors d’un échange récent qu’il allait « voir si [mon] nom figure sur la liste des graciés ou non » !
La tête haute et alors que mon cœur s’enflamme et déborde d’une joie de vivre après 9 ans de prison dont j’assume tous les moments, je persiste à réclamer non seulement la justice en ce qui concerne le sang versé de ma sœur et mes frères, réclamer non seulement la justice pour ma vie volée, mais je réclame également la justice pour 9 années de la vie de mes enfants et leur enfance innocente dont vous les avez privées ; je continuerai à réclamer la justice pour tout cela…Alors ceux qui doivent être en mesure de considérer une « grâce », ce sont en plus de moi-même, mes compatriotes toujours enchaînes.
Avec tout mon amour et ma foi, je présente mes salutations les plus chaleureuses aux martyrs tombés sur le chemin de la liberté, aux martyrs du soulèvement de décembre 2017-janvier 2018, témoins de la vérité et la justice, de l’abnégation et l’endurance.
Maryam Akbari-Monfared
Prison d’Evin, printemps 1397 (2018)

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