mercredi 23 avril 2025

Crise de l’eau : une urgence nationale se prépare en Iran

 Téhéran, la capitale de l’Iran, est confrontée à l’une des plus graves pénuries d’eau de son histoire moderne. Avec plus de 20 millions d’habitants, dont une importante population flottante, la ville est désormais au bord d’une crise hydrique de grande ampleur. Ce qui pourrait sembler une conséquence naturelle de la baisse des précipitations et du changement climatique est en réalité l’aboutissement de décennies de mauvaise gestion, de corruption et de politiques malavisées du régime clérical, qui ont transformé l’un des pays les plus touchés par le stress hydrique au monde en un cas d’école d’échec environnemental.

Malgré les gros titres alarmistes des médias contrôlés par l’État, mettant en garde contre l’épuisement des barrages, la disparition des nappes phréatiques et l’affaissement catastrophique des sols, les responsables n’ont pas reconnu l’ampleur réelle du rôle du régime dans cette crise. Dans un entretien révélateur avec Ham Mihan, Issa Bozorgzadeh, porte-parole de l’industrie de l’eau du régime, a insisté sur la nécessité d’une « gouvernance locale de l’eau », mais a éludé la cause profonde de la crise : des décennies de mauvaise gestion centralisée et de surexploitation incontrôlée. Son appel à une « chirurgie de l’eau », tout en admettant que le pays est entré dans une période de « déséquilibre hydrique », ne fait qu’effleurer le sabotage de la planification durable par le régime lui-même.

Une crise alimentée par la mauvaise gouvernance et la corruption
La catastrophe hydrique en Iran n’est pas seulement une affaire de nature : elle est une affaire d’hommes. Un exposé de Donyaye Eghtesad a documenté 25 erreurs d’État qui ont systématiquement conduit le pays à la faillite hydrologique. Parmi elles : la construction d’usines sidérurgiques lourdes au cœur de régions frappées par la sécheresse, l’expansion des rizières et des champs de canne à sucre dans les provinces désertiques, et la délivrance de permis pour des milliers de puits illégaux.

Rien qu’à Téhéran, 30 % de l’eau de la ville est perdue à cause de fuites dans des infrastructures vieillissantes. Pourtant, l’État continue d’investir des milliards dans des projets d’infrastructures opaques, tout en négligeant les améliorations fondamentales en matière d’efficacité hydrique. Parallèlement, la surexploitation des eaux souterraines a entraîné des taux d’affaissement de terrain alarmants – jusqu’à 36 cm par an dans certaines zones –, créant des dommages géologiques irréversibles.

Et si les autorités pointent du doigt les usages individuels, l’essentiel de la mauvaise gestion de l’eau est imputable aux industries favorisées par l’État et aux expansions agricoles non réglementées. Le tristement célèbre programme gouvernemental visant à légaliser 30 000 puits illégaux en 2010, sous prétexte de développement rural, n’a fait qu’accélérer l’épuisement des eaux souterraines.

Le changement climatique est une réalité, mais la négligence de l’État l’est tout autant.
Si les précipitations ont effectivement diminué – Téhéran n’a reçu que 135 mm cette année au lieu des 202 mm attendus –, ce sont les politiques à courte vue du régime qui ont transformé la sécheresse saisonnière en une sécheresse existentielle. Malgré cela, les responsables du régime insistent sur le fait que l’Iran est sur la voie du « développement », comme l’a récemment affirmé le commandant Ahmadreza Radan dans Defa Press, qui a loué de manière absurde les « progrès en matière d’infrastructures » dans des régions en situation de stress hydrique comme le Sistan-et-Baloutchistan.

Les experts ne sont pas d’accord. De nombreuses recherches ont montré que le système iranien de gouvernance de l’eau, centralisé et opaque, est en contradiction avec les modèles de gestion adaptatifs et décentralisés adoptés dans des pays comme l’Espagne, l’Australie et les Pays-Bas. Pourtant, Téhéran reste prisonnier d’un modèle où les dogmes idéologiques priment sur les réalités environnementales.

Le prix de l’obéissance
Dans la dictature cléricale, l’eau n’est pas seulement une ressource, c’est un bien politique. L’allocation de l’eau obéit souvent à la loyauté envers le régime, et non aux besoins. Alors que les quartiers aisés du nord de Téhéran bénéficient d’un accès continu à l’eau, les quartiers plus pauvres et les villes voisines sont confrontés au rationnement ou à des robinets secs. Cet accès inégal ajoute une couche d’injustice supplémentaire dans un pays déjà divisé par les classes et les privilèges.

Les appels à la réforme se font de plus en plus pressants, même au sein des médias d’État. « Le gouvernement a contribué au problème », a admis Bozorgzadeh avec une franchise inhabituelle. Mais reconnaître l’échec n’est pas synonyme de transformation. Sans changements structurels – responsabilité juridique, contrôle indépendant et décentralisation – le pays poursuivra sa descente aux enfers.

Une prise de conscience nationale approche
La crise de l’eau à Téhéran est un microcosme de l’échec plus général de la gouvernance iranienne. Ce qui se profile n’est pas seulement une pénurie d’eau, mais un effondrement de la confiance dans des institutions qui ont échoué à plusieurs reprises à protéger le bien public. L’eau, comme l’air, est un droit commun. Lorsqu’un régime ne peut plus le garantir, la légitimité de son pouvoir s’évapore plus vite que ses réserves qui se réduisent.

Le temps des mesures cosmétiques et des jeux de reproches est révolu. Si le régime ne parvient pas à sauver l’avenir de l’eau en Iran, il risque de sombrer dans une crise qu’il a lui-même provoquée.

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